Les négociations commerciales entre les Etats-Unis et le Canada devaient entrer mercredi dans le vif du sujet à Washington pour sauvegarder un accord de libre-échange nord-américain (Aléna) à trois partenaires, après la signature lundi du pan bilatéral associant le Mexique et les Etats-Unis. La ministre canadienne des Affaires étrangères Chrystia Freeland, négociatrice en chef pour le gouvernement de Justin Trudeau, est arrivée mardi en fin de journée dans la capitale américaine, où elle a eu une brève réunion avec le représentant américain au commerce Robert Lighthizer. "Nous avons décidé d'avoir des conversations plus en détail au niveau des enjeux spécifiques" mercredi, a-t-elle déclaré à la presse à sa sortie. Manifestant un certain optimisme, elle a souligné que l'accord conclu par Washington et Mexico, annoncé lundi par le président Donald Trump, "prépare le terrain" pour un nouveau traité commercial nord-américain. Les grandes lignes d'un Aléna version 2.0, qui revisite l'accord signé il y a 24 ans et que Donald Trump a qualifié de "désastreux" pour son pays, sont maintenant sur le papier. Elles comprennent de nouvelles dispositions sur le commerce de l'automobile avec un pourcentage plus élevé de composants produits localement, des protections plus strictes pour les travailleurs et une disposition permettant de revoir l'accord tous les six ans. La ministre canadienne a salué "les compromis assez difficiles" du Mexique sur le droit du travail et les règles d'origine des automobiles. "Nous espérons le meilleur mais nous sommes toujours prêts à tous les scénarios". Il reste en effet des points de friction de taille avec le Canada, dont la question de son marché des produits laitiers et son attachement à une procédure de règlement des différends entre les partenaires du traité. Le Premier ministre canadien Justin Trudeau a ainsi affirmé mardi: "Nous allons travailler de bonne foi, de façon constructive (...) mais nous n'allons signer qu'un accord qui est bon pour le Canada". Le secteur laitier canadien semble déjà au cœur des exigences américaines dans ces négociations. Alors qu'un conseiller économique du président Trump, Larry Kudlow, a d'ores et déjà exigé d'Ottawa d'intégrer ce secteur dans les négociations, M. Trudeau a promis qu'il défendrait ce système de contrôle de la production en place au Canada depuis les années 1970.
Lait de la discorde? "Nous défendrons la gestion de l'offre", un système par lequel Ottawa contrôle la production et le prix du lait produit par les éleveurs canadiens grâce à des quotas annuels, qui leur assurent des revenus stables et prévisibles. Les Etats-Unis réclament le démantèlement de ce système. "Ils ont du mal avec le mot +lait+", a ironisé le conseiller du président Trump. "Ils ont ce système planifié géré par le gouvernement", a-t-il critiqué ajoutant que les tarifs douaniers du Canada sur les produits laitiers américains atteignaient "jusqu'à 300%". "Ils vont devoir corriger cela", a lancé M. Kudlow. Dans les trois pays, on se montre plutôt pressés de conclure un nouvel accord même si Donald Trump brandit régulièrement la menace de signer deux accords bilatéraux si les négociations ne vont pas dans son sens. Au Canada, M. Trudeau fait face à la pression du calendrier politique alors que des élections doivent avoir lieu dans un an et qu'il faut éviter d'apparaître comme capitulant devant le président américain. Aux Etats-Unis, il y a aussi urgence car Washington veut résoudre la question avant les élections législatives de novembre. Au Mexique, le président Enrique Pena Nieto veut signer le pacte commercial avant de laisser la place à Andres Manuel Lopez Obrador, le 1er décembre. Autre point de contentieux entre Washington et Ottawa: le Canada s'oppose à la volonté des Etats-Unis d'éliminer le mécanisme de règlement des différends (Chapitre 19) qui semble avoir été abandonné dans l'accord avec le Mexique. Le Canada a utilisé cette disposition pour contester les droits antidumping et compensateurs américains. Entre le Mexique et les Etats-Unis, il a fallu des semaines de discussions pour trouver un accord. Le Canada avait préféré les laisser régler leurs différends, bien plus nombreux. Le secrétaire américain au Trésor Steven Mnuchin a affirmé mardi que l'objectif était désormais "d'intégrer rapidement le Canada à l'accord". "Les marchés américains et canadiens sont très imbriqués. Il est important pour eux d'obtenir cet accord et c'est aussi important pour nous", a-t-il déclaré. "Je pense que nous réussirons (...) et si nous n'y parvenons pas, nous irons de l'avant avec le Mexique et nous conclurons ensuite un accord séparé avec le Canada".
Ottawa sur ses gardes Peu auparavant, Trudeau a promis de défendre le secteur laitier canadien dans la renégociation du traité de libre-échange nord-américain (Aléna) et a prévenu qu'il ne signerait un accord avec les Etats-Unis et le Mexique, que s'il est "bon pour le Canada". "Nous allons travailler de bonne foi, de façon constructive (...) mais nous n'allons signer qu'un accord qui est bon pour le Canada", a-t-il déclaré lors d'un point de presse en banlieue de Montréal. M. Trudeau a expliqué que son équipe de négociateurs, dirigée par sa ministre des Affaires étrangères Chrystia Freeland, "est actuellement à Washington pour examiner en profondeur les progrès réalisés" entre les Etats-Unis et le Mexique. Il a notamment souligné les "progrès très positifs notamment dans l'automobile". Il a souligné qu'il "défendrait" le système de la "gestion de l'offre" qui protège le puissant secteur laitier canadien et dont la Maison Blanche réclame le démantèlement. "Ma position sur la défense de la gestion de l'offre n'a pas changé", a-t-il insisté. "Nous défendrons la gestion de l'offre", un système par lequel Ottawa contrôle la production et le prix du lait produit par les éleveurs canadiens grâce à des quotas annuels, qui leur assurent des revenus stables et prévisibles. Chrystia Freeland, en charge de ce dossier ultra-stratégique, a interrompu une tournée en Europe pour venir entamer des négociations après l'annonce par le président Donald Trump que le Mexique et les Etats-Unis avaient conclu un "très bon accord". Elle était attendue plus tard dans la journée pour mener ces discussions avec les services du représentant au Commerce américain (USTR), Robert Lighthizer. Justin Trudeau a également dépêché mardi à Washington, dans son équipe de négociateurs, son plus proche conseiller, Gerald Butts.