La France va autoriser les opérateurs télécoms à utiliser une partie des équipements de Huawei pour déployer la 5G en dépit des appels du gouvernement américain à bannir l'équipementier chinois, a-t-on appris de deux sources au fait du dossier. Paris doit délivrer de façon imminente ses premiers feux verts aux demandes d'équipements formulées par les opérateurs qui ont le choix entre les groupes européens Nokia et Ericsson et Huawei pour le déploiement de la dernière génération. Si officiellement aucun équipementier n'est frappé d'interdiction dans l'Hexagone, certains acteurs du secteur craignent que Huawei ne soit "de facto" banni du marché de la 5G qui permettra de nouveaux usages dans des secteurs stratégiques comme les véhicules connectés, l'industrie ou la télémédecine. Selon les deux sources, qui ont requis l'anonymat, l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi), chargée du contrôle des équipements télécoms 5G, va approuver des équipements Huawei, mais seulement pour les parties non sensibles du réseau, comme les antennes, considérée comme posant moins de risques en termes de sécurité. "Ils ne veulent pas interdire Huawei mais le principe est : 'il faut les sortir des coeurs de réseau'", a expliqué l'une des sources. Le coeur de réseau est considéré comme stratégique dans une infrastructure mobile, notamment parce qu'il est équipé de logiciels traitant de données sensibles dont celles des usagers. L'Anssi et le ministère de l'Economie n'ont pas souhaité faire de commentaire sur ces informations. Le verdict de l'Anssi est crucial pour les opérateurs SFR(Altice) et Bouygues Telecom (Bouygues) dont une importante partie du réseau est déjà équipée de matériels Huawei. Le numéro un Orange et Free (Iliad ILD.PA) ont fait, eux, le choix d'équipementiers européens pour la 5G. ENJEU GÉOPOLITIQUE Huawei est au coeur d'une polémique alimentée par les Etats-Unis, qui accusent le groupe d'activités d'espionnage pour le compte de Pékin, ce que le premier équipementier télécoms mondial dément. Son déploiement est devenu un enjeu géopolitique international, notamment en Europe, où la question d'une interdiction du groupe chinois fait débat. La France emboîte le pas de la Grande-Bretagne qui a autorisé fin janvier l'équipementier chinois à jouer un rôle limité dans la mise en place de la 5G. Les fournisseurs "à haut risque" y seront autorisés à jouer un rôle dans les domaines "non sensibles" du réseau 5G, leur implication sera limitée à 35% et ils seront exclus de tous les réseaux et lieux sensibles. Selon une source du secteur, des restrictions s'appliqueront également en France, en application des lignes de conduite tracées par le commissaire européen au Marché intérieur Thierry Breton. Ce dernier a notamment incité les opérateurs à ne pas sélectionner de "fournisseurs à risque" dans les capitales, dans les zones militaires ou près d'une centrale nucléaire par exemple. Les autorisations de l'Anssi étaient initialement attendues en février mais ses experts ont posé de nombreuses questions aux opérateurs, selon les sources. Fin février, Huawei a annoncé vouloir construire en France sa première grande usine en dehors de la Chine, ce qui pourrait permettre de créer environ 500 emplois directs.