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Tant qu'il y aura des naïfs…
Escroquerie
Publié dans Le Midi Libre le 28 - 09 - 2011

Youcef, 58 ans, s'apprêtait à servir un gamin d'une dizaine d'années lorsqu'il vit s'arrêter devant sa boutique d'alimentation générale, une grosse voiture noire flambant neuve. Un homme d'une quarantaine d'années en descendit. Il portait un costume qui avait l'air d'être aussi neuf que sa voiture et dont la couleur avait l'air de passer du noir au gris clair et au gris foncé, selon l'angle d'où on le regardait.
Youcef, 58 ans, s'apprêtait à servir un gamin d'une dizaine d'années lorsqu'il vit s'arrêter devant sa boutique d'alimentation générale, une grosse voiture noire flambant neuve. Un homme d'une quarantaine d'années en descendit. Il portait un costume qui avait l'air d'être aussi neuf que sa voiture et dont la couleur avait l'air de passer du noir au gris clair et au gris foncé, selon l'angle d'où on le regardait.
Quand il posa ses pieds sur le sol de la boutique, le quinquagénaire jeta un coup d'œil vers le bas, ce qui lui permit de voir qu'il portait des chaussures noires si bien cirées qu'il aurait pu s'y mirer. Bref, le nouveau venu était si élégant qu'on l'aurait facilement pris pour un ministre en déplacement officiel. Yousef était si ébloui par cette « apparition » qu'il oublia le gamin qu'il était sur le point de servir ainsi que celui qui se trouvait juste derrière lui. Il était, aussi, heureux que ce client soit entré dans sa boutique parce qu'il aurait pu aller chez un de ses concurrents se trouvant à une centaine de mètres de là. Il se dit alors qu'il devait l'accueillir et le servir comme il fallait pour en faire un fidèle client.
- Soyez le bienvenu, mon frère ! Soyez le bienvenu... Que puis-je faire pour
vous ?
- C'est gentil de vouloir vous occuper de moi avant tout le monde mais s'il vous plait, occupez-vous d'abord de ces deux gosses… S'ils tardent à retourner chez eux, leurs mamans pourraient s'inquiéter.
- Oui, oui, vous avez raison, mon frère.
Youcef servit les deux gamins. L'un voulait acheter une boîte de tomates en conserve et le second un sachet de petit-lait. Les deux gamins partis, Youcef se tourna vers le client et celui-ci lui dit :
- Vous voyez ? Vous n'avez pas eu besoin de plus d'une minute pour servir ces deux petits, alors qu'avec moi vous en aurez au moins pour un quart d'heure…
- Bienvenue, bienvenue, mon frère…
Effectivement, ce n'est qu'au bout de quinze minutes que Yousef finit de servir le client. Un client qui s'avéra plus qu'intéressant puisqu'il déboursa plus de 15.000 DA. Youcef était aux anges ! Mais son visage s'assombrit aussitôt lorsque l'autre lui dit :
- Vous n'avez pas de camionnette pour livrer à vos clients ce qu'ils achètent ?
- Euh… non…
- Ah ! mais c'est un tort… Mon frère… Il y a beaucoup d'épiciers qui proposent ce service maintenant…
- Je sais, je sais…je voulais acheter une camionnette mais dès que j'en ai pris la décision, la loi sur la suppression des ventes par facilité est tombée. Je n'ai pas de chance…
- Ah ! non mon frère, il ne faut pas dire ça… vous voulez acheter une voiture par facilité ?
- Mais cette procédure n'existe plus…
- Je sais, mais je vais voir ce que je peux faire pour vous…
- Vous pouvez m'avoir un véhicule par facilité ?
- Oui, bien sûr…je vais voir ce que je peux faire pour vous, je vous dis… j'ai de nombreux amis bien placés… y compris dans (Eddaoula) …je vais essayer de trouver quelqu'un qui nous règlera cela rapidement… Aujourd'hui, je suis pressé, mon frère, mais demain, sans faute, je repasse dans le quartier et je vous dirai ce qu'il y lieu de faire.
- Je ne sais pas comment vous remercier, mon frère….
- Ne me remerciez pas… moi, c'est Dieu qui me remerciera un jour s'il trouve juste ce que j'ai accompli… pour le reste, ne dit-on pas « fais le bien et oublie-le » ?
- C'est vrai…
Youcef aida le client à charger ses achats dans le coffre de sa voiture et celui-ci au moment de s'en aller lui demanda :
- Tu fermes à quelle heure ?
-10h du soir !
- C'est très bien… Demain, je passerai, si nous sommes toujours de ce monde, mais après 19h…
-Comme vous voulez mon frère…Moi, je suis là jusqu'à 22h… Au-delà, les rues d'Aïn Bénian sont vides et elles peuvent être dangereuses…
Dès que Youcef fut rentré chez lui, il annonça à sa femme et ses enfants que Dieu lui avait envoyé quelqu'un qui lui permettrait de régler le problème du véhicule utilitaire. Son épouse haussa les épaules et lui répliqua qu'il ferait mieux de trouver quelqu'un qui lui règle son problème de logement.
-Tu crois que nous sommes heureux en vivant à quinze dans un F3 ?
- Je sais, je sais… essayons d'abord de nous procurer cette camionnette ensuite on verra.
Le lendemain, la journée s'écoula lentement. Le soleil se coucha sans que l'inconnu à l'allure de ministre ne se manifeste de nouveau. Mais à 21h15, alors que Youcef était convaincu d'avoir eu affaire à un cinglé, la grosse voiture s'arrêta devant l'épicerie. Youcef avait senti comme une main salutaire l'extirpant d'un gouffre sans fond… il était venu, enfin !…Avec la même voiture mais avec un autre costume tout en étant aussi élégant que la vieille.
Après les salutations d'usage, l'homme tendit à Youcef une chemise en carton contenant des documents administratifs.
-Voilà, mon frère, vous avez de la chance. Parmi mes relations, j'ai trouvé quatre personnes qui peuvent vous aider à acquérir un véhicule utilitaire… Je vous ai ramené des documents à remplir ainsi qu'une liste de papiers à remplir… entre autres une copie de votre registre de commerce ainsi qu'une copie du bilan fiscal de l'année dernière. Les gens qui vous feront crédit doivent savoir si vous êtes en mesure de les payer…
- C'est juste…
Soudain, le téléphone de l'inconnu sonna et celui-ci s'énerva et marmonna:
- Maudit téléphone qui sonne toujours au moment où on a les mains occupées !
En cherchant après son téléphone, quelques feuilles lui glissèrent des mains, et Youcef se dépêcha de les ramasser presque obséquieusement. Dans sa précipitation - ou prétendue précipitation - l'inconnu actionna le haut-parleur de son téléphone mobile, ce qui permit à Youcef d'entendre la conversation.
Une voix d'homme avait dit:
- Bonsoir, mon colonel… excusez-moi de vous déranger mais dès que je suis rentré, ma mère m'a montré la décision du wali ainsi que les clefs… rabbi yaatik ma tatmenna ! (que Dieu exauce tous
tes désirs !) Merci mon colonel, merci…
- Docteur, je vous ai déjà dit de m'appeler Ammar…
- Oh ! Excusez-moi, mon colonel… euh… Ammar…
- Dis-moi… il a combien de pièces l'appartement qu'on t'a donné ?
- Cinq pièces… khir ou baraka…
- Allez au revoir, docteur, et embrasse el Hadja !
L'homme cacha son portable et donna quelques explications.
- C'est un jeune médecin qui vient de m'appeler. Son père était mon prof autrefois au lycée…J'ai vu son père dernièrement au cours d'une fête familiale et il m'a parlé de son fils qui veut se marier mais qui n'a pas de logement… voilà, le problème est réglé…Vous savez, mon frère, le problème du logement est plus facile à régler pour moi que celui des véhicules… avec toutes ces histoires de délais de livraisons et de ces concessionnaires qui ont peur de ne pas être payés... Alors que pour le logement, c'est très facile…Je vois quelqu'un de bien placé… un dessous de table par-ci, par là et le problème est réglé… Ce jeune médecin vient d'obtenir un F5 en déboursant uniquement 50 millions de centimes ! Incroyable, hein ?
-Euh… Monsieur Ammar…Vous vous appelez Ammar, d'après ce que j'ai entendu ?
- Oui
- M .Ammar, s'il est plus facile pour vous de m'obtenir un logement… je préfère le logement…
- Sans problème, mais là, il faut payer… 50 millions…
-Pour avoir un F5 ?
- Ce médecin a de la chance… Pour vous, je ne sais pas…Vous pouvez avoir pour cette somme un F5, comme vous pouvez avoir un F4 ou un F3…
- De toutes les manières, même un F3 pour cette somme c'est extraordinaire. C'est fabuleux ! C'est ma femme qui sera heureuse !
Deux jours plus tard, Youcef donna 50 millions à Ammar. Et quand celui-ci était repassé pour lui dire qu'il avait transmis son dossier à qui de droit, Youcef lui remit cent autres millions appartenant à son frère et à un cousin qui voulaient aussi des logements. Ammar, prit l'argent mais difficilement parce que selon ses dires il ne voulait pas trop importuner le responsable de la wilaya qui signaient les arrêtés d'attribution.
Puis, l'homme cessa de passer. Youcef attendit un mois, deux mois et toujours rien. Au bout de six mois, c'est-à-dire il y a une quinzaine de jours, il se rendit au poste de police d'Aïn Bénian, où on lui annonça l'arrestation d'un escroc d'une quarantaine d'années qui se promenait à bord de voitures de location et qui prenait de l'argent aux naïfs comme lui, en leur promettant des logements, des locaux, des voitures à crédit et des lots de terrains à très bas prix.
Son procès aura lieu bientôt au tribunal d'Alger ou de Baïnem.
Quand il posa ses pieds sur le sol de la boutique, le quinquagénaire jeta un coup d'œil vers le bas, ce qui lui permit de voir qu'il portait des chaussures noires si bien cirées qu'il aurait pu s'y mirer. Bref, le nouveau venu était si élégant qu'on l'aurait facilement pris pour un ministre en déplacement officiel. Yousef était si ébloui par cette « apparition » qu'il oublia le gamin qu'il était sur le point de servir ainsi que celui qui se trouvait juste derrière lui. Il était, aussi, heureux que ce client soit entré dans sa boutique parce qu'il aurait pu aller chez un de ses concurrents se trouvant à une centaine de mètres de là. Il se dit alors qu'il devait l'accueillir et le servir comme il fallait pour en faire un fidèle client.
- Soyez le bienvenu, mon frère ! Soyez le bienvenu... Que puis-je faire pour
vous ?
- C'est gentil de vouloir vous occuper de moi avant tout le monde mais s'il vous plait, occupez-vous d'abord de ces deux gosses… S'ils tardent à retourner chez eux, leurs mamans pourraient s'inquiéter.
- Oui, oui, vous avez raison, mon frère.
Youcef servit les deux gamins. L'un voulait acheter une boîte de tomates en conserve et le second un sachet de petit-lait. Les deux gamins partis, Youcef se tourna vers le client et celui-ci lui dit :
- Vous voyez ? Vous n'avez pas eu besoin de plus d'une minute pour servir ces deux petits, alors qu'avec moi vous en aurez au moins pour un quart d'heure…
- Bienvenue, bienvenue, mon frère…
Effectivement, ce n'est qu'au bout de quinze minutes que Yousef finit de servir le client. Un client qui s'avéra plus qu'intéressant puisqu'il déboursa plus de 15.000 DA. Youcef était aux anges ! Mais son visage s'assombrit aussitôt lorsque l'autre lui dit :
- Vous n'avez pas de camionnette pour livrer à vos clients ce qu'ils achètent ?
- Euh… non…
- Ah ! mais c'est un tort… Mon frère… Il y a beaucoup d'épiciers qui proposent ce service maintenant…
- Je sais, je sais…je voulais acheter une camionnette mais dès que j'en ai pris la décision, la loi sur la suppression des ventes par facilité est tombée. Je n'ai pas de chance…
- Ah ! non mon frère, il ne faut pas dire ça… vous voulez acheter une voiture par facilité ?
- Mais cette procédure n'existe plus…
- Je sais, mais je vais voir ce que je peux faire pour vous…
- Vous pouvez m'avoir un véhicule par facilité ?
- Oui, bien sûr…je vais voir ce que je peux faire pour vous, je vous dis… j'ai de nombreux amis bien placés… y compris dans (Eddaoula) …je vais essayer de trouver quelqu'un qui nous règlera cela rapidement… Aujourd'hui, je suis pressé, mon frère, mais demain, sans faute, je repasse dans le quartier et je vous dirai ce qu'il y lieu de faire.
- Je ne sais pas comment vous remercier, mon frère….
- Ne me remerciez pas… moi, c'est Dieu qui me remerciera un jour s'il trouve juste ce que j'ai accompli… pour le reste, ne dit-on pas « fais le bien et oublie-le » ?
- C'est vrai…
Youcef aida le client à charger ses achats dans le coffre de sa voiture et celui-ci au moment de s'en aller lui demanda :
- Tu fermes à quelle heure ?
-10h du soir !
- C'est très bien… Demain, je passerai, si nous sommes toujours de ce monde, mais après 19h…
-Comme vous voulez mon frère…Moi, je suis là jusqu'à 22h… Au-delà, les rues d'Aïn Bénian sont vides et elles peuvent être dangereuses…
Dès que Youcef fut rentré chez lui, il annonça à sa femme et ses enfants que Dieu lui avait envoyé quelqu'un qui lui permettrait de régler le problème du véhicule utilitaire. Son épouse haussa les épaules et lui répliqua qu'il ferait mieux de trouver quelqu'un qui lui règle son problème de logement.
-Tu crois que nous sommes heureux en vivant à quinze dans un F3 ?
- Je sais, je sais… essayons d'abord de nous procurer cette camionnette ensuite on verra.
Le lendemain, la journée s'écoula lentement. Le soleil se coucha sans que l'inconnu à l'allure de ministre ne se manifeste de nouveau. Mais à 21h15, alors que Youcef était convaincu d'avoir eu affaire à un cinglé, la grosse voiture s'arrêta devant l'épicerie. Youcef avait senti comme une main salutaire l'extirpant d'un gouffre sans fond… il était venu, enfin !…Avec la même voiture mais avec un autre costume tout en étant aussi élégant que la vieille.
Après les salutations d'usage, l'homme tendit à Youcef une chemise en carton contenant des documents administratifs.
-Voilà, mon frère, vous avez de la chance. Parmi mes relations, j'ai trouvé quatre personnes qui peuvent vous aider à acquérir un véhicule utilitaire… Je vous ai ramené des documents à remplir ainsi qu'une liste de papiers à remplir… entre autres une copie de votre registre de commerce ainsi qu'une copie du bilan fiscal de l'année dernière. Les gens qui vous feront crédit doivent savoir si vous êtes en mesure de les payer…
- C'est juste…
Soudain, le téléphone de l'inconnu sonna et celui-ci s'énerva et marmonna:
- Maudit téléphone qui sonne toujours au moment où on a les mains occupées !
En cherchant après son téléphone, quelques feuilles lui glissèrent des mains, et Youcef se dépêcha de les ramasser presque obséquieusement. Dans sa précipitation - ou prétendue précipitation - l'inconnu actionna le haut-parleur de son téléphone mobile, ce qui permit à Youcef d'entendre la conversation.
Une voix d'homme avait dit:
- Bonsoir, mon colonel… excusez-moi de vous déranger mais dès que je suis rentré, ma mère m'a montré la décision du wali ainsi que les clefs… rabbi yaatik ma tatmenna ! (que Dieu exauce tous
tes désirs !) Merci mon colonel, merci…
- Docteur, je vous ai déjà dit de m'appeler Ammar…
- Oh ! Excusez-moi, mon colonel… euh… Ammar…
- Dis-moi… il a combien de pièces l'appartement qu'on t'a donné ?
- Cinq pièces… khir ou baraka…
- Allez au revoir, docteur, et embrasse el Hadja !
L'homme cacha son portable et donna quelques explications.
- C'est un jeune médecin qui vient de m'appeler. Son père était mon prof autrefois au lycée…J'ai vu son père dernièrement au cours d'une fête familiale et il m'a parlé de son fils qui veut se marier mais qui n'a pas de logement… voilà, le problème est réglé…Vous savez, mon frère, le problème du logement est plus facile à régler pour moi que celui des véhicules… avec toutes ces histoires de délais de livraisons et de ces concessionnaires qui ont peur de ne pas être payés... Alors que pour le logement, c'est très facile…Je vois quelqu'un de bien placé… un dessous de table par-ci, par là et le problème est réglé… Ce jeune médecin vient d'obtenir un F5 en déboursant uniquement 50 millions de centimes ! Incroyable, hein ?
-Euh… Monsieur Ammar…Vous vous appelez Ammar, d'après ce que j'ai entendu ?
- Oui
- M .Ammar, s'il est plus facile pour vous de m'obtenir un logement… je préfère le logement…
- Sans problème, mais là, il faut payer… 50 millions…
-Pour avoir un F5 ?
- Ce médecin a de la chance… Pour vous, je ne sais pas…Vous pouvez avoir pour cette somme un F5, comme vous pouvez avoir un F4 ou un F3…
- De toutes les manières, même un F3 pour cette somme c'est extraordinaire. C'est fabuleux ! C'est ma femme qui sera heureuse !
Deux jours plus tard, Youcef donna 50 millions à Ammar. Et quand celui-ci était repassé pour lui dire qu'il avait transmis son dossier à qui de droit, Youcef lui remit cent autres millions appartenant à son frère et à un cousin qui voulaient aussi des logements. Ammar, prit l'argent mais difficilement parce que selon ses dires il ne voulait pas trop importuner le responsable de la wilaya qui signaient les arrêtés d'attribution.
Puis, l'homme cessa de passer. Youcef attendit un mois, deux mois et toujours rien. Au bout de six mois, c'est-à-dire il y a une quinzaine de jours, il se rendit au poste de police d'Aïn Bénian, où on lui annonça l'arrestation d'un escroc d'une quarantaine d'années qui se promenait à bord de voitures de location et qui prenait de l'argent aux naïfs comme lui, en leur promettant des logements, des locaux, des voitures à crédit et des lots de terrains à très bas prix.
Son procès aura lieu bientôt au tribunal d'Alger ou de Baïnem.


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