"L'Afrique commerce avec le reste du monde, mais elle ne commerce pas avec elle-même", regrette Jakkie Cilliers, de l'Institut pour les études sur la sécurité, selon lequel "une zone de libre-échange est presque un prérequis à l'industrialisation". Et justement, pour favoriser le commerce au sein du continent, attirer des investisseurs et permettre aux pays africains de s'émanciper de l'exploitation des matières premières, l'Union africaine réunie en sommet à Niamey a annoncé qu'elle lancera dès ce dimanche la "phase opérationnelle" de la Zone de libre-échange continentale (Zlec). Pour ce projet phare en vue de l'émancipation économique de l'Afrique, l'UA estime que sa mise en œuvre permettra d'augmenter de près de 60% d'ici à 2022 le commerce intra-africain, alors que les détracteurs du projet évoquent le manque de complémentarité des économies africaines et craignent que des importations bon marché ne sonnent le glas de certains petits producteurs agricoles et industriels. Il est important de signaler, au passage, qu'actuellement, seulement 16% du commerce des pays africains s'effectuent avec d'autres pays du continent et ce, principalement au sein des groupes économiques régionaux tels que la SADC (Communauté de développement d'Afrique australe), la Cedeao (Communauté économique d'Afrique de l'Ouest) ou l'EAC (Communauté d'Afrique de l'Est). Le commerce intra-européen s'élève à quelque 65%. Présence de M. Boukadoum au 12ème sommet extraordinaire de l'UA Il est aussi intéressant de rappeler que les travaux de la 35ème session ordinaire du Conseil exécutif de l'Union africaine (UA) ont débuté jeudi dernier à Niamey (Niger) en présence du ministre des Affaires étrangères, Sabri Boukadoum. M. Boukadoum dirige la délégation algérienne aux travaux de cette session de deux jours, préparatoire au 12ème sommet extraordinaire de l'UA prévu ce dimanche 7 juillet dans la capitale nigérienne. Cette réunion a examiné le rapport sur les résultats de la mission d'évaluation des Etats membres candidats pour accueillir le secrétariat de la zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF).
Rationaliser les dépenses de l'UA pour 2020 Les ministres des Affaires étrangères des Etats membres de l'UA avaient insisté vendredi à Niamey pour rationaliser au maximum les dépenses de l'organisation continentale pour l'année 2020. "Nous avons mis beaucoup de rationalisation pour le budget de 2020, dont les recommandation seront présentées aux chefs d'Etat et de gouvernement pour adoption lors du sommet de dimanche prochain", a indiqué le ministre des Affaires étrangères, Sabri Boukadoum. Le chef de la diplomatie algérienne intervenait, en marge de la tenue de la 35ème session du Conseil exécutif de l'UA. Il a précisé que beaucoup de recommandations seront également soumises aux chefs d'Etat et de gouvernement pour adoption. M. Boukadoum s'est félicité par ailleurs de la réélection du juge algérien, Hocine Aït Chalal, comme membre du Conseil consultatif de lutte contre la corruption de l'Union africaine (UA) pour un mandat de deux ans. Cette réunion a permis aux ministres des Affaires étrangères des Etats membres d'examiner le rapport de la 38e session ordinaire du comité des représentants permanents de l'UA (COREP) et des rapports des sous-comités du Conseil exécutif et des comités ad-hoc. Les ministres ont examiné notamment le rapport du comité ministériel sur la mise en œuvre de l'agenda 2063 et celui du comité ministériel sur les candidatures africaines au sein du système international. Le Conseil exécutif procédera, en outre, à l'examen et à l'adoption des instruments juridiques de l'agence de développement de l'UA (AUDA-NEPAD), ainsi que l'examen du projet de statuts du mécanisme africain d'évaluation par les pairs (MAEP). Le Conseil exécutif s'attèlera également à la préparation de la première réunion de coordination à mi-parcours de l'UA et à la présentation du rapport du Haut représentant pour le financement de l'UA. D'ailleurs c'est ce dimanche que le sommet à Niamey va déterminer le pays choisi pour accueillir le secrétariat de la Zlec - le Ghana et eSwatini, entre autres, sont candidats -, mais "les négociations sur certains points très importants ne sont pas encore achevées", souligne, la directrice du Centre juridique sud-africain Tralac, spécialiste des questions commerciales, Trudi Hartzenberg. Elle évoque notamment le calendrier de l'abaissement des droits de douanes, attendu pour la mi-2020, les règles permettant d'établir qu'un produit a été fabriqué en Afrique (exemple: un t-shirt fabriqué au Cambodge et qui se voit apposer une broderie en Namibie ne pourra vraisemblablement pas porter le label "made in Namibia"?) ou encore les règles de concurrence entre pays et les mécanismes d'arbitrage.
L'idée de la ZLECAF remonte à 1963 ! Le président de la Commission de l'Union africaine (UA), Moussa Faki Mahamat, a rappelé jeudi dernier à Niamey (Niger), que l'idée de la création de la ZLECAF remontait à la session inaugurale de l'Organisation de l'unité africaine (OUA) en 1963, qui avait alors instruit le comité économique d'en conduire l'étude. Pour lui, "il est urgent de traiter toutes les questions requises en suspens, qu'elles soient de nature technique ou politique, pour accélérer la cadence de l'intégration continentale". Lors du Sommet de Kigali tenu en mars 2018, les Etats membres de l'Union africaine signataires de l'Accord portant création de la ZLECAF ont donné un signal fort pour la consolidation et le renforcement des échanges commerciaux intra-africains dans l'objectif de la création d'un marché africain unique. La ZLECAF est entrée en vigueur fin mai dernier avec l'objectif de constituer un marché unique pour les biens et services au niveau du continent, basé sur la libre circulation des activités et des investissements. Elle offre un espace très dynamique constitué d'un marché de plus de 1,2 milliard de personnes qui représente environ 2.500 milliards de dollars de PIB cumulé.
Des versements tardifs des contributions étatiques Evoquant, par ailleurs, l'élaboration du budget de l'UA pour l'année 2020, M. Faki Mahamat a souligné "la difficulté majeure" à laquelle restent confrontés la Commission et les autres organes de l'UA, consistant en "le versement tardif des contributions par les Etats membres, aggravé souvent par d'importants arriérés de contributions statutaires". Concernant le Fonds de la paix, dont le niveau de contribution est à un peu plus de 116 millions de dollars sur les 400 millions programmés, il a indiqué qu'il constituait "un indicateur de la volonté politique affirmée des Etats membres pour assurer l'intégration, la paix et la prospérité". Il a ajouté que ce Fonds, dont il souhaite que les Etats membres maintiennent leur effort de contribution, permettra d'opérer comme "un instrument de souveraineté qui confère à l'Afrique la possibilité d'affirmer sa présence active sur les terrains de conflits, mais aussi de travailler en amont dans leur prévention".