Dans Juste Algérienne, un témoignage paru aux éditions Barzakh, la Moudjahida Eveline Safir Lavalette évoque, à travers des textes écrits entre 1956 et 2013, son parcours de militante marqué par trois ans d'emprisonnement et d'internement psychiatrique dans un hôpital algérois durant la Guerre de libération. Dans Juste Algérienne, un témoignage paru aux éditions Barzakh, la Moudjahida Eveline Safir Lavalette évoque, à travers des textes écrits entre 1956 et 2013, son parcours de militante marqué par trois ans d'emprisonnement et d'internement psychiatrique dans un hôpital algérois durant la Guerre de libération. A partir de textes littéraires, de poèmes écrits ou ressassés en prison et de fragments de journal intime, l'ouvrage — sous titré Comme une tissure, en référence à un texte du poète et universitaire algérien assassiné en 1993, Youcef Sebti— propose un regard sur plus de soixante-dix ans d'histoire algérienne, depuis les années 1930 jusqu'aux années 2000, en passant par la Guerre de libération (1954-1962). Subdivisé en sept parties, le livre évoque, sous la forme de souvenirs et d'impressions épars, l'engagement de son auteur qui, très tôt, pressentit l'absurdité et la violence du système colonial. "C'est peut-être parce que j'ai grandi dans cette pureté absolue (...), que le monde qui m'entourait m'a vite heurtée, choquée par ses cassures, ses compartiments, ce que je percevais avec mes yeux d'enfant comme un pays bizarre sans que je comprenne alors qu'il était pétri du système colonial...", écrit-elle en souvenir des travailleurs algériens "irréels" et "transparents" de la ferme de son père dans la Mitidja. Arrêtée le 13 novembre 1956 à Oran, Eveline Safir Lavalette sera privée de ses droits civiques, frappée d'indignité nationale et condamnée à trois ans d'emprisonnement qu'elle passera à Oran, à Orléansville (Chlef) puis à la prison centrale de Maison Carrée (El-Harrach, Alger). Le récit fragmenté de ses années d'enfermement revient avec pudeur sur les privations, les tortures et les longs interrogatoires que l'auteure a subis, mais aussi et surtout sur la solidarité entre les détenues politiques, comme Zohra Drif et Djamila Bouhired, parmi les condamnées à mort, ou encore Annie Steiner. L'auteure ne cite ces héroïnes que par les premières lettres de leurs prénoms. L'évocation de cette solidarité culmine dans Monologue d'une gardienne-chef, un texte d'une grande qualité littéraire, où la geôlière raconte l'impossibilité d'imposer le respect aux détenues qui se moquent d'elle, refusent d'obéir à ses ordres et exigent de se faire appeler "Princesse" suivi de leur numéro de matricule, avant de répondre à l'appel... "Une tête carrée", le texte le plus poignant sans doute, revient sur l'internement psychiatrique de l'auteur en 1959 à l'hôpital Mustapha où elle est déclarée "aliénée mentale dangereuse" avant de subir vingt et un électrochocs, administrés par un certain professeur Sutter. D'autres textes relatent l'exil en France en 1960 puis en Suisse et la tentative d'assassinat à Paris perpétrée par la "Main rouge" (organisation armée française chargée d'éliminer des indépendantistes algériens, marocains et tunisiens) à laquelle l'auteure échappera de justesse. Dans "Les années quatre-vingt-dix", Eveline Safir raconte son vécu des années de violence terroriste, tout en rendant hommage à la résistance des Algériens face à l'intégrisme et aux intellectuels assassinés comme Abdelkader Alloula. Juste Algérienne contient également des photos de l'auteure à différentes époques de sa vie ainsi que des reproductions de textes écrits en prison. Née en 1927 à Alger dans une famille catholique conservatrice, Eveline Safir Lavalette rejoint le Fln (Front de libération nationale) en 1955 après avoir été tour à tour enseignante dans une école primaire à la Casbah d'Alger, syndicaliste au Cftc (Confédération française des travailleurs chrétiens), cadre au sein des Scouts féminins puis membre de l'Ajaas (Association de jeunesse algérienne pour l'action sociale). Agent de liaison de Benyoucef Benkhedda, qu'elle a connu à la revue Conscience maghrébine, elle héberge durant la guerre des figures du mouvement national comme Larbi Ben M'hidi et Krim Belkacem. C'est Eveline Safir Lavalette qui, en 1956, dactylographie l'appel à la grève des étudiants et la lettre adressée à ses parents par Ahmed Zabana, premier martyr guillotiné de la Guerre de libération. Epouse de Abdelkader Safir (1925-1993), un des pionniers de la presse algérienne, Eveline Safir Lavalette est élue en 1962 à la première Assemblée constituante de l'Algérie indépendante puis à l'Assemblée nationale en 1964. Après avoir participé à la mise en place du système éducatif algérien, elle occupera à partir de 1968, jusqu'à sa retraite, diverses fonctions au ministère du Travail et dans l'administration locale. A partir de textes littéraires, de poèmes écrits ou ressassés en prison et de fragments de journal intime, l'ouvrage — sous titré Comme une tissure, en référence à un texte du poète et universitaire algérien assassiné en 1993, Youcef Sebti— propose un regard sur plus de soixante-dix ans d'histoire algérienne, depuis les années 1930 jusqu'aux années 2000, en passant par la Guerre de libération (1954-1962). Subdivisé en sept parties, le livre évoque, sous la forme de souvenirs et d'impressions épars, l'engagement de son auteur qui, très tôt, pressentit l'absurdité et la violence du système colonial. "C'est peut-être parce que j'ai grandi dans cette pureté absolue (...), que le monde qui m'entourait m'a vite heurtée, choquée par ses cassures, ses compartiments, ce que je percevais avec mes yeux d'enfant comme un pays bizarre sans que je comprenne alors qu'il était pétri du système colonial...", écrit-elle en souvenir des travailleurs algériens "irréels" et "transparents" de la ferme de son père dans la Mitidja. Arrêtée le 13 novembre 1956 à Oran, Eveline Safir Lavalette sera privée de ses droits civiques, frappée d'indignité nationale et condamnée à trois ans d'emprisonnement qu'elle passera à Oran, à Orléansville (Chlef) puis à la prison centrale de Maison Carrée (El-Harrach, Alger). Le récit fragmenté de ses années d'enfermement revient avec pudeur sur les privations, les tortures et les longs interrogatoires que l'auteure a subis, mais aussi et surtout sur la solidarité entre les détenues politiques, comme Zohra Drif et Djamila Bouhired, parmi les condamnées à mort, ou encore Annie Steiner. L'auteure ne cite ces héroïnes que par les premières lettres de leurs prénoms. L'évocation de cette solidarité culmine dans Monologue d'une gardienne-chef, un texte d'une grande qualité littéraire, où la geôlière raconte l'impossibilité d'imposer le respect aux détenues qui se moquent d'elle, refusent d'obéir à ses ordres et exigent de se faire appeler "Princesse" suivi de leur numéro de matricule, avant de répondre à l'appel... "Une tête carrée", le texte le plus poignant sans doute, revient sur l'internement psychiatrique de l'auteur en 1959 à l'hôpital Mustapha où elle est déclarée "aliénée mentale dangereuse" avant de subir vingt et un électrochocs, administrés par un certain professeur Sutter. D'autres textes relatent l'exil en France en 1960 puis en Suisse et la tentative d'assassinat à Paris perpétrée par la "Main rouge" (organisation armée française chargée d'éliminer des indépendantistes algériens, marocains et tunisiens) à laquelle l'auteure échappera de justesse. Dans "Les années quatre-vingt-dix", Eveline Safir raconte son vécu des années de violence terroriste, tout en rendant hommage à la résistance des Algériens face à l'intégrisme et aux intellectuels assassinés comme Abdelkader Alloula. Juste Algérienne contient également des photos de l'auteure à différentes époques de sa vie ainsi que des reproductions de textes écrits en prison. Née en 1927 à Alger dans une famille catholique conservatrice, Eveline Safir Lavalette rejoint le Fln (Front de libération nationale) en 1955 après avoir été tour à tour enseignante dans une école primaire à la Casbah d'Alger, syndicaliste au Cftc (Confédération française des travailleurs chrétiens), cadre au sein des Scouts féminins puis membre de l'Ajaas (Association de jeunesse algérienne pour l'action sociale). Agent de liaison de Benyoucef Benkhedda, qu'elle a connu à la revue Conscience maghrébine, elle héberge durant la guerre des figures du mouvement national comme Larbi Ben M'hidi et Krim Belkacem. C'est Eveline Safir Lavalette qui, en 1956, dactylographie l'appel à la grève des étudiants et la lettre adressée à ses parents par Ahmed Zabana, premier martyr guillotiné de la Guerre de libération. Epouse de Abdelkader Safir (1925-1993), un des pionniers de la presse algérienne, Eveline Safir Lavalette est élue en 1962 à la première Assemblée constituante de l'Algérie indépendante puis à l'Assemblée nationale en 1964. Après avoir participé à la mise en place du système éducatif algérien, elle occupera à partir de 1968, jusqu'à sa retraite, diverses fonctions au ministère du Travail et dans l'administration locale.