On savait déjà, en ce qui concerne la politique au Moyen-Orient et envers la Fédération de Russie de la Maison-Blanche, qu'un abîme infranchissable séparait les paroles des actes du président Donald Trump. Que, pour prendre qu'un exemple bien connu, le slogan " Nous avons presque atteint l'objectif de détruire l'Etat islamique " n'avait été lancé que comme on jette de la poudre aux yeux. Le but était tout autre : le régime et le peuple syrien. On savait encore que rien à en juger par les réalités vécues, ne permettait d'accorder quelque crédit à la " volonté " maintes fois proclamée par Washington de tisser avec la Russie de nouveaux liens de coopération, sans plus aucun relent de rivalité au Moyen-Orient, d'ouvrir un rapprochement débouchant progressivement sur une contribution active et rayonnante dans cette partie du monde, ou d'apporter une action commune qui corresponde non aux souvenirs du passé et de la guerre froide mais à l'appel de l'avenir pacifique. On savait enfin, et l'on avait pu s'en rendre compte en de multiples occasions, que l'on fait, à la Maison-Blanche, peu de cas de l'opinion publique… On aurait pu croire, cependant qu'avec les interventions militaires américaines suivies de massacres sanglants en Yougoslavie, en Irak et en Libye, les USA avaient atteint, ces dernières années, les limites du possible dans le rôle qu'ils se sont octroyé de "Gendarme en chef de l'impérialisme" sur le monde. On aurait pu penser aussi que les tentatives de reconquête coloniale directe, menées avec l'aide des monarchies arabes, ne connaitraient plus, après le tollé suscité par l'échec du " printemps arabe ", de récidives similaires. Il n'en est rien. Avec les nouvelles frappes aériennes visant la Syrie et leur développement, on est allés plus loin encore aussi loin qu'à l'époque où les Etats-Unis et leurs alliés occidentaux se livraient au " dépeçage " du Monde arabo-musulman. C'est, précédées de l'aviation US, en effet que la France et la Grande-Bretagne ont violé le droit international en Syrie. Jamais la politique de Washington, de Paris et de Londres au Moyen-Orient n'avait suscité, d'aussi violentes réactions et fait l'objet d'un examen aussi critique et aussi sévère de la part du Conseil de sécurité de l'ONU. Devant le Conseil de sécurité de l'ONU réuni samedi dernier en urgence, après les frappes aériennes effectuées plus tôt par les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni, le SG de l'ONU, Antonio Gutarres a une nouvelle fois exhorté tous les Etats membres à faire " preuve de retenue et à " éviter tout acte " qui pourrait " aggraver la situation ". Pour le SG des Nations unies " La Syrie représente aujourd'hui la menace la plus sérieuse pour la paix et la sécurité internationale " tout en affirmant "La nécessité d'éviter que la situation ne devienne incontrôlable ". Il a par ailleurs, appelé les membres du Conseil de sécurité à s'unir et à exercer leur responsabilité principale en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationale, conformément à la Charte des Nations unies. Officiellement, la justification de cet " embrouillamini " tournait et tourne autour d'un présumé stockage d'armes chimiques par la Syrie dans trois emplacements militaires. Curieusement, ce scénario est contredit par les " vérités " qui s'accumulent : l'objectif est d'abattre le régime du président Bachar al-Assad, l'affaiblissement de l'impact de la présence russe dans la région, l'isolement total de l'Iran mais aussi de donner plus de suprématie à Israël. Mieux encore, les frappes de missiles contre les cibles militaires syriennes, n'étaient pas seulement une démonstration de force pour leurs alliés mondiaux et régionaux. Pour le Pentagone, cette opération est une méthode de pression sur les autorités de l'Arabie Saoudite, à partir de laquelle le président américain Donald Trump exige de " financer " sa campagne syrienne. Le fait que l'Arabie Saoudite devrait payer pour l'opération américaine en Syrie, a été ressenti, le 3 avril dernier, lors d'une conférence de presse animée par Trump. " Nous avons presque atteint l'objectif de détruire l'Etat islamique en Syrie. Nous allons très vite prendre une décision avec nos alliés dans la région sur ce qu'il faut faire ensuite. L'Arabie Saoudite est très intéressée par notre décision, et j'ai dit : " Vous savez, si vous voulez que nous restions, vous devez peut-être payer " a tonné Trump en direction des pétrodollars saoudiens. La réponse est venue du prince héritier d'Arabie saoudite, Mohamed ben Salman, lors de sa visite le 10 avril dernier en France lequel, a annoncé la possibilité de son pays de se joindre à une frappe de missiles en Syrie. " Si cela est nécessaire dans le cadre de la coopération avec nos alliés, nous nous joindrons ", a-t-il déclaré. C'est ce qui s'est passé le jour même où Trump a tenu des conversations téléphoniques avec son homologue français Emmanuel Macron sur l'opération militaire en Syrie. En même temps, l'Arabie Saoudite a fait un rapprochement sans précédent avec un autre allié américain : Israël. Le prince héritier dans une interview à " The Atlantic ", a reconnu le droit des Israéliens à leur propre Etat dans la région. Pour sa part, Tel-Aviv partage les préoccupations de Ryadh concernant le renforcement de l'Iran sur le territoire syrien. Mais la question qui se pose : où l'Arabie Saoudite trouvera-t-elle de l'argent pour financer l'aventure américaine en Syrie ? Selon des experts interrogés par un média russe, aujourd'hui l'Arabie Saoudite peut à peine se permettre de financer le fonctionnement des alliés occidentaux en Syrie, indépendamment de la pression de Donald Trump. Selon Bloomberg ? après l'effondrement des prix du pétrole en 2014, Ryadh a été contraint de dépenser 200 milliards de dollars de ses réserves de change (totalisant 700 milliards de dollars) pour stabiliser l'économie du pays. Ces processus ont un effet choquant sur la politique saoudienne. L'exemple le plus évident est la " captivité " des clans. Fin 2017, les autorités saoudiennes ont arrêté un certain nombre d'hommes d'affaires de haut rang, représentants de familles proches du trône. Selon les médias, sous prétexte de lutter contre la corruption et la fraude. Tout cela montre que l'Arabie Saoudite a de gros problèmes avec l'argent. En outre, une autre opération militaire en Syrie en sous-traitance avec les USA risquerait une forte pression sur son budget surtout que ses forces militaires mènent toujours l'occupation du Yémen.