La génération d'aujourd'hui, plutôt branchée Net, télé, radio et autres images et discours, ignore certainement tout de ce que fut ce personnage qui “vendait” des récits fantastiques qu'on appelle, El Goual ou El-Meddah, ou Erraoui ou “ hakawati ” en Orient. Eh bien la ville d'Oran l'a ressuscité pour un temps à la faveur d'un festival du conte organisé récemment sous le thème: “ Une paix contée depuis l'enfance”.Nous ne pouvons pas affirmer que le Goual fut l'ancêtre du théâtre dont le noyau central fut ce que l'on nomme, le monologue. Parce que déjà dans la Grèce antique, il y avait une longue tradition théâtrale où les acteurs furent masqués où le public se prélassait toute la journée en “ mangeant, rotant et pétant ”. Le Goual est un peu la Chahrazade dans le sens narratif du terme. C'est aussi un acteur important dans les sociétés qui furent de tradition orale. Il était à la fois celui qui inventait le langage, l'apprenait, le transmettait par un canal archaïque qui est celui de l'oralité. Son espace d'expression fut les villages, les villes, les marchés où il se déplaçait avec comme balluchon des récits fantastiques ou réels, de la poésie improvisée ou apprise, des histoires anciennes concernant des personnages atypiques, comme Djeha, des recettes de cuisine, médicamenteuses etc….El Bahria a célébré le Goual autour duquel se formaient les “ halaqas ” dans les marchés publics qui résonnaient alors par les discours venus d'ailleurs. Discours mêlés de sagesse, d'humour, de mystère et d'emphase. A lui seul, il se façonne en plusieurs personnages imitant les fous comme les génies. Il est détenteur d'un vaste répertoire de contes populaires, de romances, de légendes et d'épopées qu'il interprète avec une facilité et une diction déconcertante. Artiste complet, il arrive à ce que Le Goual imite, improvise, plaisante en intègrant parfois des sujets brûlants de l'actualité. Sa mission est aussi didactique que ludique et véhicule des valeurs et des idées humaines. Ses contes peuvent susciter des débats à cause des critiques ironiques de la société et des autorités. Le public est lui-même intégré au récit comme un élément essentiel du conte. Les halaqas prennent alors des allures très brechtiens du moment où le public n'est pas passif à tous ces contes qui viennent de loin mais participent à cette “ praxis ” du langage. La halaqa, c'est justement le cercle que le public forme autour de lui l'écoutant narrer et le questionnant parfois sur tant de mystères qu'il colporte. Lorsque l'histoire commence, le Goual change de visage, car en se mettant dans la peau d'autres personnages il passe du rire aux larmes, du drame à la comédie et du mystère à l'ironie. Le public vibre aux intonations de sa voix qui se modifie. Il sait mettre du suspens dans ses récits et joue de l'attente du public. Et lorsque l'histoire se termine, le public en redemande. Ces récits peuvent durer longtemps selon le talent du Goual. Le public devra revenir pour connaître la suite des aventures du héros. Le mystère ne sera dévoilé qu'après de nombreuses aventures. Pratiquement disparu des arènes populaires, le Meddah a été ressuscité dans le théâtre notamment par feu Abdelkader Alloula qui lui a consacré une pièce, “ El Goual ”. Dans plusieurs œuvres théâtrales dans les années 60, et jusque dans les années 80, ce personnage fut omniprésent.