Au moment où le pétrole a fait exploser hier tous ses records en atteignant les 103,05 dollars le baril, tous les regards sont braqués sur la capitale autrichienne, Vienne, où les ministres des pays membres de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) doivent se réunir, le 5 mars, pour réexaminer le niveau de la production, fixé actuellement à 29,67 millions de barils par jour. Le ton a été donné jeudi lorsque le contrat avril sur le pétrole brut léger américain a atteint 102,74 dollars le baril, dépassant son précédent record historique ajusté de l'inflation qui était de 102,53. Selon les statistiques de l'Agence internationale de l'énergie (AIE), celui-ci remontait à avril 1980, dans le sillage de la Révolution iranienne. Le contrat a terminé en hausse de 2,98%, soit de presque trois dollars, à 102,61, un nouveau record pour une clôture. Cette euphorie avait été identique à Londres, où le baril de pétrole Brent, moins léger que celui vendu à New York, a dépassé pour la première fois le niveau historique des 101 dollars, en s'établissant à 101,27 dollars. Il a également clôturé au niveau record de 100,90 dollars, une progression d'environ trois dollars sur une seule séance. En l'espace d'une semaine, les cours de l'or noir ont franchi successivement les caps de 101 dollars, 102 dollars et depuis hier celui des 103 dollars à New York. Traditionnellement alimentée par des craintes sur le niveau jugé mince des réserves pétrolières face à une demande sans cesse croissante, l'envolée des cours du brut de ce week-end a cette fois été due à l'effondrement du dollar, monnaie dans laquelle il est vendu, avancent les analystes. Les cours profitent d'achats spéculatifs, motivés également par le retour du froid sur le nord-est des Etats-Unis et par la persistance de tensions dans plusieurs grandes régions productrices du monde. Les fonds achètent aussi dans la perspective d'un maintien des quotas de production de l'Opep, mercredi, malgré le nouvel appel jeudi du secrétaire américain à l'Energie, Sam Bodman, en faveur d'une hausse de l'offre pour soulager les pays consommateurs. En effet, les déclarations du président de l'Opep, M. Chakib Khelil, abondent dans ce sens. "Je peux vous dire que les ministres du Pétrole de l'Opep n'augmenteront pas la production, les stocks étant suffisants", a-t-il déclaré à l'agence de presse Reuters, en marge de sa visite dans la capitale nigériane, Abuja. L'Opep qui doit analyser le marché pour savoir si le niveau des prix est dû à la volatilité, c'est-à-dire aux spéculateurs et aux facteurs de tensions géopolitiques, ou à l'offre et la demande, ne devrait, toutefois, pas toucher à ses quotas de production lors de sa réunion. Le cartel s'inquiète d'une baisse de la demande au deuxième trimestre en raison de la fin de l'hiver mais surtout des retombées attendues du ralentissement économique américain. D'ailleurs, depuis sa dernière réunion le 1er février à Vienne, plusieurs membres, notamment le Venezuela et l'Iran, se sont dits en faveur d'une baisse de production le 5 mars pour éviter un surplus sur le marché pétrolier. Le président de l'Opep a assuré que, pour la réunion de mercredi, l'Opep "prendra en considération tous les paramètres du marché pétrolier. La probable récession de l'économie mondiale, les niveaux élevés des stocks pétroliers aux Etats-Unis et les analyses de l'Agence internationale de l'énergie (AIE) qui prévoit un recul de la demande". Il a cependant précisé que "si les raffineries demandent moins de brut à partir d'avril prochain, l'Opep fournira moins. Cette éventualité repose sur la demande mondiale qui, traditionnellement, tend à baisser de deux millions et demi de barils par jour en moyenne, au second trimestre de l'année".