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Crise mondiale, pays émergents et Maghreb...
Publié dans Le Midi Libre le 18 - 02 - 2013

La mondialisation, processus historique complexe non encore achevé, est une réalité. Actuellement, l'argent, la technologie et les marchandises franchissent les frontières avec une rapidité et une facilité sans précédent et ce, aidés par la révolution dans les télécommunications, mettant fin à certains mythes d'économie dite «nationale». Comme cela remet en cause certaines catégories comptables qui ont une portée opératoire de plus en plus limitée comme la production intérieure brute (PIB), le taux d'épargne, le taux de chômage, la productivité dite nationale, comme si c'était un phénomène qui dépendait de la seule volonté des gouvernants internes.
La mondialisation, processus historique complexe non encore achevé, est une réalité. Actuellement, l'argent, la technologie et les marchandises franchissent les frontières avec une rapidité et une facilité sans précédent et ce, aidés par la révolution dans les télécommunications, mettant fin à certains mythes d'économie dite «nationale». Comme cela remet en cause certaines catégories comptables qui ont une portée opératoire de plus en plus limitée comme la production intérieure brute (PIB), le taux d'épargne, le taux de chômage, la productivité dite nationale, comme si c'était un phénomène qui dépendait de la seule volonté des gouvernants internes.
Nous assistons au passage successif de l'organisation dite tayloriste marquée par une intégration poussée, à l'organisation récente en réseaux tant au niveau militaire, gouvernemental qu'au niveau des firmes qui concentrent leur management stratégique sur trois segments : la recherche développement (cœur de la valeur ajoutée), le marketing et la communication et sous-traite l'ensemble des autres composants, avec des organisations de plus en plus oligopolistiques tissant des réseaux comme une toile d'araignée. L'adaptation à ces mutations explique que certains pays du Tiers-Monde dits pays émergents, comme en témoigne le passage du G8 au G20, qui tirent la locomotive de l'économie mondiale, se spécialisent de plus en plus dans ces segments nouveaux, préfigurant à l'horizon 2020 de profonds bouleversements géostratégiques recomposant le pouvoir économique mondial.
1- Qui sont les pays émergents ?
Antoine Van Agtmael, économiste néerlandais à la Société financière internationale (filiale de la Banque mondiale), est le premier à utiliser à l'expression "émergents" en 1981, au sujet de pays en voie de développement offrant des opportunités pour les investisseurs. On parle alors de "marchés émergents", le qualificatif s'appliquant par la suite aux économies de ces pays. L'appartenance à ce groupe n'est pas figée : les quatre dragons asiatiques, anciens pays émergents, font désormais partie du groupe des pays développés (bien que quelquefois encore classés comme «marchés émergents» pour certaines considérations financières). D'autre part, la situation de pays comme l'Argentine, ancien pays «riche», tout comme la situation très hétéroclite des pays dits du Sud ne contribuent pas à éclaircir de manière simple le concept d'«émergence». Le politicologue Ian Bremmer, dans un article devenu classique sur la gestion du risque dans un monde instable, paru en 2005 dans le Harvard Business Review, définissait les marchés émergents comme des pays où les questions politiques sont au moins aussi importantes que les facteurs économiques. En 2005, la banque d'affaires américaine Goldman Sachs introduit forge l'expression "BRIC" pour désigner le Brésil, la Russie, l'Inde et la Chine comme marchés émergents, auxquels elle ajoute onze économies, dont le Bangladesch, l'Egypte, la Hongrie, l'Iran, le Mexique, le Nigeria, le Pakistan, les Philippines, la Taïlande et la Turquie. Selon la Banque mondiale, les pays émergents sont des pays dont le PIB par habitant est inférieur à celui des pays développés mais qui connaissent une croissance économique rapide. La liste des pays auxquels s'applique ce terme varie selon les sources et selon les époques, en témoignent les divers acronymes définis pour les désigner : ainsi, le BRIC composé du Brésil, de la Russie, de la Chine et de l'Inde désigne les quatre principaux pays émergents qui sont susceptibles de jouer un rôle de premier plan dans l'économie mondiale dans un futur plus ou moins proche. Le BRICS est apparu en 2011 avec l'ajout de l'Afrique du Sud. Le BRICM est également invoqué pour prendre en compte le Mexique ou BRICI, l'Indonésie. Il y a également les membres du G20 représentés par les huit principaux pays industrialisés (qui appartiennent au G-8) : Etats-Unis, Japon, Allemagne, Royaume-Uni, France, Italie, Canada et la Russie, onze petits pays industrialisés ou pays émergents : Argentine, Australie, Brésil, Chine, Inde, Indonésie, Mexique, Arabie saoudite, Afrique du Sud, Corée du Sud, Turquie et l'Union européenne. Lors des sommets du G-20, les 19 pays membres sont représentés par les ministres des Finances et les directeurs des banques centrales. L'Union européenne est représentée par le Président du conseil et celui de la Banque centrale européenne (BCE). Ensemble, ces pays représentent les deux tiers du commerce et de la population mondiale et plus de 90% du produit mondial brut (somme des PIB de tous les pays du monde). En fin de compte se pose cette question stratégique : le produit intérieur brut peut-il être la seule référence lorsqu'on ignore la répartition du revenu à la fois régional, par secteurs et par catégories socioprofessionnelles. A quoi sert une richesse si une minorité accapare 80% au détriment de la majorité ? Comme il y a lieu, comme l'a montré le grand économiste polonais Kalecki dans un ouvrage de référence mondiale intitulé «La dynamique de la croissance», de différencier le salaire appliqué à la création de valeur dans le secteur économique du traitement (T) appliqué aux fonctionnaires qui constitue un transfert de valeur, encore que les travaux du Pnud sont plus fins à propos de l'indice du développement humain, les traitements de l'éducation et la santé contribuant à terme à la création de valeur.
2- La crise mondiale et le conflit entre pays développés et pays émergents
Ces conflits concernent les mesures protectionnistes direct et indirect expliquant le récent engouement des pays émergents pour la flexibilité du taux de change où des enquêtes empiriques montrent que la gestion du taux de change est le système de change dominant malgré les déclarations officielles. Très ouverts aux marchés internationaux de capitaux, les pays émergents adoptent ainsi la flexibilité de leur taux de change, pour parer à une inflation élevée, une dollarisation de la dette et à un système bancaire fragile. Le terme protectionnisme désigne les interventions des pouvoirs publics d'un Etat, dans le cadre de sa dite «politique commerciale», qui ont pour effet d'introduire des distorsions dans les échanges transfrontaliers. Le plus souvent, les actions protectionnistes visent à freiner les importations de biens et services et dans certains cas à soutenir les exportations. Les instruments du protectionnisme sont traditionnellement les tarifs douaniers, exprimés en pourcentage du prix des importations ou en unité monétaire par unité physique. Les quotas sont un autre instrument majeur du protectionnisme. Sous la forme de quotas tarifaires ou quantitatifs (comme les quotas européens envers les textiles chinois), ils peuvent aussi prendre la forme de «restrictions volontaires aux exportations» obtenues de la part d'un partenaire commercial à l'issue d'un accord. Les dépréciations monétaires volontaires (cas du yuan chinois par rapport à l'euro et le dollar) ou encore les normes techniques, sanitaires, environnementales et sociales sont également les instruments officiels ou moins officiels d'un certain protectionnisme. Les procédures d'appel d'offres qui privilégient les opérateurs nationaux constituent également une forme de protection, tout comme les subventions à la production de certaines activités. Les tensions commerciales sont «à leur niveau le plus haut depuis la crise de Lehman en 2009» et depuis juillet 2011. Selon les documents de l'OMC, le nombre de mesures protectionnistes dans le monde était passé de 220 en 2010 à 340 en 2011. Dans un récent rapport, l'Union européenne dénonce la hausse considérable des barrières protectionnistes, je cite «les pays du G20 qui ne respectent pas suffisamment leur engagement concernant la suppression des mesures en vigueur. Entre septembre 2011 et le 1er mai 2012, le démantèlement des mesures s'est ralenti : seules 13 mesures ont été abrogées, contre 40 entre octobre 2010 et septembre 2011. Dans l'ensemble, environ 17% des mesures seulement (soit 89 mesures) ont été levées jusqu'à présent ou ont expiré depuis octobre 2008». Selon ce rapport, trente ans après l'ouverture de la Chine aux investissements étrangers, les compagnies internationales se plaignent toujours de lois coûteuses, de règles avantageant leurs homologues locaux, un nationalisme croissant. Face à ce message, les pays émergents, dont la Chine, sont de plus en plus sceptiques quant aux vertus de la mondialisation, certaines grandes puissances souhaitant protéger leurs marchés. En effet, face au libre échange, les Etats-Unis ont également développé une attitude ambivalente en multipliant les aides aux secteurs en difficultés depuis 2009. Sans compter le fameux Buy American Act mis en place par Franklin Roosevelt, lors de la Grande Dépression de 1933 pour soutenir la production nationale qui impose au gouvernement fédéral l'achat de biens manufacturiers produits aux Etats-Unis. Ainsi, les Etats-Unis annoncent des taxes de 31 à 250% sur les panneaux solaires importés de Chine. Au «Buy Amarican Act», les Européens proposent également le «Buy European Act» Aussi, les pays émergents, fortement impactés par la crise, pratiquement également ces dispositifs protectionnistes: l'Argentine a récemment étendu l'application de nouvelles procédures administratives astreignantes de pré-enregistrement à toutes les importations de marchandises ; l'Inde, importante productrice de coton, a institué une interdiction d'exportation concernant le coton brut ; la Russie est l'un des pays qui recourt le plus fréquemment à des mesures restrictives susceptibles d'être non conformes à ses obligations alors qu'elle est devenu récemment membre de l'OMC. Cette tendance au protectionnisme ne concerne pas seulement l'Asie. Au Brésil, où la croissance est tombée de 7,5% en 2010 à 2,7% en 2011, le gouvernement a décidé une hausse de 30% des taxes sur les véhicules importés, dont les pièces ne sont pas à 65% au moins «made in Mercosur» (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay, Venezuela). Plus généralement, les pays du Mercosur ont décidé d'augmenter leurs taxes, jusqu'à 35%, sur tous les produits d'importation ne provenant pas de leur bloc. Ainsi, l'Argentine, avec 119 mesures défensives adoptées, est suivie de la Russie (86 mesures), de l'Indonésie (59), du Brésil (38), de la Chine (30), de l'Inde (24) et de l'Afrique du Sud (22). Ainsi, on assiste à de plus en plus de plaintes soit au niveau de l'OMC ou au niveau du Conseil de la concurrence de Bruxelles comme la plainte conjointe des Etats-Unis, de l'Europe et du Japon contre la Chine membre de l'Organisation mondiale du commerce, qui jugent illégales les restrictions imposées par Pékin sur ses exportations de matières premières en général. L'argument de la Chine est que ses quotas de «terres rares» visent à «protéger l'environnement et permettre un développement durable». Cette vision entre les partisans du libre-échange et du protectionnisme se traduit au niveau de la théorie économique actuellement en crise où des prix Nobel ont des vues contradictoires.
3- Le Maghreb face à la crise mondiale ?
Le Maghreb pour une population de 90 millions d'habitants a un poids économique insignifiant du PIB mondial, seulement 405 milliards de dollars en 2011 sur 71.000 milliards de dollars du PIB mondial (source FMI), soit 80% du PIB de la Grèce dont la population ne dépasse ne dépasse pas les 12 millions d'habitants. Les échanges intra- maghrébines sont dérisoires : moins de 3% de leurs échanges globaux. La non-intégration suicidaire fait perdre au Maghreb plusieurs points de croissance afin de résoudre le lancinant problème du chômage et de la pauvreté. Ainsi, la région maghrébine est frappée actuellement par une récession économique avec un écart croissant entre les pays et cela s'explique par différents facteurs, dont le manque de coordination des politiques socio-économiques qui fait fuir les capitaux vers d'autres cieux plus propices avec une nette percée en direction des pays émergents. Si certains pays du Maghreb ont réussi la stabilisation du cadre macro-économique, ce cadre est éphémère sans de profondes réformes structurelles. Les entreprises publiques sont dominantes, avec des proportions différentes au sein de l'UMA, plus fortes en Algérie et en Libye, pays rentiers, fortement imbriqués dans le système administratif lieu de relation de clientèles. Leur gestion est défectueuse, croulant sous le poids des dettes et sont à l'origine de l'essentiel du déficit budgétaire et du niveau élevé de la dette publique que les pays dotés en hydrocarbures épongent artificiellement. Quant à certaines entreprises privées, souvent marginalisées,elles ne sont pas autonomes mais trouvent leur prospérité ou leur déclin dans la part des avantages financiers, fiscaux, leurs parts de marché auprès des entreprises publiques et des administrations. Cette organisation spécifique où l'autonomisation de la décision économique est faible engendre peu d'innovation, d'esprit d'entreprise et explique la marginalisation du Maghreb au sein de l'économie mondiale. Cette situation est renforcée par l'extension de la sphère informelle produit du système bureaucratique au niveau du Maghreb avec la dominance de la sphère marchande informelle, produit de la bureaucratie et des dysfonctionnements des appareils de l'Etat, représentant plus de 50% de la superficie économique, où tout se traite en cash permettant l'évasion fiscale et la corruption. Il s'agit de l'intégrer dans la sphère réelle au moyen de mécanismes économiques souples loin des mesures bureaucratiques autoritaires qui produisent l'effet inverse.
D'une manière générale, le Maghreb, pont entre l'Europe et l'Afrique continent d'avenir, possède d'importantes potentialités. Il faut reconnaître que depuis quelque temps, avec la formation plus élevée et l'ouverture sur l'extérieur, nous assistons à la naissance de nouvelles entreprises maghrébines performantes s'insérant dans le cadre des valeurs internationales mues par de véritables entreprenants. Pourtant, les multitudes pressions administratives les freinent dans leur expansion. Aussi, sans une intégration, les micro- Etats étant dépassés en ce XXIe siècle, sans de profondes réformes structurelles, une meilleure gouvernance assise sur un Etat de droit et la valorisation du savoir supposant un profond réaménagement des structures des pouvoirs maghrébins, condition de l'émergence d'entreprises compétitives hors rente, les pays du Maghreb ne peuvent aspirer à s'insérer dans l'espace des pays émergents. Il faut être réaliste et non vendre des utopies.
*Professeur des universités
Expert international
[email protected]
Nous assistons au passage successif de l'organisation dite tayloriste marquée par une intégration poussée, à l'organisation récente en réseaux tant au niveau militaire, gouvernemental qu'au niveau des firmes qui concentrent leur management stratégique sur trois segments : la recherche développement (cœur de la valeur ajoutée), le marketing et la communication et sous-traite l'ensemble des autres composants, avec des organisations de plus en plus oligopolistiques tissant des réseaux comme une toile d'araignée. L'adaptation à ces mutations explique que certains pays du Tiers-Monde dits pays émergents, comme en témoigne le passage du G8 au G20, qui tirent la locomotive de l'économie mondiale, se spécialisent de plus en plus dans ces segments nouveaux, préfigurant à l'horizon 2020 de profonds bouleversements géostratégiques recomposant le pouvoir économique mondial.
1- Qui sont les pays émergents ?
Antoine Van Agtmael, économiste néerlandais à la Société financière internationale (filiale de la Banque mondiale), est le premier à utiliser à l'expression "émergents" en 1981, au sujet de pays en voie de développement offrant des opportunités pour les investisseurs. On parle alors de "marchés émergents", le qualificatif s'appliquant par la suite aux économies de ces pays. L'appartenance à ce groupe n'est pas figée : les quatre dragons asiatiques, anciens pays émergents, font désormais partie du groupe des pays développés (bien que quelquefois encore classés comme «marchés émergents» pour certaines considérations financières). D'autre part, la situation de pays comme l'Argentine, ancien pays «riche», tout comme la situation très hétéroclite des pays dits du Sud ne contribuent pas à éclaircir de manière simple le concept d'«émergence». Le politicologue Ian Bremmer, dans un article devenu classique sur la gestion du risque dans un monde instable, paru en 2005 dans le Harvard Business Review, définissait les marchés émergents comme des pays où les questions politiques sont au moins aussi importantes que les facteurs économiques. En 2005, la banque d'affaires américaine Goldman Sachs introduit forge l'expression "BRIC" pour désigner le Brésil, la Russie, l'Inde et la Chine comme marchés émergents, auxquels elle ajoute onze économies, dont le Bangladesch, l'Egypte, la Hongrie, l'Iran, le Mexique, le Nigeria, le Pakistan, les Philippines, la Taïlande et la Turquie. Selon la Banque mondiale, les pays émergents sont des pays dont le PIB par habitant est inférieur à celui des pays développés mais qui connaissent une croissance économique rapide. La liste des pays auxquels s'applique ce terme varie selon les sources et selon les époques, en témoignent les divers acronymes définis pour les désigner : ainsi, le BRIC composé du Brésil, de la Russie, de la Chine et de l'Inde désigne les quatre principaux pays émergents qui sont susceptibles de jouer un rôle de premier plan dans l'économie mondiale dans un futur plus ou moins proche. Le BRICS est apparu en 2011 avec l'ajout de l'Afrique du Sud. Le BRICM est également invoqué pour prendre en compte le Mexique ou BRICI, l'Indonésie. Il y a également les membres du G20 représentés par les huit principaux pays industrialisés (qui appartiennent au G-8) : Etats-Unis, Japon, Allemagne, Royaume-Uni, France, Italie, Canada et la Russie, onze petits pays industrialisés ou pays émergents : Argentine, Australie, Brésil, Chine, Inde, Indonésie, Mexique, Arabie saoudite, Afrique du Sud, Corée du Sud, Turquie et l'Union européenne. Lors des sommets du G-20, les 19 pays membres sont représentés par les ministres des Finances et les directeurs des banques centrales. L'Union européenne est représentée par le Président du conseil et celui de la Banque centrale européenne (BCE). Ensemble, ces pays représentent les deux tiers du commerce et de la population mondiale et plus de 90% du produit mondial brut (somme des PIB de tous les pays du monde). En fin de compte se pose cette question stratégique : le produit intérieur brut peut-il être la seule référence lorsqu'on ignore la répartition du revenu à la fois régional, par secteurs et par catégories socioprofessionnelles. A quoi sert une richesse si une minorité accapare 80% au détriment de la majorité ? Comme il y a lieu, comme l'a montré le grand économiste polonais Kalecki dans un ouvrage de référence mondiale intitulé «La dynamique de la croissance», de différencier le salaire appliqué à la création de valeur dans le secteur économique du traitement (T) appliqué aux fonctionnaires qui constitue un transfert de valeur, encore que les travaux du Pnud sont plus fins à propos de l'indice du développement humain, les traitements de l'éducation et la santé contribuant à terme à la création de valeur.
2- La crise mondiale et le conflit entre pays développés et pays émergents
Ces conflits concernent les mesures protectionnistes direct et indirect expliquant le récent engouement des pays émergents pour la flexibilité du taux de change où des enquêtes empiriques montrent que la gestion du taux de change est le système de change dominant malgré les déclarations officielles. Très ouverts aux marchés internationaux de capitaux, les pays émergents adoptent ainsi la flexibilité de leur taux de change, pour parer à une inflation élevée, une dollarisation de la dette et à un système bancaire fragile. Le terme protectionnisme désigne les interventions des pouvoirs publics d'un Etat, dans le cadre de sa dite «politique commerciale», qui ont pour effet d'introduire des distorsions dans les échanges transfrontaliers. Le plus souvent, les actions protectionnistes visent à freiner les importations de biens et services et dans certains cas à soutenir les exportations. Les instruments du protectionnisme sont traditionnellement les tarifs douaniers, exprimés en pourcentage du prix des importations ou en unité monétaire par unité physique. Les quotas sont un autre instrument majeur du protectionnisme. Sous la forme de quotas tarifaires ou quantitatifs (comme les quotas européens envers les textiles chinois), ils peuvent aussi prendre la forme de «restrictions volontaires aux exportations» obtenues de la part d'un partenaire commercial à l'issue d'un accord. Les dépréciations monétaires volontaires (cas du yuan chinois par rapport à l'euro et le dollar) ou encore les normes techniques, sanitaires, environnementales et sociales sont également les instruments officiels ou moins officiels d'un certain protectionnisme. Les procédures d'appel d'offres qui privilégient les opérateurs nationaux constituent également une forme de protection, tout comme les subventions à la production de certaines activités. Les tensions commerciales sont «à leur niveau le plus haut depuis la crise de Lehman en 2009» et depuis juillet 2011. Selon les documents de l'OMC, le nombre de mesures protectionnistes dans le monde était passé de 220 en 2010 à 340 en 2011. Dans un récent rapport, l'Union européenne dénonce la hausse considérable des barrières protectionnistes, je cite «les pays du G20 qui ne respectent pas suffisamment leur engagement concernant la suppression des mesures en vigueur. Entre septembre 2011 et le 1er mai 2012, le démantèlement des mesures s'est ralenti : seules 13 mesures ont été abrogées, contre 40 entre octobre 2010 et septembre 2011. Dans l'ensemble, environ 17% des mesures seulement (soit 89 mesures) ont été levées jusqu'à présent ou ont expiré depuis octobre 2008». Selon ce rapport, trente ans après l'ouverture de la Chine aux investissements étrangers, les compagnies internationales se plaignent toujours de lois coûteuses, de règles avantageant leurs homologues locaux, un nationalisme croissant. Face à ce message, les pays émergents, dont la Chine, sont de plus en plus sceptiques quant aux vertus de la mondialisation, certaines grandes puissances souhaitant protéger leurs marchés. En effet, face au libre échange, les Etats-Unis ont également développé une attitude ambivalente en multipliant les aides aux secteurs en difficultés depuis 2009. Sans compter le fameux Buy American Act mis en place par Franklin Roosevelt, lors de la Grande Dépression de 1933 pour soutenir la production nationale qui impose au gouvernement fédéral l'achat de biens manufacturiers produits aux Etats-Unis. Ainsi, les Etats-Unis annoncent des taxes de 31 à 250% sur les panneaux solaires importés de Chine. Au «Buy Amarican Act», les Européens proposent également le «Buy European Act» Aussi, les pays émergents, fortement impactés par la crise, pratiquement également ces dispositifs protectionnistes: l'Argentine a récemment étendu l'application de nouvelles procédures administratives astreignantes de pré-enregistrement à toutes les importations de marchandises ; l'Inde, importante productrice de coton, a institué une interdiction d'exportation concernant le coton brut ; la Russie est l'un des pays qui recourt le plus fréquemment à des mesures restrictives susceptibles d'être non conformes à ses obligations alors qu'elle est devenu récemment membre de l'OMC. Cette tendance au protectionnisme ne concerne pas seulement l'Asie. Au Brésil, où la croissance est tombée de 7,5% en 2010 à 2,7% en 2011, le gouvernement a décidé une hausse de 30% des taxes sur les véhicules importés, dont les pièces ne sont pas à 65% au moins «made in Mercosur» (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay, Venezuela). Plus généralement, les pays du Mercosur ont décidé d'augmenter leurs taxes, jusqu'à 35%, sur tous les produits d'importation ne provenant pas de leur bloc. Ainsi, l'Argentine, avec 119 mesures défensives adoptées, est suivie de la Russie (86 mesures), de l'Indonésie (59), du Brésil (38), de la Chine (30), de l'Inde (24) et de l'Afrique du Sud (22). Ainsi, on assiste à de plus en plus de plaintes soit au niveau de l'OMC ou au niveau du Conseil de la concurrence de Bruxelles comme la plainte conjointe des Etats-Unis, de l'Europe et du Japon contre la Chine membre de l'Organisation mondiale du commerce, qui jugent illégales les restrictions imposées par Pékin sur ses exportations de matières premières en général. L'argument de la Chine est que ses quotas de «terres rares» visent à «protéger l'environnement et permettre un développement durable». Cette vision entre les partisans du libre-échange et du protectionnisme se traduit au niveau de la théorie économique actuellement en crise où des prix Nobel ont des vues contradictoires.
3- Le Maghreb face à la crise mondiale ?
Le Maghreb pour une population de 90 millions d'habitants a un poids économique insignifiant du PIB mondial, seulement 405 milliards de dollars en 2011 sur 71.000 milliards de dollars du PIB mondial (source FMI), soit 80% du PIB de la Grèce dont la population ne dépasse ne dépasse pas les 12 millions d'habitants. Les échanges intra- maghrébines sont dérisoires : moins de 3% de leurs échanges globaux. La non-intégration suicidaire fait perdre au Maghreb plusieurs points de croissance afin de résoudre le lancinant problème du chômage et de la pauvreté. Ainsi, la région maghrébine est frappée actuellement par une récession économique avec un écart croissant entre les pays et cela s'explique par différents facteurs, dont le manque de coordination des politiques socio-économiques qui fait fuir les capitaux vers d'autres cieux plus propices avec une nette percée en direction des pays émergents. Si certains pays du Maghreb ont réussi la stabilisation du cadre macro-économique, ce cadre est éphémère sans de profondes réformes structurelles. Les entreprises publiques sont dominantes, avec des proportions différentes au sein de l'UMA, plus fortes en Algérie et en Libye, pays rentiers, fortement imbriqués dans le système administratif lieu de relation de clientèles. Leur gestion est défectueuse, croulant sous le poids des dettes et sont à l'origine de l'essentiel du déficit budgétaire et du niveau élevé de la dette publique que les pays dotés en hydrocarbures épongent artificiellement. Quant à certaines entreprises privées, souvent marginalisées,elles ne sont pas autonomes mais trouvent leur prospérité ou leur déclin dans la part des avantages financiers, fiscaux, leurs parts de marché auprès des entreprises publiques et des administrations. Cette organisation spécifique où l'autonomisation de la décision économique est faible engendre peu d'innovation, d'esprit d'entreprise et explique la marginalisation du Maghreb au sein de l'économie mondiale. Cette situation est renforcée par l'extension de la sphère informelle produit du système bureaucratique au niveau du Maghreb avec la dominance de la sphère marchande informelle, produit de la bureaucratie et des dysfonctionnements des appareils de l'Etat, représentant plus de 50% de la superficie économique, où tout se traite en cash permettant l'évasion fiscale et la corruption. Il s'agit de l'intégrer dans la sphère réelle au moyen de mécanismes économiques souples loin des mesures bureaucratiques autoritaires qui produisent l'effet inverse.
D'une manière générale, le Maghreb, pont entre l'Europe et l'Afrique continent d'avenir, possède d'importantes potentialités. Il faut reconnaître que depuis quelque temps, avec la formation plus élevée et l'ouverture sur l'extérieur, nous assistons à la naissance de nouvelles entreprises maghrébines performantes s'insérant dans le cadre des valeurs internationales mues par de véritables entreprenants. Pourtant, les multitudes pressions administratives les freinent dans leur expansion. Aussi, sans une intégration, les micro- Etats étant dépassés en ce XXIe siècle, sans de profondes réformes structurelles, une meilleure gouvernance assise sur un Etat de droit et la valorisation du savoir supposant un profond réaménagement des structures des pouvoirs maghrébins, condition de l'émergence d'entreprises compétitives hors rente, les pays du Maghreb ne peuvent aspirer à s'insérer dans l'espace des pays émergents. Il faut être réaliste et non vendre des utopies.
*Professeur des universités
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