Mettre en scène c'est créer la vie scénique d'une œuvre théâtrale écrite. Une mise en scène n'est possible que lorsque le texte présente, tout au long, un intérêt dramaturgique. C'est loin d'être le cas dans la fameuse « œuvre maghrébine » intitulée « El Hakawati El Akhir », présentée ce vendredi au théâtre Alloula d'Oran en guise de pièce de théâtre, selon l'idée que nous avons du quatrième art. L'auteur marocain nous a proposé, pendant plus de deux heures, un discours fleuve fait de bas mots, en grande partie tourbés en désuétude. Un texte fait pour être lu ou écouté à la radio, par temps de pluie et la télévision en panne. Dans ce texte, il n'y avait d'ailleurs, ni intrigue sociale, ni conflit politique, ni thèse philosophique, défendable ou non, ni encore moins des mots d'esprit capables d'arracher quelques sourires au public. La platitude dans toute sa nudité, l'ennui assuré pour le spectateur. Ainsi donc, celui qui juge sans partialité, se trouve en droit de demander davantage à l'auteur, compatit à la misère du metteur en scène qui a dû connaître d'énormes difficultés pour indiquer des déplacements sans but réel, juste pour meubler l'espace, heureusement bien agencé par le décorateur. Décor génial Le public regrettera certainement une soirée perdue à un « divertissement » sans plaisir, présenté la veille comme une œuvre majeure, créée par des artistes de trois pays maghrébins. « Le dernier conteur » en bicyclette a dû être un véritable casse-tête pour le metteur en scène du pays de Bourguiba, même avec le décor génial, fait pour occuper l'espace et créer le prétexte aux déplacements inutiles effectués par les comédiens. Mais sinon, comment tenter de faire « vivre » l'interminable discours qui ne comportait aucun gag comique, ni situation dramatique sur lesquels s'appuie généralement le metteur en scène. Il n'y a aucune action qui vient tirer le spectateur de la léthargie où il s'enfonce, malgré lui, juste après le premier quart d'heure. Ce qu'on trouve également aberrant, est le fait de faire appel à une vingtaine de comédiennes et comédiens, qu'on fait venir tantôt du côté cours, tantôt du côté jardin, pour assister tout simplement au monologue ennuyeux à mourir d'un conteur qui débite un texte sans aucune anguille sous roche, sans allusion permettant au spectateur de vivre l'irrésolution ou la perplexité du héros avant l'intervention d'une action décisive. Il n'y a pas d'action, donc aucune chance de voir paraître des conflits plus ou moins secrets du personnage. On ignore les raisons qui ont présidé au choix de ce texte, qui plus est ouvre le programme théâtral de l'année de la culture Arabe, mais le choix n'a pas été des plus judicieux. Et c'est le moins qu'on puisse dire, sans parler du coût qui aurait permis la création d'une dizaine de pièces de théâtre. Ce qui aurait pu donner naissance à un chef-d'œuvre.