Les militaires marocains se sont violemment pris dimanche aux groupes de migrants qui tentaient de passer à l'enclave espagnole de Melilla depuis le Maroc, ont rapporté des médias lundi. La frontière séparant le Maroc de Melilla est protégée par deux grillages de six mètres de haut surplombés de barbelés coupants. Les autorités marocaines, qui évoquent 54.000 tentatives de passage avortées depuis le début de l'année, multiplient depuis l'été rafles musclées et déplacements forcés de milliers de migrants subsahariens, suscitant de vives critiques des défenseurs de droits de l'Homme. Le ministère marocain de l'Intérieur a précisé que quelque 141 migrants ont été arrêtés lors de cette opération qui a eu lieu dimanche, sans donner le nombre exact de ceux ayant tenté de passer en Espagne. "Les autorités marocaines ont décidé de refouler vers leurs pays d'origine tous les participants à cette opération d'assaut...", dans un communiqué. La veille, la préfecture de Melilla avait déclaré qu'un migrant avait été tué et 19 blessés lors de cette tentative de traversée de la frontière depuis la ville marocaine de Nador (nord). Sur environ 300 migrants ayant tenté de franchir la frontière, environ 200 ont réussi à passer à Melilla, selon les autorités espagnoles. Depuis janvier, plus de 36 600 migrants sont arrivés en Espagne clandestinement par la voie maritime, selon l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), soit plus de trois fois plus qu'en 2017 sur la même période. Toujours d'après l'OIM, au moins 363 migrants sont morts en 2018 en tentant de gagner le pays par la mer.
Violences et déplacements forcés Fin septembre dernier, un rapport publié par le Groupe antiraciste d'accompagnement et de défense des étrangers et des migrants (Gadem), a dressé un tableau noir des violences et des opérations de déplacements forcés de migrants subsahariens menées par les forces de l'ordre marocaine. Lors de ces opérations "régulièrement menées" dans le nord du royaume, quelque 6.500 migrants, dont 121 mineurs, 17 bébés et 12 femmes enceintes, ont été arrêtés entre juillet et début septembre, et déplacés de force, dans des bus, vers le sud du pays, selon le rapport de cette ONG marocaine. Avec l'objectif de les "éloigner le plus loin possible des zones frontalières", des demandeurs d'asile, des détenteurs d'un visa valide, voire des migrants régularisés, ont été arrêtés et déplacés vers le sud, sur "la base de leur couleur de peau", précise la même source. "Aucun mandat d'arrêt ou autre document officiel prouvant que ces opérations entrent dans le cadre d'une enquête judiciaire n'ont été présentés aux personnes ciblées", fustigeait le Gadem. Quelques jours après, une autre ONG pour les droits des migrants a accusé le Maroc d'avoir laissé volontairement des migrants à bord d'une embarcation se noyer au large du Maroc, dénonçant la passivité et l'inaction de Rabat. L'association d'aide aux migrants Caminando Fronteras avait auparavant évoqué sur les réseaux sociaux un bilan de 34 morts dont deux enfants. Mme Helena Maleno, membre espagnole de cette ONG et militante des droits des migrants, installée au Maroc, avait écrit: "Tragédie, 34 morts, dont un bébé, d'une embarcation de fortune avec 60 personnes à bord qui (...) sombrait face au Maroc".
Les embarcations cibles potentielles de la marine marocaine Dans le sillage de ses interventions violentes contre les migrants, la marine royale marocaine avait également ouvert le feu sur une embarcation transportant des migrants marocains, lors d'une opération d'interception au large de Larache (ouest), faisant un blessé par balle. "L'embarcation à moteur qui transportait 58 migrants dissimulés sous une bâche a effectué une manœuvre qualifiée d'"hostile", a-t-on justifié, "ce qui a poussé le bateau garde-côte à tirer sur ordre de son commandant". Une autre opération de la marine royale contre une embarcation rapide "Go-Fast" en Méditerranée, a coûté la vie à une jeune Marocaine et fait trois blessés durant le même mois de septembre. Les autorités avaient justifié les tirs en invoquant aussi les "manœuvres hostiles" du navire et en soulignant que les migrants étaient dissimulés sous des bâches. Par ailleurs, la police espagnole avait annoncé avoir arrêté deux Marocains suspectés de convoyer clandestinement des migrants vers l'Espagne en les faisant payer plus de 700 euros pour la traversée par bateau depuis le Maroc. Un bateau en bois de 7 mètres de long, piloté par les deux hommes et transportant 21 migrants, dont un mineur, avait été secouru au large de l'Andalousie, dans le sud de l'Espagne, après avoir quitté un jour auparavant la ville d'Al-Hoceïma (nord du Maroc), selon la police espagnole. Les deux hommes, qui selon la police appartiennent à une "organisation criminelle" spécialisée dans le trafic d'êtres-humains au Maroc, ont été maintenus en détention en attendant leur procès après avoir été interrogés par le tribunal.