Les médias d'État chinois saluaient lundi "l'importante" trêve commerciale sino-américaine sans y voir un coup de baguette magique propre à résoudre les profonds différends bilatéraux, même si la nouvelle soutenait les Bourses asiatiques. Pour le Global Times, l'accord de Buenos Aires, auquel sont parvenus samedi les présidents américain Donald Trump et chinois Xi Jinping, constitue un "important pas en avant" porteur d'un "haut potentiel de commerce équitable" entre les deux première économies mondiales. "On espère que les équipes commerciales des deux pays vont parvenir à autant d'accords que possible et aussi vite que possible pour accélérer la coopération Chine-États-Unis", écrit le quotidien nationaliste. Le Quotidien du Peuple, organe officiel du Parti communiste chinois, parle d'un "consensus important", montrant que les intérêts communs ont "dépassé les différends". Donald Trump a renchéri dans l'optimisme dimanche soir en affirmant sur Twitter que la Chine allait "réduire et supprimer" ses droits de douane sur les automobiles américaines. Le milliardaire new-yorkais et Xi Jinping ont déclaré une trêve dans leur conflit commercial, en conclusion d'un sommet du G20 conflictuel à Buenos Aires. Washington a suspendu pour 90 jours l'application annoncée au 1er janvier de nouveaux droits de douane sur une partie des produits importés de Chine, le temps de laisser une chance à une négociation portant sur des "changements structurels" dans leurs relations commerciales. Selon la Maison Blanche, la Chine s'est aussi engagée à acheter un montant très substantiel de produits américains, notamment agricoles. Ce répit a suffi à ragaillardir les marchés asiatiques, très malmenés ces derniers mois par l'affrontement transpacifique: Tokyo a ouvert en hausse de plus de 1%, Shanghai et Hong Kong grimpant de plus de 2%.
Coopération ou confrontation? Pourtant, en cas d'échec des discussions, Washington a prévenu: les droits de douane, de 10% depuis fin septembre, seront bien portés à 25% sur près de 200 milliards de dollars de produits. La Chine avait rétorqué avec des mesures similaires sur quelques 110 milliards de dollars de produits venant chaque année des États-Unis. Les autorités américaines reprochent à la Chine des transferts "forcés" de technologie ainsi que du "vol de propriété intellectuelle", en sus d'un déséquilibre commercial toujours abyssal. Selon Washington, l'excédent chinois est de 335 milliards de dollars annuels. Le Global Times affirme lundi qu'au nombre des sujets de discussions entre les deux pays, figurera l'accès aux marchés, la propriété intellectuelle et le "contrôle conjoint de la cybercriminalité". "Les deux parties sont convenues de s'efforcer de conclure dans les 90 jours", affirme-t-il, reprenant au compte de la Chine le délai de 90 jours initialement mentionné par les seuls États-Unis. Les deux présidents vont commencer "immédiatement" à échanger sur les changements structurels à apporter en matière de transferts de technologie, de protection de la propriété intellectuelle, de piratage informatique, de services et d'agriculture, selon la même source. Mais les analystes pointent que les désaccords seront ardus à résoudre. Une opinion que semble partager le China Daily: "aucune baguette magique n'a été brandie pour abolir en une nuit les différences entre Chine et États-Unis", écrit-il. L'accord de Buenos Aires montre que les deux parties ont conscience que la guerre des droits de douane peut porter préjudice à l'économie mondiale, estime-t-il. "Mais compte tenu la complexité des interactions entre les deux économies, le reste du monde va continuer de retenir son souffle en attendant de voir si la série de projets constructifs dans les tuyaux peut remettre les relations bilatérales sur un chemin de coopération plutôt que de confrontation", souligne le quotidien de langue anglaise.
"Divergences flagrantes" La trêve n'est que partielle. Quelque 50 milliards de dollars d'importations chinoises sont déjà taxées à 25%. Et alors que les taxes de 10% sur 200 milliards de biens ne vont pas être portées à 25% au 1er janvier, comme le menaçait Trump, elles resteront en vigueur. Pékin a déjà répliqué en imposant ses propres tarifs douaniers sur des produits importés des Etats-Unis. Trump a également prévenu qu'il pourrait aussi imposer des taxes douanières sur les 267 milliards d'importations chinoises restantes. La société de consultants ANZ Research a relevé des "divergences flagrantes" dans l'annonce de l'accord des deux côtés. La partie chinoise - à l'inverse des Etats-Unis - n'a pas fait mention que la hausse des taxes était seulement repoussée de 90 jours et serait appliquée si les négociations ne progressent pas de façon satisfaisante. "Nous ne savons pas dans quelle mesure l'administration américaine est sérieuse quant à sa +déclaration de cessez-le-feu+", dit ANZ Research. Elle a également noté que la Chine n'a pas fait mention de l'appel américain à des changements structurels de sa politique économique. "Ce sont des problèmes profondément ancrés qu'il est difficile de résoudre rapidement", note ANZ Research. Les entreprises occidentales ont coutume de dire que les réformes promises par la Chine ne valent pas le papier sur lequel elles sont écrites, accusant le gouvernement chinois de repousser perpétuellement des changements de fond. Kenneth Jarrett, président de la chambre de commerce américaine à Shanghai, a qualifié l'accord d'"encourageant" tout en "espérant que cette nouvelle positive devienne quelque chose de plus permanent". "Pour que cela arrive, le gouvernement chinois doit répondre aux préoccupations de longue date des entrepreneurs américains". Il a cité "des restrictions d'accès aux marchés, une faible protection de la propriété intellectuelle, des politiques industrielles déloyales, le rythme trop lent des réformes économiques et le manque de transparence réglementaire". La trêve commerciale ne fait pas mention des ambitions de la Chine en matière de technologie. Avec son plan "Chine 2025", le président chinois Xi souhaite faire de son pays un rival des Etats-Unis dans ce domaine. "Trump savait que s'il insistait (sur le sujet de la technologie), cela signifierait la fin des négociations commerciales sino-américaines", a déclaré M. Hua.
Pekin va "réduire et supprimer" les droits de douane sur l'automobile américaine La Chine va "réduire et supprimer" les droits de douane sur les automobiles américaines qu'elle importe, a affirmé dimanche soir Donald Trump, au lendemain d'une trêve convenue avec le président chinois Xi Jinping dans leur conflit commercial. "La Chine a accepté de réduire et supprimer les droits de douane sur les voitures venues en Chine depuis les États-Unis. Actuellement ces droits de douane sont de 40%", a écrit sur Twitter le chef d'État américain. En juillet, la Chine avait abaissé à 15%, contre 25% auparavant, les droits de douanes sur les automobiles importées. Alors que le pays entrait dans un conflit commercial ouvert avec les États-Unis, Pékin y avait ajouté des droits de douane de 25% pour les modèles fabriqués aux États-Unis, portant le total à 40%. Après sa rencontre avec son homologue à l'issue d'un sommet du G20 à Buenos Aires, les deux pays avaient communiqué sur une pause à la surenchère des droits de douane, sans donner beaucoup de détails. De retour d'Argentine, M. Trump avait vanté le compromis trouvé avec Pékin. "C'est un accord incroyable", avait-il dit à la presse à bord de l'avion présidentiel. Dimanche soir, M. Trump n'expliquait plus en détail quels droits de douane sur l'automobile seraient concernés. M. Trump réfléchit par ailleurs à une augmentation des taxes sur les véhicules importés depuis l'Union européenne, partenaire commercial avec lequel il estime la relation inéquitable.