Matteo Salvini s'est rendu à Washington pour évoquer la guerre commerciale contre la Chine. Le quotidien Izvestia fait le point sur les enjeux du voyage. La rencontre entre le vice-premier ministre italien Matteo Salvini et le secrétaire d'État américain Mike Pompeo "n'impactera pas les relations entre Rome et Moscou", qui resteront des "partenaires proches": telle est la position de Gianluca Savoini, conseiller de Matteo Salvini, interrogé par le quotidien russe Izvestia. Au sujet de la confrontation commerciale entre l'Occident et la Chine, qui était au centre des pourparlers bilatéraux à Washington, Gianluca Savoini a dit "espérer que la Russie renoncera à l'alliance avec Pékin". Le député du parti Ligue Stefano Valdegamberi a souligné qu'il était important pour Matteo Salvini de s'assurer le soutien américain parce qu'après le succès de la Ligue aux élections législatives européennes, le vice-premier ministre se prépare à un remaniement au sein du parlement national. Commentant la visite de Matteo Salvini aux États-Unis, le sénateur russe Alexeï Pouchkov a souligné qu'il fallait prêter attention aux démarches réelles et aux déclarations de Rome.
Une position ambiguë En partant aux États-Unis, Matteo Salvini ne cachait pas que l'Italie espérait devenir l'allié le plus proche de Washington en Europe. C'est dans cet objectif que le politicien s'est entretenu avec le secrétaire d'État américain Mike Pompeo et le vice-président Mike Pence. Au final, selon la déclaration du département d'État américain, les interlocuteurs ont évoqué la "lutte contre les menaces régionales émanant de la Russie et de l'Iran, la menace représentée par les investissements de la Chine dans les technologies sensibles et l'infrastructure en Italie et en Europe, ainsi que la nécessité de renforcer la coopération entre les États-Unis et l'Italie dans le domaine de la défense". Malgré les relations d'alliés entre les deux pays, il s'agit de la première visite officielle aux USA de Matteo Salvini, qui occupe depuis un an le poste de vice-premier ministre. A titre de comparaison, il s'est rendu déjà deux fois en Russie. Il a également parlé plusieurs fois des plans de Rome de faire lever les sanctions antirusses - cette approche a été fixée dans le contrat gouvernemental signé par le parti Ligue et le Mouvement 5 étoiles (M5E). Il semble donc particulièrement intéressant que Rome et Washington ont évoqué la "menace régionale", notamment émanant de la Russie. Comme l'a déclaré à Izvestia le conseiller du vice-premier ministre Gianluca Savoini, la position de l'Italie vis-à-vis de la Russie reste inchangée: durant l'entretien avec Mike Pompeo, Matteo Salvini a appelé à ne pas renoncer au dialogue avec Moscou et à établir de bonnes relations avec lui. "Le soutien des USA est important, mais en même temps le regard de Matteo Salvini est dirigé vers l'Est où se trouve notre principal partenaire stratégique: la Russie. En juillet, le Vladimir Poutine se rendra en Italie", rappelle Stefano Valdegamberi, député de la Ligue. Le sénateur russe Alexeï Pouchkov a fait remarquer que la phrase concernant la menace russe figurait précisément dans le communiqué de presse du département d'État américain. "L'Italie est membre de l'Otan, et il serait étrange qu'une figure centrale de la politique italienne n'ait pas de contacts avec les États-Unis. D'un autre côté, il faut partir des déclarations qui ont été faites par Matteo Salvini auparavant - et qu'il continue de faire. En ce qui concerne les sanctions, d'après moi, la position de l'Italie consiste à empêcher leur renforcement et à persuader d'autres pays de l'UE de leur nuisance", a déclaré Alexeï Pouchkov à Izvestia.
Entre l'aigle et le dragon D'après Gianluca Savoini, l'un des thèmes principaux des pourparlers fut la stratégie économique générale de l'Italie et des États-Unis vis-à-vis de Pékin. "L'expansion de la Chine - ses produits et hautes technologies - est un véritable problème. Nous pensons qu'il est primordial de construire de bonnes relations avec Moscou, mais en même temps nous sommes convaincus que la Russie ferait bien mieux de s'allier avec nous plutôt qu'avec la Chine", estime le politicien. En mars 2019, pendant la visite du président chinois Xi Jinping en Italie, le gouvernement du pays avait accepté de participer à l'initiative "La Ceinture et la Route", s'attirant ainsi les foudres des Américains et de certains pays européens. L'establishment italien a toujours eu une approche ambiguë de la politique étrangère, explique Elena Maslova, collaboratrice de l'Institut d'Europe affilié à l'Académie des sciences de Russie. "Les relations avec des puissances telles que la Russie et la Chine visent à renforcer le rôle de cette puissance européenne régionale, en prouvant à d'autres pays que l'Italie est disposée à mener une politique indépendante", résume l'experte. D'après Alexeï Pouchkov, l'Italie souhaite éviter un conflit politique direct avec les autorités américaines, c'est pourquoi elle manœuvre sur le plan diplomatique. "Il n'y a pas de divergences idéologiques entre le gouvernement italien et l'administration Trump, qui exprimait son soutien aux eurosceptiques. Dans ce sens, leurs relations impliquent une certaine loyauté réciproque. En même temps, toutes ces déclarations ont plutôt un caractère rituel car beaucoup s'étaient prononcé en faveur des USA, alors que l'entente avec la Chine est une véritable percée", indique le sénateur.
Le poste de Premier ministre en vue Selon Stefano Valdegamberi, outre l'agenda international, il était important pour Matteo Salvini de s'assurer le soutien des États-Unis dans sa course au poste de premier ministre. "Après le succès de la Ligue aux législatives européennes (le parti de Matteo Salvini a obtenu 34% des voix et 28 sièges au Parlement européen, soit le double de ses partenaires de la coalition M5E sous la direction de Luigi Di Maio - ndlr), Salvini se prépare à des remaniements au parlement national", note le politicien. Après les législatives italiennes de mars 2018 a été constitué un cabinet de coalition regroupant des représentants des partis populistes Ligue et M5E. Le poste de premier ministre est occupé par le politicien indépendant Giuseppe Conte, et les chefs des deux partis sont devenus ses vice-premiers ministres. Ni Matteo Salvini ni Luigi Di Maio n'ont pour autant renoncé à leurs ambitions de devenir chef du gouvernement. "Les prochaines élections se tiendront dans quelques années, mais, comme le montre l'histoire, pratiquement aucun cabinet italien n'a pu effectuer un mandat complet. Il est évident que Salvini et Di Maio veulent tous les deux le poste de premier ministre. Mais Salvini est plus populaire", poursuit Elena Maslova. Et de conclure que les positions des partis au pouvoir divergent sur plusieurs questions fondamentales. Dans des conditions où pratiquement toutes les élections sont anticipées, il se pourrait donc que le cabinet italien change avant la date prévue.