Evoquer Beggar Hadda alias Hadda El Khancha, c'est évoquer certainement une figure artistique sous sa forme la plus désintéressée et la plus désincarnée. Personnage, parangon de l'errance, de la transgression et de la fragilité, cette artiste fut durant la seconde moitié du XXe siècle le porte-voix attitré de la culture des Aurès aux côtés d'Aïssa Djermouni et d'Ali-El-Khencheli. Evoquer Beggar Hadda alias Hadda El Khancha, c'est évoquer certainement une figure artistique sous sa forme la plus désintéressée et la plus désincarnée. Personnage, parangon de l'errance, de la transgression et de la fragilité, cette artiste fut durant la seconde moitié du XXe siècle le porte-voix attitré de la culture des Aurès aux côtés d'Aïssa Djermouni et d'Ali-El-Khencheli. Née en janvier 1920 dans la tribu des Béni Barbar près de Souk-Ahras, elle est morte à l'âge de 80 ans en janvier 2000 à Annaba, après avoir dit-on sombré dans la folie et s'être essayée à la mendicité… Sa mort passée inaperçue, pour d'aucuns, illustre la coupure générationnelle générée par le culte de l'amnésie lié à la dévalorisation de la culture du cru. Elle a vécu pérégrinant entre Boukhadra, Souk Ahras et Annaba, et s'illustra tôt dans le chant chaoui et oriental. Dans l'un de ses titres qui allait consacrer sa célébrité, elle chanta « Ya Djebel Boukhadra ! » (ô Djebel Boukhadra) où elle rend hommage aux grévistes chaouis qui ont tenu tête à la direction de la mine de fer durant l'époque coloniale. Elle chanta durant plus d'une cinquantaine d'années l'amour, la vie, et le terroir puisant son inspiration de cheikh Bourega et d'Aïssa Jermouni, qu'elle a tous les deux côtoyés. Si sa vie artistique fut féconde sur le plan de la créativité, sa vie sentimentale a, en revanche pâti de sa stérilité biologique. Beggar Hadda a passé une enfance malheureuse, au sein d'une famille de 12 enfants, sa mère, également chanteuse, la marie de force à l'âge de 12 ans. Mais la jeune Hadda préfère s'enfuir et quitter le domicile de son époux pour aller quêter les fêtes dans les villes et les villages algériens ainsi que dans les villes de France. Ses débuts furent marqués par les guessabas de Boukbche. Elle rencontre son second mari à l'âge de 20 ans, Brahim Bendabèche, de son vrai nom Hachani, un flûtiste, qui deviendra son chef d'orchestre. Beggar Hadda fut l'une des premières dames à avoir formé un orchestre qui pouvait jouer en alternant les publics (hommes et femmes), sachant que les chanteuses qui se sont produites sous la colonisation avaient pris l'habitude de mettre sur pied des ensembles exclusivement féminins. Ayant toujours refusé de voir apposer sa photo sur la pochette de ses disques, la chanteuse s'est longtemps entourée d'un halo de mystère. Les Algériens d'un certain âge se souviennent de ses chants patriotiques comme « Dammou sayeh bayn el widane hakka galou » (Son sang coule entre les rivières, c'est ce qu'ils disent » et « Yal Djoundi Khouya » (soldat, ô mon frère) déclamés sur un ton d'une poignante sincérité. Prêchant l'amour, elle croit faire plier même la montagne pour pouvoir apercevoir son bien-aimé en déclamant « H ddak khatinni n choufe hbibi ou naouede n roudeke ».La chanteuse fut marquée par les péripéties qui avaient jalonné la guerre d'indépendance, ayant habité une région qui fut le théâtre de rudes combats entre les éléments de l'ALN et la soldatesque coloniale. Ses chansons dont les djounoud raffolaient tant elles faisaient vibrer leur fibre sensible et les maintenaient mobilisés, ont décrit la dure réalité des maquis de la base de l'Est. On peut l'imaginer à ses heures perdues sur le tard de sa vie quelque part à Annaba, enveloppée dans sa m'laya abîmée déclamant «Megouani Nesbar». La diva du chant bédouin n'a jamais renié ses origines tirant son inspiration de la vie de la femme paysanne et agreste. Le timbre de sa voix s'il surprend son auditeur, rend néanmoins que plus subtiles les réalisations vocaliques qui s'écoulent en douces paroles sans fard, toutes de lyrisme et de poésie. La chanteuse disparaît de la scène avant de reparaître pour la dernière fois en 1992, au cours d'une émission de la télévision. Ensuite en l'a verra errer dans les rus de la coquette à la quête d'un morceau de pain. L.G. Née en janvier 1920 dans la tribu des Béni Barbar près de Souk-Ahras, elle est morte à l'âge de 80 ans en janvier 2000 à Annaba, après avoir dit-on sombré dans la folie et s'être essayée à la mendicité… Sa mort passée inaperçue, pour d'aucuns, illustre la coupure générationnelle générée par le culte de l'amnésie lié à la dévalorisation de la culture du cru. Elle a vécu pérégrinant entre Boukhadra, Souk Ahras et Annaba, et s'illustra tôt dans le chant chaoui et oriental. Dans l'un de ses titres qui allait consacrer sa célébrité, elle chanta « Ya Djebel Boukhadra ! » (ô Djebel Boukhadra) où elle rend hommage aux grévistes chaouis qui ont tenu tête à la direction de la mine de fer durant l'époque coloniale. Elle chanta durant plus d'une cinquantaine d'années l'amour, la vie, et le terroir puisant son inspiration de cheikh Bourega et d'Aïssa Jermouni, qu'elle a tous les deux côtoyés. Si sa vie artistique fut féconde sur le plan de la créativité, sa vie sentimentale a, en revanche pâti de sa stérilité biologique. Beggar Hadda a passé une enfance malheureuse, au sein d'une famille de 12 enfants, sa mère, également chanteuse, la marie de force à l'âge de 12 ans. Mais la jeune Hadda préfère s'enfuir et quitter le domicile de son époux pour aller quêter les fêtes dans les villes et les villages algériens ainsi que dans les villes de France. Ses débuts furent marqués par les guessabas de Boukbche. Elle rencontre son second mari à l'âge de 20 ans, Brahim Bendabèche, de son vrai nom Hachani, un flûtiste, qui deviendra son chef d'orchestre. Beggar Hadda fut l'une des premières dames à avoir formé un orchestre qui pouvait jouer en alternant les publics (hommes et femmes), sachant que les chanteuses qui se sont produites sous la colonisation avaient pris l'habitude de mettre sur pied des ensembles exclusivement féminins. Ayant toujours refusé de voir apposer sa photo sur la pochette de ses disques, la chanteuse s'est longtemps entourée d'un halo de mystère. Les Algériens d'un certain âge se souviennent de ses chants patriotiques comme « Dammou sayeh bayn el widane hakka galou » (Son sang coule entre les rivières, c'est ce qu'ils disent » et « Yal Djoundi Khouya » (soldat, ô mon frère) déclamés sur un ton d'une poignante sincérité. Prêchant l'amour, elle croit faire plier même la montagne pour pouvoir apercevoir son bien-aimé en déclamant « H ddak khatinni n choufe hbibi ou naouede n roudeke ».La chanteuse fut marquée par les péripéties qui avaient jalonné la guerre d'indépendance, ayant habité une région qui fut le théâtre de rudes combats entre les éléments de l'ALN et la soldatesque coloniale. Ses chansons dont les djounoud raffolaient tant elles faisaient vibrer leur fibre sensible et les maintenaient mobilisés, ont décrit la dure réalité des maquis de la base de l'Est. On peut l'imaginer à ses heures perdues sur le tard de sa vie quelque part à Annaba, enveloppée dans sa m'laya abîmée déclamant «Megouani Nesbar». La diva du chant bédouin n'a jamais renié ses origines tirant son inspiration de la vie de la femme paysanne et agreste. Le timbre de sa voix s'il surprend son auditeur, rend néanmoins que plus subtiles les réalisations vocaliques qui s'écoulent en douces paroles sans fard, toutes de lyrisme et de poésie. La chanteuse disparaît de la scène avant de reparaître pour la dernière fois en 1992, au cours d'une émission de la télévision. Ensuite en l'a verra errer dans les rus de la coquette à la quête d'un morceau de pain. L.G.