L'avenir de plus en plus sombre de l'Accord de libre-échange nord-américain (Aléna), dont une nouvelle séance de renégociation a débuté mardi à Montréal, a poussé le Canada à créer la surprise en se tournant vers ses partenaires du Pacifique. Pour parer une éventuelle disparition de l'Aléna, le gouvernement canadien a décidé mardi de rejoindre le partenariat transpacifique, zone de libre-échange réunissant 10 autres pays riverains du Pacifique, incluant le Mexique mais pas les Etats-Unis, qui s'en étaient retirés il y a un an à l'arrivée au pouvoir du président Donald Trump. "L'accord obtenu à Tokyo (mardi) va dans le bon sens", a déclaré depuis Davos, en Suisse, le Premier ministre Justin Trudeau, en référence au nouvel Accord de partenariat transpacifique global et progressiste (CPTPP pour son acronyme en anglais) L'accord devrait être paraphé "d'ici au début du mois de mars", selon le gouvernement de Singapour. Les 11 partenaires - Australie, Brunei, Canada, Chili, Japon, Malaisie, Mexique, Nouvelle-Zélande, Pérou, Singapour et Vietnam - avaient déjà bien avancé les négociations en novembre mais le Canada voulait des amendements. Avec les avancées, l'accord est "plus progressif et plus solide pour les travailleurs canadiens dans les domaines de la propriété intellectuelle, la culture et l'industrie automobile", a assuré Justin Trudeau. Promu par les Etats-Unis sous la présidence de Barack Obama, cet accord de libre-échange est vu comme un contrepoids à l'influence croissante de la Chine, mais Donald Trump l'avait abruptement abandonné après son élection à la Maison Blanche. Le TPP se veut un pacte ambitieux qui va bien au-delà de la simple levée des barrières douanières. Il prévoit aussi la levée de barrières non-tarifaires, comme l'ouverture des appels d'offres nationaux par les pays membres aux entreprises étrangères, sans avantages indus pour leurs propres entreprises publiques, la détermination de normes communes pour le commerce électronique et les services financiers, le respect du droit du travail selon les normes de l'Organisation internationale du travail (OIT).
Climat tendu A Montréal, le Canada et le Mexique vont tout faire pour éviter que les Etats-Unis mettent à exécution leur menace de se retirer de l'Aléna, traité conclu en 1994 et que le président Donald Trump a qualifié il y a quelques jours "de mauvaise blague". Le gouvernement canadien fait le nécessaire "pour s'assurer que notre voisin du sud reconnaisse les bienfaits de l'Aléna", a noté Justin Trudeau à Davos. "Cela a profité pas simplement à notre économie mais aussi à son économie", a-t-il ajouté. Les tractations sur l'Aléna ont repris dans un climat tendu, après l'imposition la veille par l'administration américaine de taxes douanières sur les machines à laver fabriquées au Mexique et dans d'autres pays d'Asie, comme la Corée du Sud, ainsi que des panneaux solaires importés de Chine. Outre la montée du protectionnisme américain, l'Aléna est menacé par l'absence de progrès notables sur plusieurs dossiers litigieux lors des cinq sessions précédentes de négociations engagées depuis la fin de l'été. Lundi, à la veille du coup d'envoi des discussions, le Canada et le Mexique ont convenu que la sixième ronde serait "critique" pour le processus de négociations "et que des décisions devront être prises concernant certains des thèmes les plus complexes", selon le cabinet du ministre mexicain de l'économie, Ildefonso Guajardo. Les discussions bloquent entre autres sur deux propositions américaines jugées "inacceptables" aussi bien par le Canada que par le Mexique. L'une est une clause "crépusculaire" ("Sunset" en anglais) permettant d'abroger l'Aléna au bout de cinq ans, l'autre supprimerait le chapitre 19 de l'accord prévoyant la constitution de panels binationaux pour régler les différends commerciaux. Les "règles d'origine" pour l'industrie automobile sont un autre dossier épineux, mais un compromis reste envisageable, selon plusieurs sources. Les discussions doivent durer jusqu'à lundi prochain, faisant de cette séance de négociations la plus longue depuis le début des tractations il y a six mois. Avant de venir tirer le rideau sur les négociations à Montréal lundi prochain, la ministre canadienne des Affaires étrangères Chrystia Freeland, Ildefonso Guajardo et le représentant américain au Commerce Robert Lighthizer se croiseront cette semaine au Forum économique mondial de Davos. Une occasion pour sauver l'Aléna dans une enceinte où le libre-échange est sacré.