Cherfa souligne le rôle des foires et salons dans l'exportation des produits agricoles à l'étranger    Affaires religieuses: Belmehdi procède au lancement du portail des services électroniques    MENA: Le CSJ prend part à la Conférence régionale des jeunes sur le changement climatique à Amman    Une délégation du CNASPS bientôt au siège des Nations unies pour plaider la cause sahraouie    Sonatrach récompense les athlètes médaillés lors des Jeux Paralympiques-2024    Sport universitaire: ouverture de la première rencontre nationale des associations sportives universitaires    Mostaganem: créer des passerelles d'échange d'expériences pour développer des produits de l'argan    Oran: lancement des travaux d'urgence pour la restauration du Palais du Bey dans les brefs délais    Le rapprochement de l'administration du citoyen est une "réalité tangible"    Le président du Kazakhstan félicite le président de la République pour sa réélection pour un second mandat    Le Premier ministre pakistanais félicite le président de la République pour sa réélection    Ghaza: le bilan de l'agression sioniste s'alourdit à 41.788 martyrs et 96.794 blessés    Pluies orageuses sur plusieurs wilayas du nord à partir de jeudi    Constantine: inauguration du lycée régional de mathématiques    Accidents/zones urbaines: 14 morts et 455 blessés en une semaine    CAN-2025: une liste de 26 joueurs pour la double confrontation face au Togo dévoilée    Ghaza: plusieurs martyrs et blessés dans des bombardements de l'armée sioniste    Ligue 1 Mobilis : L'entraîneur de l'ASO Chlef Samir Zaoui suspendu un mois    Festival international d'Oran du film arabe: 18 documentaires longs et courts métrages en compétition    La narration assumée de l'histoire constitue un "socle référentiel" pour les générations    L'Algérie met en garde contre les plans israéliens    Renfort vaccinal général pour la population du Grand-Sud    «L'Algérie, une boussole dans la réalisation des infrastructures énergétiques en Afrique»    Une délégation du Conseil de la nation participe à la 4e partie de la session ordinaire 2024    De Mistura en visite, jeudi, aux camps des réfugiés sahraouis    Les Verts pour un sans-faute face au Togo    Décès de l'ancien président du MC Oran Mohamed Brahim Mehadji    Nettoyage et embellissement    Les impacts entre 2025/2030/2050 des politiques de la transition énergétique seront déterminantes    Le Président iranien promet une réponse décisive au régime sioniste    L'intelligence artificielle, un allié pour les journalistes    Scarthin Books à Cromford, antre du livre en pleine campagne    Ouverture du premier atelier national sur l'actualisation de la liste indicative    La création de l'Etat-nation algérien au fondement de l'islamisme (II)    Audience Le président du CSJ reçoit une délégation du groupe de la Banque islamique de développement    Chefs d'Etat et dirigeants du monde continuent de le féliciter    L'Algérie happée par le maelström malien    Un jour ou l'autre.    En Algérie, la Cour constitutionnelle double, sans convaincre, le nombre de votants à la présidentielle    Tunisie. Une élection sans opposition pour Kaïs Saïed    Algérie : l'inquiétant fossé entre le régime et la population    BOUSBAA بوصبع : VICTIME OU COUPABLE ?    Des casernes au parlement : Naviguer les difficiles chemins de la gouvernance civile en Algérie    Les larmes de Imane    Algérie assoiffée : Une nation riche en pétrole, perdue dans le désert de ses priorités    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    Pôle urbain Ahmed Zabana: Ouverture prochaine d'une classe pour enfants trisomiques    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



"Ces massacres étaient un crime contre l'humanité"
Trois questions à l'historien Jean-Luc Einaudi
Publié dans Le Midi Libre le 17 - 10 - 2012

L‘historien Jean-Luc Einaudi revient, dans un entretien à l‘APS, sur la manifestation réprimée dans le sang des Algériens le 17 octobre 1961 à Paris, qualifiant les massacres de crime contre l‘humanité et posant encore une fois la question du caractère injuste de la guerre menée par l‘Etat français et des crimes innombrables qui l‘ont accompagnée.
Une chasse à l‘homme sanglante a été déclenchée contre les Algériens
qui avaient bravé le couvre-feu qui leur a été imposé le 5 octobre 1961 à Paris.
Le 17 octobre et même les jours d‘après (comme vous le précisez dans vos écrits) des massacres ont eu lieu (un représentant de l‘ancienne Fédération de France du FLN dans un récent entretien à l‘APS parlait de 300 à 400 morts). Dans leurs divers récits et recueils de témoignages, des historiens parlent de pogrom.
Peut-on, selon vous, parler de crime contre l‘humanité ?
R : A de nombreuses occasions, et notamment à l‘issue du procès que m‘avait intenté Maurice Papon (Préfet de police en 1961), en février 1999, j‘ai déclaré que je considérais que les crimes commis le 17 octobre 1961 et durant cette période par des fonctionnaires de police et de gendarmerie relevaient du crime contre l‘humanité car les personnes qui ont été raflées, tuées, noyées, victimes
de violences, l‘ont été en fonction de leur appartenance réelle ou supposée à une communauté humaine, celle des Algériens. Les critères mis en œuvre pour définir cette appartenance réelle ou supposée étaient ceux de l‘apparence physique,
c‘est-à-dire des critères racistes, censés être caractéristiques de l‘Algérien.
Ont été victimes non seulement des manifestants ou des personnes ayant l‘intention de manifester mais aussi des personnes qui ne manifestaient pas, désignées en fonction de leur apparence physique. Le caractère sauvage qu‘a pris le déchaînement de violence policière s‘explique, à mon avis, par la haine raciale, enracinée dans la domination coloniale et exacerbée par la guerre menée par l‘Etat français
contre la lutte d‘indépendance algérienne.
En dépit du changement d‘acteurs politiques en France (retour de la gauche aux commandes), les faits coloniaux dont le massacre du 17 octobre 1961, demeurent non reconnus et, du coup, impunis. Qu‘est-ce qui fait, à votre sens, que les plus hautes autorités de la République continuent dans
le déni ?
R : Le 17 octobre 2011, au Pont de Clichy, le candidat à la présidence de la République française, François Hollande, s‘est publiquement engagé à reconnaître le crime du 17 octobre 1961 s‘il était élu. Il est maintenant président de la République française. J‘attends donc qu‘il tienne parole. Cependant,
je n‘ignore pas qu‘il existe des forces qui demeurent hostiles à une telle reconnaissance.
Par-delà le 17 octobre 1961 se pose la question du caractère injuste
de la guerre menée par l‘Etat français et des crimes innombrables qui l‘ont accompagnée.
A cet égard, je rappellerai notamment ces crimes qu‘ont constituées les exécutions capitales de combattants algériens condamnés à mort par des tribunaux français.
Le ministre de la Justice de 1956-57, François Mitterrand, porte aux yeux de l‘histoire
la responsabilité indélébile d‘avoir fait procéder aux premières exécutions capitales.
On croit savoir qu‘une proposition de loi a été déposée au Sénat et qu‘un groupe de parlementaires de gauche à l‘Assemblée aurait fait de même, pour faire reconnaître ce crime colonial. Une loi mémorielle serait-elle à même de réparer le préjudice colonial ? L‘idéal ne serait-t-il pas de confier le dossier aux seuls historiens ?
R : En ce qui me concerne, je ne suis favorable ni à une loi mémorielle concernant les crimes du colonialisme français à l‘égard du peuple algérien ni au fait de s‘en remettre aux seuls historiens. Je considère que ce n‘est pas à l‘Etat
d‘écrire l‘histoire car elle devient alors histoire officielle, ce qui est contraire à la nécessaire liberté de recherche, d‘expression et de confrontation. Dans le même temps, je considère que comme le disait mon ami, le grand historien
Pierre Vidal-Naquet : l‘Histoire est une chose trop sérieuse pour la laisser aux seuls historiens. Il est, selon moi, de la responsabilité de tout citoyen de chercher à savoir puis à faire savoir ce qui a été commis en son nom.
L‘historien Jean-Luc Einaudi revient, dans un entretien à l‘APS, sur la manifestation réprimée dans le sang des Algériens le 17 octobre 1961 à Paris, qualifiant les massacres de crime contre l‘humanité et posant encore une fois la question du caractère injuste de la guerre menée par l‘Etat français et des crimes innombrables qui l‘ont accompagnée.
Une chasse à l‘homme sanglante a été déclenchée contre les Algériens
qui avaient bravé le couvre-feu qui leur a été imposé le 5 octobre 1961 à Paris.
Le 17 octobre et même les jours d‘après (comme vous le précisez dans vos écrits) des massacres ont eu lieu (un représentant de l‘ancienne Fédération de France du FLN dans un récent entretien à l‘APS parlait de 300 à 400 morts). Dans leurs divers récits et recueils de témoignages, des historiens parlent de pogrom.
Peut-on, selon vous, parler de crime contre l‘humanité ?
R : A de nombreuses occasions, et notamment à l‘issue du procès que m‘avait intenté Maurice Papon (Préfet de police en 1961), en février 1999, j‘ai déclaré que je considérais que les crimes commis le 17 octobre 1961 et durant cette période par des fonctionnaires de police et de gendarmerie relevaient du crime contre l‘humanité car les personnes qui ont été raflées, tuées, noyées, victimes
de violences, l‘ont été en fonction de leur appartenance réelle ou supposée à une communauté humaine, celle des Algériens. Les critères mis en œuvre pour définir cette appartenance réelle ou supposée étaient ceux de l‘apparence physique,
c‘est-à-dire des critères racistes, censés être caractéristiques de l‘Algérien.
Ont été victimes non seulement des manifestants ou des personnes ayant l‘intention de manifester mais aussi des personnes qui ne manifestaient pas, désignées en fonction de leur apparence physique. Le caractère sauvage qu‘a pris le déchaînement de violence policière s‘explique, à mon avis, par la haine raciale, enracinée dans la domination coloniale et exacerbée par la guerre menée par l‘Etat français
contre la lutte d‘indépendance algérienne.
En dépit du changement d‘acteurs politiques en France (retour de la gauche aux commandes), les faits coloniaux dont le massacre du 17 octobre 1961, demeurent non reconnus et, du coup, impunis. Qu‘est-ce qui fait, à votre sens, que les plus hautes autorités de la République continuent dans
le déni ?
R : Le 17 octobre 2011, au Pont de Clichy, le candidat à la présidence de la République française, François Hollande, s‘est publiquement engagé à reconnaître le crime du 17 octobre 1961 s‘il était élu. Il est maintenant président de la République française. J‘attends donc qu‘il tienne parole. Cependant,
je n‘ignore pas qu‘il existe des forces qui demeurent hostiles à une telle reconnaissance.
Par-delà le 17 octobre 1961 se pose la question du caractère injuste
de la guerre menée par l‘Etat français et des crimes innombrables qui l‘ont accompagnée.
A cet égard, je rappellerai notamment ces crimes qu‘ont constituées les exécutions capitales de combattants algériens condamnés à mort par des tribunaux français.
Le ministre de la Justice de 1956-57, François Mitterrand, porte aux yeux de l‘histoire
la responsabilité indélébile d‘avoir fait procéder aux premières exécutions capitales.
On croit savoir qu‘une proposition de loi a été déposée au Sénat et qu‘un groupe de parlementaires de gauche à l‘Assemblée aurait fait de même, pour faire reconnaître ce crime colonial. Une loi mémorielle serait-elle à même de réparer le préjudice colonial ? L‘idéal ne serait-t-il pas de confier le dossier aux seuls historiens ?
R : En ce qui me concerne, je ne suis favorable ni à une loi mémorielle concernant les crimes du colonialisme français à l‘égard du peuple algérien ni au fait de s‘en remettre aux seuls historiens. Je considère que ce n‘est pas à l‘Etat
d‘écrire l‘histoire car elle devient alors histoire officielle, ce qui est contraire à la nécessaire liberté de recherche, d‘expression et de confrontation. Dans le même temps, je considère que comme le disait mon ami, le grand historien
Pierre Vidal-Naquet : l‘Histoire est une chose trop sérieuse pour la laisser aux seuls historiens. Il est, selon moi, de la responsabilité de tout citoyen de chercher à savoir puis à faire savoir ce qui a été commis en son nom.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.