L?interprète de Garni, Garni, Baïne El-Ouidene et Ghozal El-Gara, qui figurent en bonne place au riche répertoire du chant bédoui, aura consacré toute sa vie à une carrière qui a été choisie pour elle. Sa voix exceptionnelle et des prédispositions naturelles pour le rakrouki, ce genre musical très prisé en pays chaoui, lui ont tout de suite frayé un chemin dans le milieu artistique. En 1957, en pleine guerre d?indépendance, les 45 tours de Beggar Hadda, dont on estime le nombre à une vingtaine, se vendaient comme des petits pains. Le public s?y intéressait, non seulement pour les merveilleuses tonalités de la voix de Beggar Hadda, mais aussi pour les messages de nationalisme que chacune de ses chansons véhiculait. On se souvient de Djendi khouya et Oulid bladi, qui glorifiaient le combat libérateur des moudjahidine et qu?on pouvait entendre même sur les juke-box dans les cafés tenus par des Européens. C?est une Beggar Hadda au top, qui revient à ses admirateurs entre la France et l?Algérie à la fin de l?année 1967. La fortune lui sourit cette fois, elle gagna alors beaucoup d?argent, mais excessivement crédule, elle se mit à dépenser sans regarder pour ses parents, ses amis et pour quiconque faisait appel à son immense générosité. Lorsqu?en juin 1980, son mentor et époux disparut, elle ne put s?en remettre. Le ressort avait définitivement cassé. La gazelle commença alors sa lente et inexorable descente aux enfers. La misère s?installa, l?envahissant de toutes parts. Son seul refuge en ce temps-là a été le petit appartement, un minuscule 2-pièces, du quartier Beauséjour à Annaba dont les murs étaient nus et qui n?avait pour ameublement qu?une armoire et un vieux sommier. Beggar Hadda, la grande dame qui s?émeuvait des moindres tracas de simples connaissances, n?avait même plus une épaule amie sur laquelle s?épancher. Seule, épuisée et en guenilles, elle en vint à tendre la main, elle, la fière Chaouie. Les parents de la chanteuse affirment que les autorités officielles n?ont jamais fait le moindre geste pour celle dont la ville de Annaba et pratiquement tout l?Est algérien s?enorgueillaient. Le 10 janvier 1998 au matin, la Gazelle s?éteignait. Elle qui, des années durant, avait insufflé aux Algériens, aux Algériennes surtout, l?espoir d?un monde meilleur, avait rendu l?âme dans l?isolement le plus complet. «Ghozal El-Gara est mort au fin fond de la forêt, là où personne ne pouvait voir ses larmes», comme dit la chanson, sa chanson !