L'universitaire et essayiste Benamar Mediène, spécialiste des arts et de la culture en Algérie, vient de signer son premier roman sous l'intitulé de Georges Bouqabrine, un récit mêlant biographie et implication du lecteur dans l'écriture même du roman tout en lui transmettant les angoisses et blocages de l'auteur. Après Kateb Yacine, le cœur entre les dents, une biographie romancée du dramaturge et Issiakhem, peintre, une monographie de M'hamed Issiakhem, Benamar Mediène publie chez Casbah éditions un roman à plusieurs niveaux de récit, sorti à l'occasion du 17e Sila (Salon international du livre d'Alger). Georges Bouqabrine —dont le titre renvoit directement à l'érudit Sidi M'hamed "Bouqabrine" (l'homme aux deux tombes) — élève Georges, un soldat du contingent mort en Algérie, au rang de saint lyrique fasciné par les mots et la langue française avec un "prétentieux soupçon de mystique". "Malik Youm", auteur fraîchement diplômé, qui veut écrire le livre de son ami Georges, est utilisé par Benamar Mediène pour étaler devant le lecteur toutes les angoisses et les incertitudes d'un auteur à l'œuvre. A travers Malik qui bloque souvent en écrivant son livre, Benamar Mediène transmet aux lecteurs les interrogations de l'auteur, tout en lui proposant une multitude d'hypothèses pour les justifier. Dans un style un peu particulier, l'auteur va jusqu'à tester les références littéraires des lecteurs tout en se souciant de leur réaction à chaque chapitre. En prétextant le livre de Georges, de père algérien et de mère française, l'auteur présente en réalité le livre de Malik Youm, un petit immigré "transplanté", dans les années 1940, des collines de l'ouest algérien dans la Charente (sud-ouest de la France) par son père, un ouvrier en sidérurgie aspirant à un avenir meilleur. Sans respecter l'ordre chronologique, le récit revient sur les péripéties du voyage d'une mère et de ses trois enfants ne comprenant pas pourquoi ils quittaient leur colline pour un ghetto d'ouvriers. Pour le jeune Malik, l'école française, perçue comme "la gueule du loup", représentait la rupture avec l'Algérie et le début de l'intégration par la langue : plus l'apprentissage de la langue française progressait, plus le fossé avec la mère, représentant l'Algérie, sa langue et ses traditions, se creusait. Dans un esprit très katébien, l'auteur met en avant à travers l'enfance de Malik le déchirement vécu par tous les enfants algériens scolarisés, en France ou en Algérie, à l'école française. Une fois adolescent, l'amitié qui lie Malik et Georges est une relation d'apprentissage linguistique et littéraire mais vécu sans distinction d'appartenance raciale ou religieuse malgré le choc que la rencontre aurait dû provoquer. Dans le personnage de Georges, amoureux des mots qui "jamais ne ligote sa pensée ni sa langue", on retrouve la perception que se fait l'auteur du poète et de l'artiste, "perturbateur, qui pense toujours mal, à côté ou contre". Cependant, le récit de l'apprentissage de la vie et de la langue est très vite ébranlé par la violence en 1956, une année de basculement durant laquelle Malik reçoit des nouvelles macabres de sa famille restée en Algérie victime de l'horreur coloniale, et Georges sa convocation à effectuer son service militaire en Algérie. Le récit qui avait commencé par la volonté de Malik d'écrire le "livre de Georges" aboutit au final sur l'écriture de la vie de Malik au miroir de celle de Georges. A la fin du roman, Malik arrive enfin à reconstituer les deux derniers jours de la vie de Georges dans les rangs de l'armée française en janvier 1960. Accusé, ainsi que son compagnon Sako, de collaborer avec les Algériens, Georges a été tué par des agents de la police militaire et son corps, jamais restitué à ses parents, jeté dans un ravin. A Rassma, un village algérien où servait Georges, l'auteur passe encore à un autre niveau de narration en revenant sur le destin de Sako, blessé mais pas mort, complice de Georges qui fournissait des chaussures aux résistants algériens et apprenait à lire à leurs enfants. Malik, retraçant les histoires du village, découvre la tombe de son ami, dont la dépouille a été mise en terre par les combattants algériens. Sans sépulture, les femmes de la région ont fait de cette tombe inconnue, celle de Georges, un marabout qu'elles visitent pour stimuler leur fécondité. Georges et Sako ont enterré leurs secrets, et Malik qui doit mettre en terre le souvenir de son ami, se retrouve avec deux sépultures anonymes et une nouvelle vocation de Georges. L'universitaire et essayiste Benamar Mediène, spécialiste des arts et de la culture en Algérie, vient de signer son premier roman sous l'intitulé de Georges Bouqabrine, un récit mêlant biographie et implication du lecteur dans l'écriture même du roman tout en lui transmettant les angoisses et blocages de l'auteur. Après Kateb Yacine, le cœur entre les dents, une biographie romancée du dramaturge et Issiakhem, peintre, une monographie de M'hamed Issiakhem, Benamar Mediène publie chez Casbah éditions un roman à plusieurs niveaux de récit, sorti à l'occasion du 17e Sila (Salon international du livre d'Alger). Georges Bouqabrine —dont le titre renvoit directement à l'érudit Sidi M'hamed "Bouqabrine" (l'homme aux deux tombes) — élève Georges, un soldat du contingent mort en Algérie, au rang de saint lyrique fasciné par les mots et la langue française avec un "prétentieux soupçon de mystique". "Malik Youm", auteur fraîchement diplômé, qui veut écrire le livre de son ami Georges, est utilisé par Benamar Mediène pour étaler devant le lecteur toutes les angoisses et les incertitudes d'un auteur à l'œuvre. A travers Malik qui bloque souvent en écrivant son livre, Benamar Mediène transmet aux lecteurs les interrogations de l'auteur, tout en lui proposant une multitude d'hypothèses pour les justifier. Dans un style un peu particulier, l'auteur va jusqu'à tester les références littéraires des lecteurs tout en se souciant de leur réaction à chaque chapitre. En prétextant le livre de Georges, de père algérien et de mère française, l'auteur présente en réalité le livre de Malik Youm, un petit immigré "transplanté", dans les années 1940, des collines de l'ouest algérien dans la Charente (sud-ouest de la France) par son père, un ouvrier en sidérurgie aspirant à un avenir meilleur. Sans respecter l'ordre chronologique, le récit revient sur les péripéties du voyage d'une mère et de ses trois enfants ne comprenant pas pourquoi ils quittaient leur colline pour un ghetto d'ouvriers. Pour le jeune Malik, l'école française, perçue comme "la gueule du loup", représentait la rupture avec l'Algérie et le début de l'intégration par la langue : plus l'apprentissage de la langue française progressait, plus le fossé avec la mère, représentant l'Algérie, sa langue et ses traditions, se creusait. Dans un esprit très katébien, l'auteur met en avant à travers l'enfance de Malik le déchirement vécu par tous les enfants algériens scolarisés, en France ou en Algérie, à l'école française. Une fois adolescent, l'amitié qui lie Malik et Georges est une relation d'apprentissage linguistique et littéraire mais vécu sans distinction d'appartenance raciale ou religieuse malgré le choc que la rencontre aurait dû provoquer. Dans le personnage de Georges, amoureux des mots qui "jamais ne ligote sa pensée ni sa langue", on retrouve la perception que se fait l'auteur du poète et de l'artiste, "perturbateur, qui pense toujours mal, à côté ou contre". Cependant, le récit de l'apprentissage de la vie et de la langue est très vite ébranlé par la violence en 1956, une année de basculement durant laquelle Malik reçoit des nouvelles macabres de sa famille restée en Algérie victime de l'horreur coloniale, et Georges sa convocation à effectuer son service militaire en Algérie. Le récit qui avait commencé par la volonté de Malik d'écrire le "livre de Georges" aboutit au final sur l'écriture de la vie de Malik au miroir de celle de Georges. A la fin du roman, Malik arrive enfin à reconstituer les deux derniers jours de la vie de Georges dans les rangs de l'armée française en janvier 1960. Accusé, ainsi que son compagnon Sako, de collaborer avec les Algériens, Georges a été tué par des agents de la police militaire et son corps, jamais restitué à ses parents, jeté dans un ravin. A Rassma, un village algérien où servait Georges, l'auteur passe encore à un autre niveau de narration en revenant sur le destin de Sako, blessé mais pas mort, complice de Georges qui fournissait des chaussures aux résistants algériens et apprenait à lire à leurs enfants. Malik, retraçant les histoires du village, découvre la tombe de son ami, dont la dépouille a été mise en terre par les combattants algériens. Sans sépulture, les femmes de la région ont fait de cette tombe inconnue, celle de Georges, un marabout qu'elles visitent pour stimuler leur fécondité. Georges et Sako ont enterré leurs secrets, et Malik qui doit mettre en terre le souvenir de son ami, se retrouve avec deux sépultures anonymes et une nouvelle vocation de Georges.