La menace de la Corée du Nord d'annuler le sommet prévu entre le président Donald Trump et le leader nord-coréen, Kim Jong-un, le 12 juin à Singapour, met l'administration américaine dans la tourmente, alors que la Maison Blanche espérait un "succès rapide" des négociations sur la dénucléarisation de la péninsule coréenne. Mardi, Pyongyang a menacé "de reconsidérer le fait d'accepter le sommet à venir " si les Etats-Unis lui "exigent unilatéralement de renoncer à l'arme nucléaire". La mise en garde a en effet ramené la Maison Blanche à la réalité de la situation : le processus de négociation avec Kim Jong-un "demeurait plus que jamais périlleux", a commenté mercredi CNN. La Corée du Nord a d'abord dénoncé les exercices militaires annuels entre les forces américaines et sud-coréennes qui ont débuté le 11 mai dans le sud de la péninsule coréenne, critiquant en particulier le Conseiller à la sécurité nationale, John Bolton, pour avoir proposé le "modèle libyen" pour la dénucléarisation de la Corée du Nord. Fin avril, Bolton a suggéré de stopper le programme nucléaire nord- coréen en s'appuyant sur les négociations menées avec la Libye, qui auraient selon lui, permis de mettre fin aux ambitions nucléaires du défunt dirigeant libyen Mouammar Kadhafi. Mais a reconnu que dans "le cas de la Libye la situation était différente à certains égards" car ces discussions n'étaient pas connues publiquement. "C'est une tentative hautement sinistre de faire subir à la Corée du Nord le sort de la Libye et de l'Irak (...) je ne peux retenir ma colère face à cette politique américaine", a déclaré Kim Kye-gwan, le ministre adjoint nord-coréen des Affaires étrangères. Selon plusieurs analystes, la Corée du Nord veut en effet réduire l'influence de John Bolton sur ce dossier. Le Conseiller à la sécurité nationale du président Trump a été déjà accusé d'avoir fait capoter l'accord bilatéral avec la Corée du Nord en 2008, lorsqu'il a qualifié cette entente de "pathétique". La Corée du Nord a envoyé un message clair au président Trump avant le sommet signifiant qu'il ne devait pas "écouter son nouveau conseiller John Bolton", a relevé une analyse publiée mercredi par Associated Press. Pour Pyongyang, le désaveu de Bolton apparait actuellement comme une priorité majeure. "Nous ne cachons pas notre sentiment de répugnance à son égard", a déclaré Kim Kye-Gwan. Partisan d'une ligne dure contre Pyongyang, Bolton qui était conseiller de l'ancien président Georges Bush sur le dossier nord-coréen, a défendu en août dernier l'idée d'une frappe préventive contre la Corée du Nord. Selon la même analyse, les dernières déclarations de la Corée du Nord ne constituent pas une critique à l'endroit du président américain et de son secrétaire d'Etat Mike Pompeo. Bien au contraire, la Corée du Nord se félicite de la position de Trump de mettre fin aux hostilités profondément enracinées entre les deux pays et a conclu que si le président américain abordait le sommet avec l'objectif d'améliorer les relations, le résultat ne sera que positif pour peu "qu'il n'écoute pas son conseiller à la sécurité nationale". "Nous avons déjà exprimé notre intention de dénucléariser la péninsule coréenne et précisé à plusieurs reprises que la dénucléarisation doit mettre fin à la politique hostile à la Corée du Nord et au chantage des Etats-Unis", a indiqué le ministre adjoint. "Mais maintenant, les Etats-Unis ont mal apprécié la magnanimité et les initiatives de la Corée du Nord (en les interprétant) comme des signes de faiblesse" tout en essayant de faire croire qu'elles sont le résultat des sanctions et des pressions américaines, a ajouté le responsable nord-coréen. Bien qu'elle ait restée silencieuse sur ses intentions concernant la réunion, la Corée du Nord n'a pas manqué d'exprimer deux autres préoccupations à travers ses dernières déclarations à savoir l'avenir des 30.000 soldats américains déployés en Corée du Sud et la levée des sanctions qui lui ont été imposées. Au demeurant, la dernière réaction de Pyongyang est vue à Washington comme une tentative de Kim Jong-un de renforcer sa position avant le sommet de Singapour. Peu avant ces déclarations, la Corée du Nord a annoncé qu'elle avait reporté des discussions de haut niveau avec sa voisine du Sud en raison des manœuvres militaires de Séoul et Washington qui constituent depuis longtemps une source majeure de conflits entre les deux Corées. Avant le sommet historique de Singapour, des divergences fondamentales séparent les deux parties. Alors que la Corée du Nord souhaite mener une dénucléarisation assortie de mesures applicables progressivement, les Etats Unis ont fait part de leur souhait de parvenir rapidement à un plan mettant fin aux ambitions nucléaires de Pyongyang. Le secrétaire d'Etat, Mike Pompeo a déclaré à ce sujet que l'administration américaine n'allait pas entreprendre la même démarche traditionnelle dans ses négociations avec la Corée du Nord et qu'en aucun cas elle allait lever les sanctions ou accorder une aide financière à Pyongyang en contrepartie d'un démantèlement progressif de son arsenal nucléaire. "Nous espérons que ça sera plus grand, différent et rapide", a déclaré Pompeo.