Dans le cadre de la réunion du Club de discussion international Valdaï qui a démarré au Vietnam, les experts discuteront de la manière dont la Russie et le Vietnam doivent réagir aux actions des USA sur la scène internationale et développer leur coopération sur fond de sanctions et de guerres commerciales. Comme l'a reconnu l'ambassadeur de Russie au Vietnam Konstantin Vnoukov dans une interview accordée au quotidien Izvestia, Washington intimide les partenaires de Moscou en brandissant la menace des sanctions pour essayer d'empêcher aussi bien l'activité des compagnies russes au Vietnam que de promouvoir les produits militaires sur le marché de ce pays. Cependant, d'après le diplomate, cela n'exerce pas un impact négatif particulier sur les liens bilatéraux: en presque 70 ans de relations, la Russie n'a jamais fait défaut au Vietnam - et Hanoï l'apprécie.
Question: Depuis 2012, les relations entre la Russie et le Vietnam ont officiellement atteint le niveau de "partenariat stratégique global". D'après vous, sur quel axe la coopération avance-t-elle le plus? K.V.: Le partenariat stratégique global est le niveau le plus élevé de relations du Vietnam avec ses partenaires les plus importants. Même si, en termes d'échanges, pour l'instant nous sommes très loin de la Chine et d'autres "poids lourds" du commerce extérieur, depuis l'entrée en vigueur de l'Accord de libre-échange entre l'Union économique eurasiatique (UEE) et le Vietnam la dynamique est impressionnante, avec une croissance annuelle d'un tiers. C'est pourquoi nous sommes certains que nous atteindrons la barre des 10 milliards de dollars d'ici 2020 (nous en étions déjà à plus de 6 milliards de dollars en 2018). Pour le Vietnam, la Russie est un partenaire parfaitement prévisible et fiable, qui ne lui a jamais fait défaut en 70 ans d'histoire. Dans le monde actuel, précaire et instable, c'est un phénomène rare. La base de nos relations est la coopération dans le secteur gazier et pétrolier, la coopération militaro-technique (c'est en s'appuyant sur la Russie qu'a été créée la flotte sous-marine vietnamienne et que la marine et l'armée de l'air ont été modernisées) et les liens socioéducatifs.
Il y a deux ans, dans une chronique pour Izvestia, vous avez noté que "plusieurs pays souhaiteraient avoir le Vietnam comme partenaire prioritaire", qu'il fallait "sérieusement se battre pour cela" et que la Russie ne faisait pas exception". A l'étape actuelle, qui est notre principal rival dans la "lutte pour le Vietnam"? Depuis des années, le Vietnam mène une politique et une ligne économique extérieures multivectorielles. Bien sûr, une attention prioritaire est accordée à ses voisins (Laos, Cambodge) et d'autres membres des Dix de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ANASE). Les autres priorités dépendent du potentiel et du profit réel, tant bien économique que géopolitique. Dieu merci, la Russie est utile dans plusieurs domaines et, surtout, elle est historiquement connue et respectée par la population vietnamienne.
En 2016, les États-Unis ont levé l'embargo sur les fournitures d'armes létales au Vietnam, qui avait duré un demi-siècle, et ont commencé à vendre activement leurs armes à Hanoi. Le changement de politique des USA a-t-il influé sur les intérêts des industriels de l'armement russes? La coopération militaro-technique est un secteur particulier qui a toujours été le théâtre d'un haut niveau de concurrence et d'un comportement pas toujours honnête de nos rivaux. C'est particulièrement vrai aujourd'hui que les Américains ont dépassé toutes les limites de la décence en intimidant nos partenaires traditionnels par les sanctions afin de les faire renoncer à l'achat de produits militaires russes. Mais nous avons plusieurs avantages de notre côté: la grande part de matériel russe (jusqu'à 90%) dans l'armée vietnamienne, la formation du personnel, la renommée de nos armements les plus modernes et non obsolètes, ainsi que des prix compétitifs. Sans oublier le respect à la lettre des engagements contractuels et un bon service après-vente - ce qui est également sollicité.
La Russie projette-t-elle, dans le cadre du développement de la coopération des forces navales de la Russie et du Vietnam, de renforcer son activité dans la région par des visites de navires de guerre dans les ports de ce pays? Les entrées de navires de guerre de la flotte du Pacifique de la marine russe dans les ports vietnamiens sont régulières. Cela s'est notamment fait sentir pendant la phase active de la lutte contre Daech en Syrie. Il est important de les accompagner par l'organisation d'exercices communs, ainsi que d'attribuer aux entrées de navires un caractère bilatéral. Nous espérons que cette année, les navires de guerre de la marine vietnamienne, y compris les corvettes de fabrication russe, pourront se rendre dans l'Extrême-Orient russe dans le cadre de visites amicales. Les établissements financiers de la Chine, principal allié de la Russie en Asie, refusent parfois d'effectuer des transactions avec la participation de compagnies russes à cause des sanctions des USA et de l'UE. Ce problème est-il pertinent pour les entreprises vietnamiennes? Comme l'indique la pratique actuelle, la "pieuvre financière" américano-occidentale étend ses tentacules gluantes dans le monde entier, et l'Asie ne fait pas exception, afin de compliquer l'activité d'affaires normale et reconnue des compagnies russes. Mais, comme on dit, "le dollar n'est pas le centre de l'univers", l'usage de monnaies nationales et de moyens flexibles dans les opérations permettra aux partenaires loyaux de sortir de cette situation à moindres frais.