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Un ancien appelé de l'armée française témoigne
Affaire maurice audin et torture durant la guerre d'Algérie
Publié dans Le Midi Libre le 15 - 02 - 2018

Sébastien Jumel et Cédric Villani, deux députés français, mais aussi la famille et l'association Maurice Audin,vont exiger à l'Assemblée nationale la reconnaissance officielle de l'assassinat de Maurice Audin par l'armée française.
Sébastien Jumel et Cédric Villani, deux députés français, mais aussi la famille et l'association Maurice Audin,vont exiger à l'Assemblée nationale la reconnaissance officielle de l'assassinat de Maurice Audin par l'armée française.
L'affaire Audin "est celle de ce mathématicien français, membredu Parti communiste algérien, mort en juin 1957 après avoir été torturé par des militaires français", écrit dans son édition du jour L'Humanité. L'Etat français, à qui ces députés demandent aujourd'hui d'assumer la responsabilité de ce crime, s'est longtemps dédouané, la "version officielle" de cette affaire expliquant que le militant communiste avait disparu après une évasion en juin 1957.
Mais Maurice Audin a réellement été assassiné "avec la couverture pleine etentière du pouvoir politique", écrit lejournal, rapportant la confession avant sa mort, en 2013, du général PaulAussaresses. Ce militaire parachutiste avait avoué "sans regrets ni remords" avoir torturé pendant la guerre d'Algérie, dans un entretien accordé au Monde, en 2000.
"Des sauvages"
La relance de cette affaire, qui place l'Etat français sur le banc des accusés, a été faite à la faveur d'un témoignage d'un ancien appelé. Jacques Jubier pense avoir "enterré" la dépouille de Maurice Audin,du temps où il servait en Algérie, indique le quotidien. À l'époque, le jeune caporal a 21 ans quand il débarque par bateau en Algérie. L'armée française lui dit qu'il doit assurer "des opérations de pacification", écrit lejournal. Mais très vite, le jeune caporaldécouvre la guerre et les exactions."Il y avait des volontaires pour la torture. Certains ne se faisaient pas prier. Moi, j'ai refusé. Mon capitaine n'a pas insisté", assure-t-il au quotidien.
Avant de poursuivre : "Un trou était creusé dans lesol du camp, où les prisonniers étaient détenus entre deux séances de torture. Ils ne repartaient jamais vivants. (...) Onétait conditionnés, mais nous ne réagissions pas tous de la même manière. J'ai vu des choses horribles que je n'ai jamais oubliées : la gégène (NDLR : techniquede torture par électrode), mais bien pireencore."Un souvenir qui hante particulièrement levieil homme, aujourd'hui âgé de 82 ans, est celui de cet adolescent kabyle, lâchement abattu.
"Un petit Kabyle de 14-15ans n'avait pas été jeté dans la fosse avec les autres Algériens. Les soldats français pensaient que ce gamin allait les aider à faire parler les autres. Mais il était devenu trop encombrant. Un jour, on part en patrouille et le capitaine l'emmène avecnous. Il s'arrête au milieu de la route etlui dit qu'il peut partir. Le petit refused'abord, comme s'il sentait quelquechose... et puis, il s'est enfui en courant.Ils lui ont tiré dessus avec un fusilmitrailleur.Il a pris des rafales, est tombéà terre. Il n'était pas mort. (...) Le capitainea dit aux gars : achevez-le ! Et là,j'ai vu des sauvages, ils s'y sont mis àplusieurs... (...) Ils lui ont éclaté la cervelle.
""Comme les Algériens ne sortaientjamais vivants du camp, il fallait,pour l'armée, se débarrasser des corps. Onm'a donc demandé de les charger dans unGMC (véhicule militaire), bâché, et on devait les abandonner devant les fermes.(...) Certains osaient même fouiller les corps pour trouver trois pièces. Là-bas, les gars devenaient comme des animaux",détaille encore l'ancien soldat. Il raconte ensuite au journal comment il a été enrôlépar un parachutiste – qui s'est avéré être Gérard Garcet, choisi par le généralAussaresses pour recruter les parachutistes chargés des "basses besognes" –pour accomplir « une mission secretdéfense».
À ce moment, le jeune militaireofficiait dans la ville de Fondouk,devenue aujourd'hui Khemis El-Khechna.Ils prennent la direction d'une cabane "ferméeà clé", où deux cadavres sont enroulésdans des draps. Ils doivent s'en débarrasser. "On les a passés à la lampe à souder. On a insisté sur les pieds et les mains pouréviter qu'on puisse les identifier. (...)C'est une grosse prise. Il ne faut jamaisque leurs corps soient retrouvés", luisouffle le parachutiste, selon les proposrapportés par L'Humanité.
"C'est des gens importants ?", luidemande alors Jacques Jubier. "Oui, c'estle frère de Ben Bella et l'autre, une saloperiede communiste." Si le journal indique qu'il est impossible qu'il s'agissede l'un des membres de la familled'Ahmed Ben Bella (mais peut-être unproche ou un cadre du FLN), Jacques Jubier est certain que l'autre corps étaitcelui de Maurice Audin, toujours selondes propos relayés par le quotidien.D'après son témoignage, l'homme a étéchargé d'enterrer les deux cadavres dansune ferme avant de subir des menaces dela part du parachutiste s'il parlait de cetteaffaire. Si le témoignage de cet ancienappelé a été transmis à la famille Audin,toujours en quête de vérité, il y aurait peude chance "pour qu'il s'agisse bien de Maurice Audin", écrit le journal.
"Comme dans toutes les disparitions,l'absence du corps de la victime empêche d'y mettre un point final", indique au quotidien l'historienne Sylvie Thénault. Josette Audin, la femme de Maurice, demandait en 2007 à Nicolas Sarkozy, alors président de la République, de ne pas laisser la France se déshonorer "en cautionnant la dissimulation honteuse de cette mort", rappelle le journal.
Cédric Villani, le député qui souhaite que la France assume son passé colonial en Algérie, a affirmé qu'Emmanuel Macron lui avait fait part "de son intime convictionque, effectivement, Maurice Audin a été assassiné par l'armée française." Lors d'un voyage en Algérie, en février 2017, Macron, qui était alors candidat à la présidentielle,avait qualifié la colonisation française de "crime contre l'humanité."Un terme qui avait déclenché la polémiqueen France.
L'affaire Audin "est celle de ce mathématicien français, membredu Parti communiste algérien, mort en juin 1957 après avoir été torturé par des militaires français", écrit dans son édition du jour L'Humanité. L'Etat français, à qui ces députés demandent aujourd'hui d'assumer la responsabilité de ce crime, s'est longtemps dédouané, la "version officielle" de cette affaire expliquant que le militant communiste avait disparu après une évasion en juin 1957.
Mais Maurice Audin a réellement été assassiné "avec la couverture pleine etentière du pouvoir politique", écrit lejournal, rapportant la confession avant sa mort, en 2013, du général PaulAussaresses. Ce militaire parachutiste avait avoué "sans regrets ni remords" avoir torturé pendant la guerre d'Algérie, dans un entretien accordé au Monde, en 2000.
"Des sauvages"
La relance de cette affaire, qui place l'Etat français sur le banc des accusés, a été faite à la faveur d'un témoignage d'un ancien appelé. Jacques Jubier pense avoir "enterré" la dépouille de Maurice Audin,du temps où il servait en Algérie, indique le quotidien. À l'époque, le jeune caporal a 21 ans quand il débarque par bateau en Algérie. L'armée française lui dit qu'il doit assurer "des opérations de pacification", écrit lejournal. Mais très vite, le jeune caporaldécouvre la guerre et les exactions."Il y avait des volontaires pour la torture. Certains ne se faisaient pas prier. Moi, j'ai refusé. Mon capitaine n'a pas insisté", assure-t-il au quotidien.
Avant de poursuivre : "Un trou était creusé dans lesol du camp, où les prisonniers étaient détenus entre deux séances de torture. Ils ne repartaient jamais vivants. (...) Onétait conditionnés, mais nous ne réagissions pas tous de la même manière. J'ai vu des choses horribles que je n'ai jamais oubliées : la gégène (NDLR : techniquede torture par électrode), mais bien pireencore."Un souvenir qui hante particulièrement levieil homme, aujourd'hui âgé de 82 ans, est celui de cet adolescent kabyle, lâchement abattu.
"Un petit Kabyle de 14-15ans n'avait pas été jeté dans la fosse avec les autres Algériens. Les soldats français pensaient que ce gamin allait les aider à faire parler les autres. Mais il était devenu trop encombrant. Un jour, on part en patrouille et le capitaine l'emmène avecnous. Il s'arrête au milieu de la route etlui dit qu'il peut partir. Le petit refused'abord, comme s'il sentait quelquechose... et puis, il s'est enfui en courant.Ils lui ont tiré dessus avec un fusilmitrailleur.Il a pris des rafales, est tombéà terre. Il n'était pas mort. (...) Le capitainea dit aux gars : achevez-le ! Et là,j'ai vu des sauvages, ils s'y sont mis àplusieurs... (...) Ils lui ont éclaté la cervelle.
""Comme les Algériens ne sortaientjamais vivants du camp, il fallait,pour l'armée, se débarrasser des corps. Onm'a donc demandé de les charger dans unGMC (véhicule militaire), bâché, et on devait les abandonner devant les fermes.(...) Certains osaient même fouiller les corps pour trouver trois pièces. Là-bas, les gars devenaient comme des animaux",détaille encore l'ancien soldat. Il raconte ensuite au journal comment il a été enrôlépar un parachutiste – qui s'est avéré être Gérard Garcet, choisi par le généralAussaresses pour recruter les parachutistes chargés des "basses besognes" –pour accomplir « une mission secretdéfense».
À ce moment, le jeune militaireofficiait dans la ville de Fondouk,devenue aujourd'hui Khemis El-Khechna.Ils prennent la direction d'une cabane "ferméeà clé", où deux cadavres sont enroulésdans des draps. Ils doivent s'en débarrasser. "On les a passés à la lampe à souder. On a insisté sur les pieds et les mains pouréviter qu'on puisse les identifier. (...)C'est une grosse prise. Il ne faut jamaisque leurs corps soient retrouvés", luisouffle le parachutiste, selon les proposrapportés par L'Humanité.
"C'est des gens importants ?", luidemande alors Jacques Jubier. "Oui, c'estle frère de Ben Bella et l'autre, une saloperiede communiste." Si le journal indique qu'il est impossible qu'il s'agissede l'un des membres de la familled'Ahmed Ben Bella (mais peut-être unproche ou un cadre du FLN), Jacques Jubier est certain que l'autre corps étaitcelui de Maurice Audin, toujours selondes propos relayés par le quotidien.D'après son témoignage, l'homme a étéchargé d'enterrer les deux cadavres dansune ferme avant de subir des menaces dela part du parachutiste s'il parlait de cetteaffaire. Si le témoignage de cet ancienappelé a été transmis à la famille Audin,toujours en quête de vérité, il y aurait peude chance "pour qu'il s'agisse bien de Maurice Audin", écrit le journal.
"Comme dans toutes les disparitions,l'absence du corps de la victime empêche d'y mettre un point final", indique au quotidien l'historienne Sylvie Thénault. Josette Audin, la femme de Maurice, demandait en 2007 à Nicolas Sarkozy, alors président de la République, de ne pas laisser la France se déshonorer "en cautionnant la dissimulation honteuse de cette mort", rappelle le journal.
Cédric Villani, le député qui souhaite que la France assume son passé colonial en Algérie, a affirmé qu'Emmanuel Macron lui avait fait part "de son intime convictionque, effectivement, Maurice Audin a été assassiné par l'armée française." Lors d'un voyage en Algérie, en février 2017, Macron, qui était alors candidat à la présidentielle,avait qualifié la colonisation française de "crime contre l'humanité."Un terme qui avait déclenché la polémiqueen France.


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