Qu'on évoque l'histoire récente du raï moderne, il devient incontournable de citer l'une des références de cette musique qui a gagné toute la planète. Il s'agit de Blaoui Houari, l'un des précurseurs du raï moderne qui a suivi la voie de ses maîtres à l'image de Cheikh El Khaldi, Cheikh El Madani et Mostefa Ben Brahim. Un hommage a été, d'ailleurs, rendu, mercredi, dernier, à ce chantre de la musique bédouine, à travers l'émission de la Télévision nationale consacrée aux hommages aux artistes. Ce rendez-vous a été organisé à Zéralda en présence de dizaines d'artistes dont des chanteurs et comédiens, de Lamine Bechichi, ancien ministre de la Culture et de la Communication et du directeur général de l'ENTV, Hamraoui Habib Chawki. Cet hommage a permis la diffusion d'un film documentaire sur la vie de ce chanteur et sur son parcours artistique empli de poésies du patrimoine bédouin qui ont fait sa célébrité et aussi celle d'autres chantres de renom tels que les défunts cheikhs Hammada ou Ahmed Wahbi. Présent à cette cérémonie, Blaoui Houari du haut de ses 80 berges a pu, quand même, fredonner l'un de ses succès. Aussi alerte et aussi prodigue qu'avant, Blaoui Houari ne s'est jamais éloigné de la composition musicale ; bien plus, il est revenu avec des outils plus modernes, comme la console par ordinateur. C'est entre les deux guerres, alors que la scène musicale a été marquée par le phénomène de citadinisation, que le nom de Blaoui Houari commençait à émerger. Né le 23 janvier 1926 à Sidi Blel dans le quartier de M'dina Jdida d'Oran, Blaoui Houari est l'un des fondateurs d'une musique et d'un chant spécifiquement oranais. Car, l'artiste, qui a fait tout seul ses apprentissages artistiques, a puisé dès ses débuts dans le vieux répertoire du bédouin oranais. L'on dit même qu'il était l'un des rares chanteurs à manifester une prédisposition nette pour une musique algérienne bédouine à moderniser. Sa musique, au début, locale, dépasse, lentement, le terroir pour intéresser tout le pays. Sa musique est alors d'une pureté inaltérable, car il puisera ses répertoires à la source même de ces chants populaires, typiques de la région dans laquelle il évoluait. L'abondance mélodique, la spontanéité un peu naïve, la fraîcheur candide font l'attrait de sa musique. Blaoui Houari n'a pas appris ce chant sur les bancs des grandes écoles, ni même d'un maître qui a accompagné ce don qu'il avait depuis sa tendre enfance. C'est plutôt le contact viscéral et régulier qu'il avait avec le peuple, et sa jeunesse difficile qui ont aidé sa carrière. Légende encore vivante de ce raï pur, la guitare de Blaoui a fait chanter l'Algérie tout entière avec notamment son fameux " asri-gharbi ", style qui annonçait les prémices du raï électrique des années 80. Star des années 40 et 50, il s'éloigne de la scène pour cause de maladie mais ne cesse de composer pour de nombreux artistes, tel que Cheb Mami. Il quitte l'école vers l'âge de 13 ans pour aider son père qui tenait un café situé à l'angle du Bain de l'Horloge. Il s'occupera de l'entretien du phonographe et de la diffusion des 78 tours produits par les grandes vedettes algériennes et égyptiennes. C'est aux Folies Bergères - devenu plus tard le cinéma Pigalle puis aujourd'hui salle El-Feth - que Blaoui Houari remporte un premier prix de Radio-crochet. Ce succés le décidera dans une voie de modernisateur d'un genre populaire oranais le : bédoui auquel il restera attaché. En 1942, lors du débarquement américain à Oran, il est engagé comme pointeur aux docks du port. Il va alors s'initier au piano et à l'accordéon et reprendra - en compagnie de Maurice Médioni - des succès américains et français. Durant les années 40, il anime des mariages, des circoncisions et des fêtes familiales, transcrivant, pour la première fois, la musique bédouine avec des instruments modernes, notamment, en reprenant la célèbre " qacida - Biya Dek el Môr - écrite par Cheikh Bensmir. En 1949, Mahieddine Bachetarzi lui confie la formation et la direction de l'orchestre chargé d'animer, tous les quinze jours, durant six mois, la saison de l'Opéra d'Oran. Devenu professionnel, il enregistre, en 1955 chez Pathé, son premier 45 tours où il reprend le fameux Rani M'hayer de Benyekhlef Boutaleb. Tout au long de sa carrière, son répertoire s'enrichira de près de 500 chansons qui influenceront nombre de chanteurs des années 80 dont Cheb Mami et Houari Benchenet qui deviendra un de ses plus fervents admirateurs. Il reste celui qui a le plus adapté les textes populaires de l'Oranie en composant et, chantant les textes des Cheikhs Miloud, Mostefa Ben Brahim, El Hadj Khaled Ben Ahmed, Kadour Ould M'Hamed, M'Barek Essouci...Aujourd'hui, l'activité de Blaoui Houari se concentre à la recherche sur les musiques arabo-andalouse et chaâbi.