L'imam chiite Moqtada al-Sadr a fait savoir dimanche qu'il retirait ses miliciens des rues dans tout l'Irak, semblant vouloir ainsi mettre fin aux affrontements qui, partis mardi de Bassorah (sud), ont déjà fait plus de 300 morts et étaient en train de s'étendre à tout le pays. Une annonce rapidement saluée comme positive par Bagdad: le Premier ministre Nouri al-Maliki a parlé d'un "pas dans la bonne direction". Dans un communiqué en neuf points diffusé par son QG dans la ville sainte chiite de Najaf, l'imam extrémiste affirme retirer ses combattants de l'Armée du Mahdi de tout le pays, réclame l'arrêt des opérations gouvernementales et la libération des prisonniers. Dans un entretien à la télévision publique, le porte-parole du gouvernement Ali al-Dabbagh a qualifié de "positive et responsable" cette annonce, attendant que tous les combattants y répondent favorablement, mais expliquant que désormais "quiconque prendra le gouvernement pour cible sera considéré comme hors-la-loi". Plusieurs heures après l'annonce de l'imam, on entendait encore des tirs sporadiques dans Bagdad, la capitale sous couvre-feu depuis jeudi. Des roquettes ou obus de mortiers ont été tirés en direction de la Zone Verte. Au moins sept personnes ont été tuées et 21 blessés dans le quartier commercial de Karradah par des projectiles ayant manqué cette cible, selon la police. Dans la soirée, un raid aérien américain a tué 25 militants présumés dans un quartier chiite de l'est de Bagdad, où les combats les plus intenses ont eu lieu ces derniers jours. La frappe a été menée après que des soldats américains sur le sol ont essuyé des coups de feu. Par ailleurs, un soldat américain et un Marine été tués dimanche dans des explosions de bombes en bord de route au nord de Bagdad et dans la province d'Anbar, selon l'armée. Mais plus tard dans la soirée, les autorités ont annoncé la levée du couvre-feu sur Bagdad à compter de 6h lundi matin. Une interdiction de circuler restera cependant en vigueur dans trois bastions des milices chiites, les quartiers de Sadr City, Kazimiyah et Shula. La décision du chef chiite intervient alors que la résistance était de plus en plus féroce à Bassorah, la grande ville chiite du sud irakien, d'une importance stratégique cruciale car au coeur de l'industrie pétrolière de la région. Depuis trois ans, les milices chiites rivales faisaient la loi à Bassorah, trempant dans tous les trafics et s'affrontant pour leur contrôle et celui de la ville. Depuis mardi et le lancement de l'offensive des autorités irakiennes contre les combattants d'Al-Sadr à Bassorah, l'Armée du Mahdi avait repris les armes dans tout le pays chiite et à Bagdad, avec des affrontements qui ont fait au moins 300 morts, menaçant d'enflammer le pays. Les sadristes, furieux, accusent les partis chiites rivaux de tenter d'écraser leur mouvement avant les élections régionales prévues d'ici à l'automne: ils étaient censés y engranger de bons résultats aux dépends d'autres partis chiites proches du Premier ministre. Jurant de nettoyer Bassorah des "gangs criminels" qu'il a qualifiés pour certains de "pires qu'Al-Qaïda", Nouri Al-Maliki avait donc jeté toute sa crédibilité dans la balance et décidé de passer à l'offensive. Mais l'ampleur de la résistance a pris par surprise le gouvernement de Bagdad, selon un officiel s'exprimant sous le couvert de l'anonymat. La crise de Bassorah risque donc d'affaiblir encore un peu plus le Premier ministre et de prouver l'extrême fragilité de ce que Washington présentait comme une amélioration de la situation sur le terrain, à l'heure où l'engagement américain en Irak revient pour examen devant le Congrès. Car les forces américaines ont commencé à s'impliquer: un avion de combat AC-130 a bombardé les combattants chiites qui attaquaient l'armée régulière à Bassorha samedi. Par ailleurs, selon les habitants de Sadr City, l'immense quartier populaire chiite de Bagdad, les bombardements américains et affrontements au sol y auraient fait dix morts samedi soir. L'armée américaine a démenti toute frappe sur Sadr City.