Des dizaines de milliers de "Gilets jaunes" ont de nouveau manifesté samedi, le huitième d'affilée, à Paris et en province, où des heurts ont éclaté en marge de défilés visant à interpeller un pouvoir aux réponses jugées insuffisantes. Les manifestants étaient environ 50.000, contre 280.000 au plus fort de la mobilisation et 32.000 la semaine dernière, a déclaré sur LCI le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner, qui a précisé que plus de 56.000 membres des forces de l'ordre étaient mobilisés ce samedi. Dans la capitale, 3.500 personnes ont défilé selon la préfecture de police qui avait reçu des déclarations officielles pour deux manifestations. Vingt-quatre personnes ont été interpellées, a-t-on indiqué de même source. Différents cortèges ont convergé dans l'après-midi vers l'Assemblée nationale avant de se disperser en divers endroits. Quelques heurts entre manifestants et forces de l'ordre ont éclaté non loin du musée d'Orsay, où une péniche a été incendiée. Des dégâts ont aussi été constatés par des journalistes de Reuters sur le boulevard Saint-Germain où des voitures, des scooters et du mobilier urbain ont été vandalisés et incendiés. La tension était palpable en début de soirée sur l'avenue des Champs-Elysées.
Griveaux évacué "J'appelle chacun à la responsabilité et au respect du droit", a écrit sur Twitter Christophe Castaner après une réunion par visioconférence avec les préfets à son ministère où le Premier ministre, Edouard Philippe, s'est rendu en fin d'après-midi. Le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, a été évacué de son bureau après l'intrusion de manifestants violents dans la cour de son secrétariat d'Etat situé rue de Grenelle, non loin de l'Assemblée nationale. Des contestataires ont fait irruption dans la cour du bâtiment après avoir défoncé le portail et la grille à l'aide d'un engin de chantier. Dans un tweet publié en début de soirée, Emmanuel Macron a dénoncé les violences ayant émaillé la journée. "Une fois encore, une extrême violence est venue attaquer la République - ses gardiens, ses représentants, ses symboles. Ceux qui commettent ces actes oublient le cœur de notre pacte civique", a écrit le président. "Justice sera faite. Chacun doit se ressaisir pour faire advenir le débat et le dialogue." Le secrétaire d'Etat Laurent Nuñez a pour sa part évoqué sur le plateau de BFM TV des "débordements de factieux extrêmement violents" émanant d'individus qui "cherchent à faire tomber la démocratie." Il a assuré, tout comme Christophe Castaner, que l'homme ayant violemment frappé un gendarme sur la passerelle Léopold Sedar Senghor, sur la Seine, et dont les images ont été diffusées, serait retrouvé. Pour la première fois, une ébauche de service d'ordre interne accompagnait les différents défilés des "Gilets jaunes", mouvement sans leader désigné dont les actions s'organisent essentiellement via les réseaux sociaux. Dès samedi matin, des centaines de personnes s'étaient rassemblées dans le quartier des Champs-Elysées avant de prendre la direction du centre de la capitale, drapeaux français en main et gilets fluorescents sur le dos. Certains ont entonné La Marseillaise, d'autres ont scandé "Macron démission". "Macron, toi et la clique, tous au smic", "Macron prix Nobel du mépris", "Indignez-vous : trop de taxes, trop de suicides, trop de SDF. Réveillez-vous", "Le roi Macron donne des miettes aux gueux", pouvait-on lire sur des pancartes arborées par les manifestants, dont beaucoup réclamaient des référendums d'initiative citoyenne (RIC). "Nous on en a marre de payer, on ne veut plus de cet esclavage, on doit pouvoir vivre de notre salaire", a dit à Reuters un jeune homme venu d'Eure-et-Loir, François Cordier, croisé sur les Champs-Elysées.
"On n'a plus rien" Place de la Bourse, une jeune mère de trois enfants venue de Meurthe-et-Moselle a dit s'inquiéter pour le pouvoir d'achat. "J'ai du mal dès le début du mois, une fois qu'on a payé les factures on n'a plus rien", a-t-elle témoigné. Pour cette première journée d'action après les fêtes de fin d'année, de nombreux défilés ont aussi eu lieu en province. La préfecture de la Gironde a compté 4.600 manifestants à Bordeaux, où la police a procédé à 11 interpellations. Cinq policiers ont été blessés. À Toulouse (Haute-Garonne), la préfecture recensait 1.500 "Gilets jaunes" en milieu d'après-midi. La façade de la préfecture a été visée par des jets de peinture. À Tarbes (Hautes-Pyrénées), 1.300 personnes réunies place Verdun ont fait un "die-in" - les manifestants s'allongent à terre comme des morts - pour rendre hommage aux victimes du mouvement, a indiqué la préfecture. A Caen (Calvados), des affrontements ont éclaté en début d'après-midi dans le centre-ville entre plusieurs centaines de manifestants et les forces de l'ordre, selon la préfecture. A Marseille, où plusieurs centaines de personnes ont manifesté dans la matinée, une réunion de "Gilets jaunes" venus de tout le pays a été organisée au siège de La Provence, détenu par l'homme d'affaires Bernard Tapie. Les participants ont décidé de créer une coordination pour recueillir et traiter les revendications des manifestants. Des défilés émaillés de tensions ont aussi eu lieu à Rouen (Seine-Maritime), Nantes (Loire-Atlantique) ou encore Epinal (Vosges). Depuis les voeux du 31 décembre du chef de l'Etat Emmanuel Macron, le pouvoir a adopté une posture de fermeté, fustigeant les "agitateurs" et exigeant le respect de l'ordre public.
La tension monte d'un cran La tension, née de la contestation du mouvement des "gilets jaunes", est montée samedi d'un cran avec une mobilisation en hausse et après l'intrusion violente d'un groupe de manifestants dans la cour d'un ministère. Utilisant un engin de chantier, les auteurs ont défoncé la porte du ministère et saccagé deux voitures et le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, a été évacué de ses bureaux. Le lieu de l'intrusion abrite également le ministère des Relations avec le Parlement et se situe non loin de Matignon, le siège du Premier ministre, Edouard Philippe. Une enquête a été ouverte et confiée au 3e district de la police judiciaire de Paris, a-t-on indiqué. Cette intrusion de son ministère est considérée par Benjamin Griveaux, qui a dénoncé vendredi les "agitateurs qui veulent l'insurrection", comme une attaque à "la maison France". Le porte-parole du gouvernement a indiqué vendredi, rappelle-t-on, que le gouvernement a apporté des réponses "concrètes et rapides" aux demandes portées par le mouvement, notamment sur le pouvoir d'achat, soulignant que "depuis ces annonces, le mouvement pour ceux qui restent encore mobilisés, est devenu le fait d'agitateurs qui veulent l'insurrection et au fond renverser le gouvernement". "C'est désormais dans un combat politique qu'ils sont engagés pour contester la légitimité du gouvernement et du président de la République", a-t-il ajouté, réitérant que le gouvernement va agir avec fermeté. A Beauvais, des manifestants ont tenté de bloquer l'aéroport, alors qu'à Lyon ils ont réussi à bloquer l'autoroute A7. Par ailleurs, l'ambassadeur de Suède a indiqué dans un tweet que devant son ambassade et de l'ambassade de Tunisie des "gilets jaunes" ont mis le feu qui a été éteint grâce à des "voisins solidaires". Après cette nouvelle mobilisation, dont 55 % des Français souhaitent qu'elle continue selon le dernier sondage, toutes les analyses se croisent pour évoquer les conséquences politiques de la détermination de cette colère sociale et l'absence de réponses convaincantes du gouvernement qui n'arrivent pas à surpasser cette crise qui risque d'aller vers la rupture.