Après quatre mois d'imbroglio post-électoral, les sociaux-démocrates allemands décidaient hier s'ils acceptent le principe d'une nouvelle coalition dirigée par Angela Merkel, un vote qui focalise l'attention en Allemagne comme en Europe. Vendredi à Paris, la chancelière allemande et le président français Emmanuel Macron ont encore insisté sur l'importance d'une Allemagne en ordre de marche pour réformer l'UE. De quoi mettre la pression sur le SPD qui à fait de l'avenir de l'Europe un leitmotiv. Les 600 délégués du congrès social-démocrate, réunis à Bonn, doivent accepter ou rejeter le résultat de discussions préliminaires avec les conservateurs, qui ont abouti la semaine dernière à une ébauche de programme commun avec la CDU de Mme Merkel et ses alliés bavarois (CSU). Au moins cinq heures de débat son prévues. Un vote favorable dans l'après-midi conduirait à de nouvelles négociations pour former un gouvernement aux alentours de Pâques. Mais un «non» mettrait l'Allemagne dans une situation inédite. Angela Merkel devrait alors faire le choix de tenter de former un gouvernement minoritaire, fragile de nature, ou se résoudre à des élections législatives anticipées à hauts risques pour elle. La chancelière a refusé jusqu'ici ces deux options, des élections laissant notamment craindre une nouvelle poussée de l'extrême droite, alors que les quelque 13% recueillis en septembre par l'AfD, un score historique, ont déjà morcelé la chambre des députés et compliqué la quête d'une majorité. Laminé aux législatives (20,5%) et en chute dans les sondages depuis, le SPD est profondément divisé face à la perspective de reconduire la grande coalition ou «GroKo» sortante avec Angela Merkel. Dans l'esprit du chef du parti Martin Schulz et de la plupart des autres dirigeants, il s'agit d'éviter à l'Allemagne une crise gouvernementale prolongée et, par ricochet, à l'Union européenne une paralysie mortifère à l'heure où des réformes-clés en matière économique, budgétaire et migratoire doivent être négociées. Enfin, il s'agit aussi d'éviter des élections anticipées lors desquelles les «électeurs puniront» ceux qui ont été incapables de former un gouvernement, argumente M. Schulz. «Aujourd'hui est un jour où beaucoup se joue pour le SPD, le pays et l'Europe», a-t-il résumé sur twitter hier après avoir sillonné le pays toute la semaine pour convaincre les fédérations du parti. Mme Merkel a elle aussi beaucoup insisté sur l'Union européenne pour convaincre les sociaux-démocrates récalcitrants de s'unir une nouvelle fois aux conservateurs: «Je vois un large terrain d'entente, notamment pour ce qui est de l'engagement européen et je suis convaincue que cela exige un gouvernement stable». Une partie de la base du SPD considère cependant qu'il leur faut se ressourcer dans l'opposition. Selon eux, seule la chancelière a profité de l'expérience gouvernementale commune, alors même que certaines des réformes les plus populaires ont été portées par les sociaux-démocrates. Ces militants qui se retrouvent sous la bannière îNoGroKo du chef des jeunes du parti Kevin Kühnert, estiment aussi que trop de concessions ont été faites aux conservateurs lors des pourparlers préliminaires de janvier, notamment sur la fiscalité, la santé et l'immigration. Une alliance serait d'autant plus amère pour eux que le soir de la défaite aux législatives, Martin Schulz avait promis mordicus une cure de jouvence dans l'opposition. «L'ambiance est à la controverse au SPD», résume Kevin Kühnert, tandis que la cheffe des sociaux-démocrates de Bavière, Natascha Kohnen, prédit un vote «serré». Un vote positif (hier) ne signifiera pas pour autant la fin de l'imbroglio gouvernemental. En effet, le SPD soumettra le résultat des éventuelles futures négociations à ses militants. Pour de nombreux observateurs, ces difficultés à composer son quatrième gouvernement illustrent le crépuscule d'Angela Merkel après plus d'une décennie d'un pouvoir inoxydable. En cas d'alliance, «Merkel et Schulz gouverneront mais sans inspiration. Cette grande coalition symbolisera le début de la fin d'une ère, et pas vraiment le lancement d'une nouvelle», analyse un centre de réflexion, le Conseil européen des relations internationales.