Rencontré par un heureux hasard à l'hôtel Africa de Tunis, le journaliste tunisien Taoufik Ben Brik a bien voulu répondre à nos questions. Midi Libre : Où en est la révolution tunisienne ? Taoufik Ben Brik : Je vous invite à revoir une nouvelle fois le film Il était une fois la révolution tourné sur une musique d‘Ennio Morricone. La révolution tunisienne a été confisquée et trahie dès les premiers jours. Disons que la chute de Ben Ali n'a pas été voulue seulement par le peuple, mais également par le système lui-même. Après 23 ans de règne sans partage, Ben Ali est devenu le problème, il est devenu un grain de sable qui a fait grincer le mécanisme qui préside au fonctionnement du système. Pour s'en débarrasser, il fallait l'apport de la rue. Cette rue a aidé le système qui repose, il faut le dire ,sur 5 socles : l'argent, la baïonnette, l'administration, Ben Ali et les médias. Mais en se débarrassant de Ben Ali, le système s'est retrouvé face à la fronde de la rue qui a mué en caillou alors que Ben Ali n'était qu'un grain de sable. Nous avons aujourd'hui un gouvernement qui ne gouverne pas. Il faut juste aller en dehors de la périphérie de Tunis pour se rendre compte que le gouvernement n'existe pas. Pensez-vous que les élections de l'assemblée constituante prévues pour le 23 octobre prochain pourraient chambouler la carte politique de la Tunisie ? A mon sens, il faut d'abord se poser la question de savoir si vraiment nous avons une carte politique. Au fait, les élections projetées sont d'ores et déjà faussées puisqu'on n'a rien fait pour en garantir le succès. On n'a rien préparé. Il aurait fallu d'abord créer les conditions idoines qui puissent favoriser la liberté de la presse. C'est à la presse qu'échoit la mission de vérifier si les élus méritent la confiance des citoyens. Or aujourd'hui, cette presse comme tous les autres pouvoirs d'ailleurs se trouvent encore sous la coupe des orphelins de Ben Ali, en d'autres termes sous la coupe du même système. J'ai un mépris incommensurable pour ceux qu'on désigne sous l'épithète de journalistes tunisiens parce qu'ils n'ont jamais été journalistes. Si en Algérie on avait tué des journalistes, en Tunisie, on a tué le métier. Le métier n'existe plus, il a été frappé au napalm. C'est dire que les élections de l'assemblée constituante sont l'aboutissement d'une révolution trahie. Les autorités font cela pour sortir de l'engrenage, de la situation de non-droit et de non-légitimité. Ben Ali avait hérité du système bourguibien. Il en a fait un régime à triple base (des 3 P) (Parti, Pègre et Police). Ce système est dominé par les lobbys d'argent. Il y a un lobby djerbien, sfaxien, sahélien, tunisois et même un lobby d'outre-mer. La ville de Metlaoui vient d'être le théâtre d'affrontements sanglants dont on dit qu'ils sont d'origine tribale. Quel est votre commentaire ? Ecoutez, là où il y a de la pauvreté, il y a crime. Il faudrait aller dans ces localités pour voir l'étendue de la détresse qu'endurent ces gens. Ils sont enfermés dans des ghettos au-delà de la folie. Je me demande comment ils font pour ne pas devenir harragas et comment ils ont fait pour éviter de s'entretuer. Quelles peuvent être les raisons qui les retiennent dans ces villes tristes, mornes et aliénantes ? Je me le demande encore. Est-ce que, selon vous, l'islamisme constitue une menace pour la Tunisie sachant qu'Ennahda figure parmi les partis qui participent aux élections du 23 octobre ? L'islamisme, je ne veux même pas en parler. Je crois qu'ils font tout pour gonfler la bulle dans le but d'épouvanter les gens. On est en train de leur dire choisissez entre nous et eux. Ils ignorent que le Tunisien du XXIème siècle n'est plus le Tunisien des années 80. Le Tunisien d'aujourd'hui aspire à la liberté et à la dignité. Ce n'est pas l'intégrisme et tous les autres «ismes» qui peuvent lui offrir cette liberté tant souhaitée et rêvée. Le Tunisien, quitte à demeurer pauvre, veut être libre et en même temps fier. Rencontré par un heureux hasard à l'hôtel Africa de Tunis, le journaliste tunisien Taoufik Ben Brik a bien voulu répondre à nos questions. Midi Libre : Où en est la révolution tunisienne ? Taoufik Ben Brik : Je vous invite à revoir une nouvelle fois le film Il était une fois la révolution tourné sur une musique d‘Ennio Morricone. La révolution tunisienne a été confisquée et trahie dès les premiers jours. Disons que la chute de Ben Ali n'a pas été voulue seulement par le peuple, mais également par le système lui-même. Après 23 ans de règne sans partage, Ben Ali est devenu le problème, il est devenu un grain de sable qui a fait grincer le mécanisme qui préside au fonctionnement du système. Pour s'en débarrasser, il fallait l'apport de la rue. Cette rue a aidé le système qui repose, il faut le dire ,sur 5 socles : l'argent, la baïonnette, l'administration, Ben Ali et les médias. Mais en se débarrassant de Ben Ali, le système s'est retrouvé face à la fronde de la rue qui a mué en caillou alors que Ben Ali n'était qu'un grain de sable. Nous avons aujourd'hui un gouvernement qui ne gouverne pas. Il faut juste aller en dehors de la périphérie de Tunis pour se rendre compte que le gouvernement n'existe pas. Pensez-vous que les élections de l'assemblée constituante prévues pour le 23 octobre prochain pourraient chambouler la carte politique de la Tunisie ? A mon sens, il faut d'abord se poser la question de savoir si vraiment nous avons une carte politique. Au fait, les élections projetées sont d'ores et déjà faussées puisqu'on n'a rien fait pour en garantir le succès. On n'a rien préparé. Il aurait fallu d'abord créer les conditions idoines qui puissent favoriser la liberté de la presse. C'est à la presse qu'échoit la mission de vérifier si les élus méritent la confiance des citoyens. Or aujourd'hui, cette presse comme tous les autres pouvoirs d'ailleurs se trouvent encore sous la coupe des orphelins de Ben Ali, en d'autres termes sous la coupe du même système. J'ai un mépris incommensurable pour ceux qu'on désigne sous l'épithète de journalistes tunisiens parce qu'ils n'ont jamais été journalistes. Si en Algérie on avait tué des journalistes, en Tunisie, on a tué le métier. Le métier n'existe plus, il a été frappé au napalm. C'est dire que les élections de l'assemblée constituante sont l'aboutissement d'une révolution trahie. Les autorités font cela pour sortir de l'engrenage, de la situation de non-droit et de non-légitimité. Ben Ali avait hérité du système bourguibien. Il en a fait un régime à triple base (des 3 P) (Parti, Pègre et Police). Ce système est dominé par les lobbys d'argent. Il y a un lobby djerbien, sfaxien, sahélien, tunisois et même un lobby d'outre-mer. La ville de Metlaoui vient d'être le théâtre d'affrontements sanglants dont on dit qu'ils sont d'origine tribale. Quel est votre commentaire ? Ecoutez, là où il y a de la pauvreté, il y a crime. Il faudrait aller dans ces localités pour voir l'étendue de la détresse qu'endurent ces gens. Ils sont enfermés dans des ghettos au-delà de la folie. Je me demande comment ils font pour ne pas devenir harragas et comment ils ont fait pour éviter de s'entretuer. Quelles peuvent être les raisons qui les retiennent dans ces villes tristes, mornes et aliénantes ? Je me le demande encore. Est-ce que, selon vous, l'islamisme constitue une menace pour la Tunisie sachant qu'Ennahda figure parmi les partis qui participent aux élections du 23 octobre ? L'islamisme, je ne veux même pas en parler. Je crois qu'ils font tout pour gonfler la bulle dans le but d'épouvanter les gens. On est en train de leur dire choisissez entre nous et eux. Ils ignorent que le Tunisien du XXIème siècle n'est plus le Tunisien des années 80. Le Tunisien d'aujourd'hui aspire à la liberté et à la dignité. Ce n'est pas l'intégrisme et tous les autres «ismes» qui peuvent lui offrir cette liberté tant souhaitée et rêvée. Le Tunisien, quitte à demeurer pauvre, veut être libre et en même temps fier.