Le négociateur en chef de l'Union européenne sur le Brexit Michel Barnier a pressé lundi à Londres le gouvernement de Theresa May de "faire un choix" sur l'après Brexit, en rappelant que des barrières commerciales étaient "inévitables" en dehors de l'union douanière et du marché unique qu'il veut quitter. "Le temps est venu de faire un choix", a dit M. Barnier à l'issue d'un entretien avec la Première ministre britannique et son ministre du Brexit David Davis. "Nous avons besoin de clarté sur les propositions britanniques sur la future relation" du Royaume-Uni avec l'UE, a-t-il ajouté. "La seule chose que je peux dire c'est que sans l'Union douanière et hors du marché unique, les barrières au commerce des biens et services sont inévitables", a-t-il rappelé, au moment où un débat sur ce thème fait rage au sein du gouvernement britannique. Plus tard, au cours de sa visite à l'Autorité bancaire européenne, qui doit déménager à Paris après le Brexit, il a réaffirmé sur Twitter qu'"en quittant le marché unique, le Royaume-Uni perdra le passeport financier". La question représente un enjeu majeur pour les nombreux prestataires de services financiers qui opèrent depuis Londres auprès de clients des vingt-sept autres pays. David Davis a lui réaffirmé que son pays allait quitter "l'accord douanier" afin d'être libre de signer des accords commerciaux avec le reste du monde, tout en souhaitant conserver la relation commerciale "la plus fluide possible" avec l'UE une fois le Brexit acté. Ces mises au point interviennent en plein accès de tension entre pro et anti-Brexit, à la suite d'une des multiples informations circulant autour des négociations et selon laquelle certains ministres s'apprêteraient à maintenir le Royaume-Uni dans l'union douanière pour préserver les relations économiques après la sortie de l'UE. Le porte-parole de Theresa May avait dû monter au créneau peu avant la rencontre pour affirmer que les seules options envisagées par Londres étaient soit "un nouveau partenariat douanier", soit "des dispositions douanières allégées", sans vraiment expliquer la différence entre toutes ces possibilités. Alors qu'une nouvelle séance de négociations est prévue à Bruxelles de mardi à vendredi, Michel Barnier a prévenu en quittant Bruxelles qu'il n'y avait "pas une minute à perdre" dans les discussions pour arriver à un accord. "Mon sentiment, c'est que nous n'avons pas une minute à perdre si nous voulons conclure un accord", a dit M. Barnier à la BBC et à Sky News. En décembre, Londres et Bruxelles avaient conclu un accord préliminaire sur leur divorce, et doivent désormais s'entendre sur la période de transition post-Brexit et la future relation qui unira les deux parties. Lundi dernier, l'UE avait fait part de sa position pour négocier la phase de transition post-Brexit souhaitée par le Royaume-Uni. Les 27 pays qui resteront dans l'UE ont approuvé le principe "d'une transition +statu quo+" mais sans que Londres ait le pouvoir d'intervenir dans les décisions de l'Union.
Discussions animées Cette période de transition continue de déchirer le Parti conservateur de Theresa May. Des députés pro-Brexit craignent notamment que le Royaume-Uni, qui continuera à respecter les règles européennes pendant cette période sans avoir son mot à dire, devienne un "Etat vassal" de l'Union. La transition comme la future relation devraient faire l'objet de discussions animées cette semaine lors de réunions destinées à mettre au point la position du gouvernement, divisé entre Brexiters purs et durs --comme le chef de la diplomatie Boris Johnson, et le ministre de l'Environnement Michael Gove-- et partisans du maintien de la relation la plus étroite possible avec l'UE, à l'instar du ministre des Finances Philip Hammond. Ce dernier avait déclenché la colère des pro-Brexit en déclarant récemment que le Royaume-Uni ne s'éloignerait que "très modestement" de l'économie européenne après la sortie de l'union. Theresa May se retrouve dans la position inconfortable de devoir contenter les uns sans mécontenter les autres. Et elle peine à imposer son autorité sur son gouvernement depuis son revers aux législatives de juin, lors desquelles les conservateurs avaient perdu leur majorité absolue à la chambre des Communes.
Une UE économe après le Brexit Le chancelier autrichien Sebastian Kurz s'oppose à ce que l'UE, après le départ du Royaume-Uni, augmente les contributions des Etats membres au budget commun et plaide pour des coupes dans certains programmes, notamment les versements aux pays de l'Est. L'Autriche, qui prendra la présidence tournante de l'UE en juillet, souhaite que l'UE, dont les ressources vont baisser après le Brexit, "soit plus économe avec l'argent des contribuables" et "passe en revue" ses différents programmes pour faire des économies, explique le dirigeant dans une interview lundi au quotidien autrichien Standard. "L'alternative serait de solliciter plus de contributions financières. Mais ce n'est pas mon choix", explique M. Kurz, qui dans les négociations à venir sur le budget post-2020 entend "représenter fermement" le camp des contributeurs nets, aux côtés notamment du Premier ministre néerlandais Mark Rutte. "Actuellement, beaucoup d'argent est versé aux pays d'Europe de l'Est (...). La question est partiellement posée de savoir si l'argent est dirigé au bon endroit", ajoute M. Kurz. Interrogé pour savoir si la Pologne et la Hongrie, qui comptent parmi les principaux bénéficiaires nets des fonds européens, doivent s'attendre à des baisses de versement, le chancelier reconnaît qu'il a sur ce point "une forte divergence de vue" avec le Premier ministre hongrois Viktor Orban. M. Kurz a récemment reçu à Vienne son homologue et voisin hongrois, affichant avec lui une proximité sur plusieurs sujets, dont une politique migratoire intransigeante de surveillance des frontières extérieures de l'UE. Parmi les autres programmes européens à réévaluer, il cite "les centaines de millions" d'euros prévus par l'UE pour un rapprochement avec la Turquie. Selon la Commission européenne, le départ du Royaume-Uni, contributeur net au budget européen, devrait représenter une perte de 12 à 13 milliards d'euros par an.