Fin du premier round pour le marathon budgétaire: l'Assemblée nationale a largement approuvé mardi en première lecture l'ensemble du projet de budget 2019, dans un contexte de forte crispation autour du pouvoir d'achat, "gilets jaunes" en tête. Après 36 jours et nuits d'examen, seuls les députés LREM et MoDem, et trois UDI-Agir, ont voté pour ce deuxième projet de loi de finances du quinquennat, recettes et dépenses comprises. Il a été adopté par 345 voix contre 200 et 10 abstentions. Le Sénat s'en saisira dès jeudi, pour une adoption définitive d'ici fin décembre. Le ministre des Finances Bruno Le Maire, qui a défendu le texte avec Gérald Darmanin (Comptes publics), martèle le cap fixé: "Baisser les impôts, baisser la dépense publique, baisser la dette". Quelque 4.160 postes seront supprimés dans la fonction publique. Le déficit doit atteindre 2,8% du PIB, sous la barre des 3%. Pas question non plus d'un "zigzag" pour le Premier ministre, qui était dans la matinée devant les élus du groupe majoritaire. "C'est difficile" mais "nous gagnerons collectivement par la cohérence, la constance et la détermination", a assuré Édouard Philippe au quatrième jour du mouvement des "gilets jaunes". Depuis la Belgique, Emmanuel Macron a prôné de son côté "dialogue" et "explication". Les autres groupes de l'Assemblée ainsi que les élus d'extrême droite ont voté majoritairement contre le budget, qui recueille davantage d'opposition que l'an dernier (356 voix pour le budget 2018, 175 contre et 27 abstentions). Les Républicains sont vent debout contre un budget "injuste, brouillon", provoquant un "écœurement fiscal" et dont "les plus modestes et les retraités sont les grands perdants". Même les centristes de l'UDI-Agir, qui s'étaient abstenus pour la plupart sur le volet recettes il y a un mois, se sont prononcés très majoritairement défavorablement car "parler d'un budget de pouvoir d'achat" est "un mensonge". D'après Libertés et territoires, ce budget "n'est pas efficace économiquement" et "injuste socialement".
"Les gilets dorés" La gauche a été massivement contre. Selon les socialistes, il "met en péril l'acceptabilité de l'impôt". "Cela devait ruisseler, ça s'évapore" vers "les plus riches et le secteur marchand", d'après les communistes. "Voilà les seuls gilets que vous aimez, les gilets dorés!", ont lancé les insoumis. "Le ras-le-bol fiscal n'est pas nouveau", balaie M. Darmanin, accusant certains de "souffler avec démagogie sur les colères". Les bases avaient été posées l'an dernier - suppression de l'ISF, "flat tax" sur l'épargne, suppression progressive de la taxe d'habitation... - si bien que la majorité anticipait des débats allégés. Il n'en a rien été, au gré d'un record d'amendements (près de 5.000) et d'échanges à rallonge. La bataille a d'abord porté sur les chiffres, le gouvernement mettant en avant pour 2019 près de 19 milliards d'euros de baisses d'impôts et cotisations pour les entreprises, 6 milliards pour les ménages - des tours de "passe-passe" selon les oppositions. Très vite, la question du pouvoir d'achat est devenue centrale, se cristallisant autour de la hausse des taxes sur les carburants, pour lutter contre le réchauffement climatique. Les oppositions ont réclamé en vain un moratoire, et critiqué globalement le fait que les recettes issues de la fiscalité écologique n'aillent pas intégralement à l'environnement. "L'écologie n'a jamais été autant instrumentalisée à des fins budgétaires", aux yeux des communistes. "Qu'on arrête de manipuler des chiffres": il y a dans ce budget "bien plus de 30 milliards d'euros qui vont à la transition écologique", a assuré mardi Bénédicte Peyrol (LREM). Édouard Philippe a promis au total 500 millions d'euros de mesures centrées sur les foyers modestes, via notamment le chèque énergie et une "super prime" à la conversion des véhicules. Côté majorité, les députés MoDem soutiennent un budget qui "redonne du pouvoir d'achat au monde du travail, même si les Français ne l'entendent pas toujours". Si l'adhésion des "marcheurs" aux objectifs est totale, certains, vivement interpellés sur le terrain, doutent de la méthode ou de la communication. "Depuis six mois, on est en riposte", il faut "valoriser ce qui est fait", selon la porte-parole LREM Aurore Bergé. Sa collègue Brigitte Bourguignon juge qu'"on n'a pas encore répondu à cette colère" et cette demande de "protection" dans le pays.