Dans une interview accordée à l'agence de presse britannique Reuters, le président de la République, M. Abdelaziz Bouteflika, est revenu sur les grands dossiers de l'actualité économique. Le président de la République insistera sur le rôle que doivent jouer les entreprises dans la croissance. Il affirmera que la dépendance de l'Algérie aux hydrocarbures "constitue une de nos principales préoccupations. La réduction du niveau de cette dépendance ne peut se faire que par la diversification de l'économie nationale. Ayant recouvré notre stabilité économique et sociale, elle est aujourd'hui une des tâches à laquelle nous nous attachons", a-t-il expliqué. Il ajoutera que l'ensemble des réformes multisectorielles engagé par l'Algérie a pour objectif, entre autres, d'améliorer les conditions d'installation et de fonctionnement des entreprises de production de biens et des services et une meilleure compétitivité de l'économie algérienne. Le chef de l'Etat a également affirmé que l'ensemble des secteurs doit participer et contribuer à la croissance, en priorité ceux de l'industrie, du tourisme, de l'agriculture et de la pêche ajoutant que "l'appui institutionnel à l'effort d'exportation hors hydrocarbures des entreprises sera soutenu". "Notre action vise à encourager les entreprises à développer leurs capacités de production, notamment manufacturière, et de répondre aux exigences de qualité et de conformité aux normes imposées par les standards internationaux", met en exergue le chef de l'Etat. "Les retombées de ces réformes montrent que les investissements directs étrangers, initialement fortement concentrés dans le secteur des hydrocarbures, amorcent, depuis 2006, une tendance à une meilleure diversification sectorielle", ajoutant que l'ensemble des actions entreprises en direction de l'amélioration du climat des affaires et de l'environnement de l'entreprise "s'effectue dans un contexte d'ouverture d'espaces commerciaux préférentiels, notamment depuis l'entrée en vigueur de l'accord d'association avec l'Union européenne". Pour ce qui est du secteur privé national et son rôle dans la promotion de l'économie nationale, le chef de l'Etat tout en qualifiant ce secteur de "jeune", indique qu'une des orientations fortes de notre priorité est d'encourager aujourd'hui tous les industriels et de promouvoir l'émergence de nouveaux champions économiques. "L'Etat est prêt à mettre en œuvre tout un ensemble d'indications de facilitations à cet égard", affirme-t-il. A une autre question relative à l'économie informelle, le président de la République fait remarquer que ce phénomène où qu'il existe et quel qu'en soit l'auteur, "est un danger qui menace l'expansion économique à travers notamment le commerce déloyal, la régression de la production, la perte de ressources fiscales ainsi que les risques pour la santé et la sécurité publique". Il rappellera, dans ce cadre, que des mesures d'ordre législatif et réglementaire ont été prises pour lutter contre la corruption, le blanchiment d'argent, la contrebande et la contrefaçon ainsi que d'autres mesures qui ont visé la modernisation et le renforcement des dispositifs de contrôle. Il mettra l'accent en disant que les réformes en cours ont permis une meilleure bancarisation de l'économie, la réduction de la pression fiscale, la libéralisation du commerce extérieur, la convertibilité commerciale de la monnaie nationale, la simplification des formalités douanières, estimant que "c'est autant de facteurs qui doivent concourir à l'assèchement des activités dans la sphère informelle". "Pour l'instant, il s'agit pour moi d'achever correctement mon deuxième mandat" Concernant le volet politique et pour ce qui est de l'amendement de la Constitution de la possibilité de se présenter pour un troisième mandat présidentiel, le président dit se concentrer sur la fin de son mandat actuel. "Pour l'instant, il s'agit pour moi d'achever correctement mon deuxième mandat en espérant atteindre tous les objectifs que je m'étais fixés et qui faisaient l'objet de mon programme électoral", affirmera-t-il. "Que des organisations ou des partis politiques se préoccupent déjà des prochaines élections présidentielles, je n'y vois que la manifestation de l'intérêt que notre population et la classe politique apportent à la vie nationale et au devenir de notre pays". Pour le chef de l'Etat, c'est là une preuve de maturité politique et qu'il ne peut que s'en réjouir. Concernant son état de santé, le président de la République a affirmé que "tout le monde sait que j'ai été malade et que j'ai dû suivre une convalescence sérieuse. Mais maintenant, j'ai repris mes activités normales et je ne pense pas que mon état de santé doive encore susciter des commentaires ou des supputations plus ou moins fantaisistes". Quel pays peut être, aujourd'hui, assuré contre toute attaque terroriste ? Pour ce qui est de la lutte contre le terrorisme, le chef de l'Etat a souligné que le terrorisme a été vaincu, malgré ses manifestations sporadiques et que l'Algérie a récupéré, depuis 1999, "la place qui est la sienne dans le concert des nations". Il soulignera que la population algérienne est "foncièrement attachée à l'islam". Il expliquera que l'intégrisme qui a animé le terrorisme n'est partagé que par les terroristes eux-mêmes, affirmant que "ce n'est pas une idéologie partagée par l'immense majorité, l'écrasante majorité de notre population qui continue à le rejeter comme une hérésie". "L'Algérie a traversé les épreuves tragiques d'un terrorisme aveugle et brutal durant les années 1990. Elle s'en est sortie victorieuse et renforcée. Elle a récupéré progressivement, depuis 1999, la place qui est la sienne dans le concert des nations", a-t-il rappelé. Evoquant les derniers attentats en Algérie, le chef de l'Etat dit qu'ils ne sont que la manifestation du désarroi et du désespoir d'un terrorisme qui tente de prouver encore sa présence et sa nocivité. Il se demande, à ce sujet, "quel pays peut aujourd'hui être assuré contre toute attaque terroriste, alors que nous voyons de telles attaques se développer un peu partout dans le monde". Il estime qu'une telle situation ne devrait pas affecter une claire vision de la politique extérieure d'un pays et la continuité de son exécution. "La politique de réconciliation nationale, plébiscitée par notre peuple, a contribué au rétablissement de la paix et de la sécurité sur l'ensemble du territoire de notre République", indique-t-il. Le président de la République a relevé que "malgré cela, à l'instar de tout autre pays, l'Algérie ne peut prétendre à une sécurité absolue. Nous devons avec les moyens légaux de l'Etat, lutter encore contre le crime organisé quelles que soient les dénominations sous lesquelles on peut le désigner". Il estime que ce phénomène est "transnational". Il assure qu'il sera plus facilement réduit par le "renforcement d'une coopération internationale loyale en la matière". A une question sur la mise en place d'une commission d'enquête de l'ONU après les attentats d'Alger du 11 décembre 2007, le chef de l'Etat déclare que "la commission d'enquête décidée par l'ONU a pour mission d'examiner la question de la sécurité des personnels de cette organisation à travers le monde et d'avancer des recommandations nécessaires". "C'est également notre objectif que d'améliorer la sécurité de nos citoyens et celle de tout résident étranger sur notre territoire", affirme-t-il. Le chef de l'Etat note que la décision a été prise par l'ONU lorsqu'elle a constaté que ses représentants étaient devenus des cibles pour le terrorisme dans plusieurs pays du monde et ne met en aucun cas en cause la lutte implacable que mène l'Algérie contre le terrorisme. Les informations concernant l'existence de la torture font dire au chef de l'Etat : "Si elle devait se manifester chez nous comme ailleurs dans le monde, il ne fait aucun doute qu'elle ferait l'objet de notre part de mesures de la plus grande sévérité et que nous en repérions les coupables qui seraient châtiés comme il se doit ". L'armée a joué un rôle important tout en respectant la Constitution Le terme de la normalisation de "la vie politique algérienne" contenu dans la question, est rejeté par le président de la République. "Je n'accepte pas le terme "normalisation" de la vie politique algérienne. Il laisserait supposer que nous sommes en situation anormale, alors que notre "norme" est fixée par notre Constitution et non par comparaison avec le régime de tel ou tel pays ", dira-t-il. Il assure que la vie politique du pays se développe tout en respectant le cadre qui lui a été fixé par la Constitution. Ce rôle décroît en importance à mesure que les institutions politiques du pays se renforcent et gagnent en efficacité pour prendre entièrement leurs responsabilités. Il explique, dans ce contexte, que l'armée a joué un rôle très important dans la vie de notre pays tout en respectant le cadre qui lui a été fixé par la Constitution. "L'armée est ainsi appelée à devenir une armée professionnelle, comme cela a déjà commencé à se faire, conformément aux orientations de notre politique".Interrogé sur la question relative à l'ouverture du champ culturel aux islamistes et la restriction de l'activité politique durant les deux mandats, le Président répond : "Je ne sais sur quoi reposent ces observations alors que nos efforts pour encourager toutes les activités culturelles sont évidentes, l'activité politique ne cesse de se développer d'abord à travers les partis politiques et ensuite par l'organisation d'élections à tous les niveaux". La décolonisation du Sahara Occidental relève exclusivement de l'ONU Interrogé sur une éventuelle réouverture des frontières avec le Maroc, le président de la République a indiqué que cela est "tout à fait envisageable. C'est notre souhait, fondé du reste sur des considérations culturelles, sociales et économiques d'autant plus sensibles que les peuples algérien et marocain sont unis par les liens de fraternité qui remontent loin dans leur histoire". Le chef de l'Etat a tenu à souligner que la réouverture de la frontière entre les deux pays est "néanmoins liée aux conditions qui ont présidé à sa fermeture. Elle interviendra lorsque seront levés tous les obstacles qui l'empêchent actuellement". En rapport avec l'échec éventuel des négociations entre le Front Polisario et le Maroc, le chef de l'Etat a estimé qu'"il n'est pas dans la nature de la diplomatie d'accepter l'échec. Je suis certain que les deux parties en présence, le Maroc et le Front Polisario, n'ont pas encore épuisé toutes les possibilités qu'offrent la négociation et l'avantage de pouvoir se parler directement sans pré-conditions, comme l'a demandé le Conseil de sécurité de l'ONU, pour trouver une solution durable au conflit dans le respect de la légalité internationale et du droit imprescriptible du peuple sahraoui de choisir librement son destin". Il souhaite que les négociations, qui entreront bientôt dans leur quatrième round à Manhasset "doivent s'accompagner d'un strict respect du cessez-le-feu instauré par les Nations unies en 1991", affirmant qu'il ne veut pas penser à une reprise des "hostilités entre le Maroc et le Front Polisario". Il estime que cette reprise représenterait "une évolution dangereuse et dramatique pour l'ensemble de notre région". Le président de la République a également réaffirmé que la décolonisation du Sahara Occidental n'est pas un casus belli entre l'Algérie et le Maroc. "Cette décolonisation relève exclusivement de la responsabilité des Nations unies et du Conseil de sécurité". A cet effet, il réitère que la négociation reste la seule voie pour permettre à notre région de trouver définitivement sa sérénité et s'engager résolument sur la voie de l'intégration pour pouvoir relever les multiples défis de la globalisation. Les relations algéro-françaises doivent sortir de la logique purement commerciale En ce qui concerne les relations algéro-françaises, le président a fait remarquer qu'il y a des évolutions remarquables dans différents domaines, mais que "ces évolutions n'ont pas encore donné leur pleine mesure. Nos relations recèlent encore de grandes potentialités que nous nous devons d'exploiter". "Les efforts déployés méritent d'être quelque peu orientés pour les sortir de la logique purement commerciale et franchir le pas vers un partenariat qu'on ne saurait dissocier d'un accroissement substantiel de flux d'investissements", a tenu à préciser le chef de l'Etat en ce qui concerne la coopération économique entre l'Algérie et la France.