L'Agence internationale de l'énergie (AIE) a estimé vendredi que la demande de pétrole serait moins forte que prévu en 2018 et 2019, avec l'essoufflement de l'économie, tout en jugeant que les cours resteront élevés. Son estimation de la croissance de la demande mondiale a été sensiblement revue en baisse de 110 000 barils par jour pour chacune des deux années. Cette croissance est désormais attendue à 1,3 million de barils par jour (mbj) en 2018, puis à 1,4 mbj l'an prochain. Ce changement s'explique par "une combinaison de cours élevés, de perspectives moins optimistes pour l'économie mondiale et une révision à la baisse des données sur la Chine", relève l'AIE dans son rapport mensuel sur le pétrole. Cette publication intervient au lendemain d'une mise en garde similaire de l'Opep. Dans son propre rapport mensuel publié jeudi, le cartel a déjà revu à la baisse son estimation de la hausse de la demande de brut cette année et pour 2019. L'AIE observe de son côté que "l'énergie chère est de retour" et que cela est susceptible de peser sur la croissance économique, en particulier pour les pays en développement. Les cours du pétrole s'étaient hissés la semaine dernière à des niveaux plus vus depuis la fin 2014, à 86,74 dollars le baril de Brent en séance. Elle souligne aussi le risque posé par les guerres commerciales, allusion notamment aux tensions entre les Etats-Unis et la Chine. Le Fonds monétaire international (FMI) vient ainsi d'abaisser ses perspectives de croissance économique pour 2018 et 2019.
"Hausse des cours" L'AIE souligne aussi que la demande et l'offre sont toutes deux proches de nouveaux pics historiques de 100 mbj. Elle les appelle des pics "jumeaux" ou "Twin Peaks" en anglais, en référence à une célèbre série télévisée américaine à l'atmosphère étrange. Or cette situation se traduit par des "tensions" du côté de l'offre, dont l'augmentation s'effectue au prix d'une réduction des capacités de réserve. "Cette tension pourrait être là pour un moment et sera probablement accompagnée d'une hausse des cours, même si nous déplorons cette situation et ses effets négatifs potentiels sur l'économie mondiale", indique l'AIE. Cette agence basée à Paris, qui conseille des pays développés sur leur politique énergétique, alerte régulièrement sur les risques pesant sur l'offre. Elle reconnaît pourtant l'effort des pays producteurs, à commencer par l'Arabie saoudite, pour approvisionner le marché de manière adéquate. L'Opep a ainsi augmenté sa production le mois dernier, grâce en particulier au royaume saoudien, qui a plus que compensé la chute de la production iranienne, affectée par le retour des sanctions américaines. Mais l'AIE préfère voir le verre à moitié vide: "les exportations iraniennes devraient probablement chuter significativement plus que les 800 000 barils par jour déjà perdus". Après s'être retirés en mai de l'accord de 2015 sur le nucléaire, les Etats-Unis doivent en effet rétablir début novembre une deuxième série de sanctions contre Téhéran, visant spécifiquement le secteur énergétique. Un sujet qui s'ajoute à la "menace toujours présente d'une perturbation de l'offre en Libye et d'un effondrement du Venezuela", deux pays affectés par de graves troubles intérieurs. "Nous ne pouvons pas être complaisants et le marché signale clairement son inquiétude sur le fait qu'un supplément d'offre pourrait être nécessaire", juge l'AIE.
Fin d'une rude semaine Les cours du pétrole ont regagné un peu de terrain vendredi à la fin d'une semaine difficile, marquée par les signes d'un éventuel ralentissement de la demande d'or noir sur le marché mondial. A Londres, le baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en décembre a gagné 17 cents pour terminer à 80,43 dollars sur l'Intercontinental Exchange (ICE). Sur le New York Mercantile Exchange (Nymex), le baril de "light sweet crude" (WTI) pour le contrat de novembre a pris 37 cents pour finir à 71,34 dollars. "Comme le marché des actions, qui a eu tendance ces derniers temps a donner le tempo aux matières premières, le marché du pétrole tente de rebondir un peu après s'être fait massacrer au cours des deux séances précédentes", a avancé Robert Yawger de Mizuho. Sur la semaine les cours du brut ont en effet encaissé des pertes marquées, le Brent reculant de 4,4% et le WTI de 4,0%, alors qu'ils avaient atteint en début de mois leurs plus hauts niveaux en quatre ans. Les prix de l'or noir ont particulièrement pâti de signaux avant-coureurs d'un éventuel relâchement de la demande dans les mois à venir. L'Agence internationale de l'Energie (AIE) a ainsi estimé vendredi que la demande de pétrole serait moins forte que prévu en 2018 et 2019, avec l'essoufflement de l'économie mondiale. L'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) avait également revu la croissance de la demande à la baisse dans son rapport mensuel jeudi. "La combinaison de prix du pétrole plus élevés, du repli des devises des pays émergents face au dollar, et d'éventuels barrières douanières, a alimenté les risques de voir s'affaisser la croissance de la demande en brut, plutôt solide ces dernières années", ont souligné les analystes de Schneider Electric. Ces chiffres seraient en tout cas "l'occasion pour l'Arabie saoudite (premier exportateur mondial) de dire que tout est sous contrôle et qu'une augmentation de la production n'est pas nécessaire si la demande n'est pas là", a commenté Olivier Jakob, analyste chez Petromatrix. La disparition du journaliste saoudien Jamal Khashoggi à Istanbul, qui a déclenché des critiques de Washington, pourrait toutefois selon lui changer le ton adopté par le Royaume. "L'Arabie saoudite a particulièrement besoin du soutien de la Maison Blanche, et ne peut pas se permettre de déplaire au président américain, qui réclame des prix du pétrole plus bas", a ajouté M. Jakob. Alors que le coût élevé de l'essence aux Etats-Unis pourrait peser sur les élections législatives en novembre, Donald Trump a récemment multiplié ses attaques contre l'Opep, dont l'Arabie saoudite est la figure de proue. par ailleurs, les cours du pétrole rebondissaient en Asie vendredi sous l'effet d'achats à bon compte après avoir dégringolé à cause des craintes pour la demande mondiale et la hausse des stocks de brut américain. Vers 02H20 GMT, le baril de light sweet crude (WTI), référence américaine du brut, pour livraison en novembre, progressait de 20 cents à 71,17 dollars dans les échanges électroniques en Asie. Le baril de Brent, référence européenne, pour livraison en décembre, gagnait 26 cents à 80,52 dollars. La veille, les investisseurs avaient "pris leurs jambes à leur cou" du fait du rapport mensuel de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) révisant à la baisse ses prévisions sur la demande mondiale et des chiffres officiels sur le brut américain, a relevé Stephen Innes, analyste chez Oanda. Selon l'Agence américaine d'information sur l'énergie (EIA), la production à grimpé à un nouveau record lors de la semaine achevée le 5 octobre, le pays extrayant en moyenne 11,2 millions de barils d'or noir par jour. Les stocks de brut ont progressé de 6 millions de barils, soit bien plus que prévu. "Il est difficile d'enjoliver le tableau après les stocks hebdomadaires mais pour les haussiers perpétuels comme moi, et en cas d'apaisement des risques relatifs aux tensions entre les Etats-Unis et la Chine, il y a moyen de faire des affaires" sur le marché pétrolier, a poursuivi M. Innes.