L'université, l'entreprise. Deux mondes étanches, qui se regardent chez nous en chiens de faïence. Et qui vivent en vase clos. Alors que dans les pays développés, voire dans les pays émergents, la dynamique du développement fait qu'existent des passerelles et des synergies entre les deux institutions. L'université, l'entreprise. Deux mondes étanches, qui se regardent chez nous en chiens de faïence. Et qui vivent en vase clos. Alors que dans les pays développés, voire dans les pays émergents, la dynamique du développement fait qu'existent des passerelles et des synergies entre les deux institutions. Les résultats du bac sont tombés. Pour certains, c'est la fête. Des youyous fusent aux fenêtres, en ce 5 Juillet, 45e anniversaire de l'Indépendance. Pour d'autres c'est la tristesse. L'échec est vécu comme une épreuve traumatisante, surtout lorsqu'on le passe pour la deuxième ou troisième fois. Malgré ce que l'on en dit, le bac conserve cet effet magique au sein de la société algérienne, même s'il a cessé depuis bien longtemps d'être le sésame qui ouvre toutes les portes. Dans la Fonction publique, le bac n'a presque plus aucune valeur. Ou à peine. Des milliers de jeunes, surtout les garçons, n'accordent aucune importance aux études de façon générale, lui préférant de loin le business et le «trabendo». Les filles sont plus studieuses. C'est le paradoxe à l'algérienne : ce désintérêt pour les études se reflète dans la réalité de notre économie, basée sur la rente et la mono exportation d'hydrocarbures, alors que dans le monde entier, surtout dans les pays développés, la science et la recherche sont le moteur de la croissance. A l'heure de la mondialisation et de la concurrence tous azimuts, ce sont l'innovation et la recherche dans les technologies de pointe qui permettent à certains pays d'être des puissances économiques, et à d'autres de faire partie du lot des pays émergents. Jusqu'à preuve du contraire, l'Algérie hélas ne fait partie ni des pays développés ni de ceux dits émergents, malgré les énormes ressources dont elle dispose dans son sous-sol, dans les paysages variés de son immense territoire, et dans son potentiel humain, alors que l'Université algérienne a formé des centaines de milliers de cadres depuis l'Indépendance. L'Université algérienne est accusée de former des chômeurs diplômés. Il y a à peine quelques jours, le ministère de la Santé annonçait le recrutement de 300 médecins dans les centres hospitaliers du pays. Pour ces derniers, le calvaire prenait fin mais combien d'ingénieurs, de médecins, de professeurs, d'avocats, de pharmaciens, d'architectes se sont convertis malgré eux en hittistes, au mieux trabendistes. Journées portes ouvertes On revient donc à l'université et au bac : dès aujourd'hui, commencent les inscriptions à l'université pour les nouveaux bacheliers. C'est pour eux le début d'une nouvelle ère. Pour eux, le bac est une étape décisive dans leur cursus. Le ministère de l'Enseignement supérieur organise des journées portes ouvertes sur l'université auxquelles participeront toutes les régions du pays et toutes les institutions dépendant de la tutelle. Il s'agit de faire connaître aux nouveaux bacheliers les filières et spécialités auxquelles ils peuvent prétendre en remplissant leurs fiches de vœux. Mais l'on sait tous que c'est la note obtenue au bac qui servira de critère. Plus elle est élevée et plus elle donne de possibilités. Les filières les plus prestigieuses iront aux notes les plus élevées : médecine, pharmacie, interprétariat, management, Ecole nationale d'administration… Dès le jour où il met les pieds dans un campus universitaire, l'étudiant sait qu'il y est pour préparer son avenir. Malheureusement, certains l'oublient en cours de route, et alors gare à la lassitude et à la déperdition. Pour mieux faire prendre conscience de la prégnance du monde du travail sur l'issue des études, l'université de Béjaïa a pris les devants en organisant en ce début de mois de juillet un forum sur «L'université et le monde productif», en présence des chefs d'entreprise, des enseignants, des chercheurs, des étudiants. L'université et l'entreprise C'est une opération de séduction et de marketing, mais aussi une occasion de laver le linge sale pour que l'université et l'entreprise cessent de se regarder en chiens de faïence. Pour reprendre les mots de Djoudi Merabet, recteur de l'université de Béjaïa : «Plus qu'un espace d'échange et de rencontres, ce forum vise à favoriser les mises en relations d'affaires et les projets de partenariat, et plus fondamentalement à créer des synergies et des ouvertures de perspectives pour tous». Synergie, partenariat, des mots qui sonnent bien. Mais comment parvenir à traduire en réalité ces concepts. Qui doit aller vers l'autre ? Qui doit faire le premier pas ? L'université ou l'entreprise ? Le patron de Cevital, Issad Rebrab, dont le complexe d'huile de table se trouve au port de Béjaïa, a déclaré qu'il a recruté l'essentiel de ses cadres sur les bancs mêmes de l'université. «Nous avons recruté des ingénieurs sur les bancs des universités. En six mois de perfectionnement, ils ont littéralement explosé. Désormais ce sont des cadres qui affichent des compétences qui n'ont rien à envier à leurs pairs des pays les plus développés.» Oui, mais combien sont-ils à le faire ? S'il est vrai que la majorité des entreprises, qu'elles soient publiques ou privées, sont dirigées par des cadres formés à l'Université algérienne, la réalité commande de dire que cela se fait presque au pif, après-coup et jamais en amont. Combien d'entreprises financent l'université et la formation des étudiants ? Combien d'entreprises en Algérie accordent des bourses ou des subventions ? Mais surtout, combien d'entreprises ont un laboratoire de recherche ? Existe-t-il des contrats de partenariat entre les universités et les entreprises ? L'indispensable passerelle Des questions, des questions, encore des questions, bien sûr, parce que, contrairement à ce qui se passe dans les pays développés, il existe peu de relations entre l'université et le monde du travail. Chacun travaille dans son coin, en vase clos. Il n'y a pas de passerelle, encore moins de synergie. Lorsque les entreprises font une offre d'emploi, elles exigent bien sûr des diplômes, mais surtout une ancienneté et une expérience de plusieurs années dans la spécialité ou la branche. Imaginez un jeune qui a fait de longues études, en moyenne quatre ou cinq ans après le bac (qu'il a peut-être passé deux ou trois fois) ; ajoutez-y les 18 mois du service national. A trente ans, il croit qu'il est au bout du tunnel, il épluche les petites annonces, et partout on lui demande une photo récente (oui, pourquoi ?) et une expérience de plusieurs années. Où est la synergie ? Maintenant, on pousse la gentillesse plus loin, puisqu'on exige d'avoir le permis de conduire, une voiture en bon état et de résider dans la localité. Quant à l'utilisation de son propre portable dans les contacts professionnels, c'est devenu une habitude entrée dans les mœurs. La faute à qui ? A l'université ou à l'entreprise ? Comme on est loin des recommandations adoptées aux forum de Béjaïa, dont les travaux ont été rehaussés par la présence d'experts nationaux et internationaux (British Petroleum, l'Ecole des hautes études commerciales de Paris-EHEC), et qui portent sur les contrats partenariaux, la réhabilitation de brevets, l'expertise, les aides à la création d'entreprise, la mise en place d'incubateurs… Tous les autres acteurs, à commencer par le Forum des chefs d'entreprises (FCE) ont tiré la sonnette d'alarme sur le sort réservé aux élites formées par l'Université algérienne. Rien que ces dernières années, plus de 100. 000 diplômés ont été obligés de s'expatrier pour trouver du travail. En France, au Canada, ou ailleurs. Une fuite des cerveaux qui ne s'explique que par l'étroitesse du marché du travail en Algérie et le peu de perspectives offertes aux diplômés nationaux. Malgré les différences de missions qui existent entre les universités et les entreprises, il y a tout de même des complémentarités entre elles. Si le rôle de l'université est de dispenser un savoir et de faire dans la recherche fondamentale, celui de l'entreprise est d'abord de faire des profits. Entre les visées commerciales d'abord et mission de service public, entreprises et universités devraient pourtant travailler la main dans la main. Une entreprise qui n'innove pas ne peut pas produire de valeur ajoutée. Elle doit passer des conventions de recherche en innovation avec les universités, tout en ayant ses propres laboratoires et ateliers de recherche dans lesquels seraient employés des diplômés. Lorsqu'il n'y aura plus de pétrole dans le sous-sol du pays, que l'or noir sera devenu une denrée rare, il apparaîtra l'importance de cette denrée encore plus précieuse, la matière grise, qui est le moteur du développement et du bien-être social. Les pays les plus avancés sont des pays où chaque année sont déposés des centaines de milliers de brevets et où sont publiées des milliers de thèses. Entre la recherche fondamentale, pratiquée à l'université (il en faut) et la recherche appliquée ou opérationnelle, dont a besoin l'université pour innover et mettre sur le marché des produits concurrentiels, il y a une place pour une collaboration étroite. Dans ce domaine comme dans d'autres, il suffit parfois de copier ce qui se fait ailleurs, et qui a fait ses preuves. Les résultats du bac sont tombés. Pour certains, c'est la fête. Des youyous fusent aux fenêtres, en ce 5 Juillet, 45e anniversaire de l'Indépendance. Pour d'autres c'est la tristesse. L'échec est vécu comme une épreuve traumatisante, surtout lorsqu'on le passe pour la deuxième ou troisième fois. Malgré ce que l'on en dit, le bac conserve cet effet magique au sein de la société algérienne, même s'il a cessé depuis bien longtemps d'être le sésame qui ouvre toutes les portes. Dans la Fonction publique, le bac n'a presque plus aucune valeur. Ou à peine. Des milliers de jeunes, surtout les garçons, n'accordent aucune importance aux études de façon générale, lui préférant de loin le business et le «trabendo». Les filles sont plus studieuses. C'est le paradoxe à l'algérienne : ce désintérêt pour les études se reflète dans la réalité de notre économie, basée sur la rente et la mono exportation d'hydrocarbures, alors que dans le monde entier, surtout dans les pays développés, la science et la recherche sont le moteur de la croissance. A l'heure de la mondialisation et de la concurrence tous azimuts, ce sont l'innovation et la recherche dans les technologies de pointe qui permettent à certains pays d'être des puissances économiques, et à d'autres de faire partie du lot des pays émergents. Jusqu'à preuve du contraire, l'Algérie hélas ne fait partie ni des pays développés ni de ceux dits émergents, malgré les énormes ressources dont elle dispose dans son sous-sol, dans les paysages variés de son immense territoire, et dans son potentiel humain, alors que l'Université algérienne a formé des centaines de milliers de cadres depuis l'Indépendance. L'Université algérienne est accusée de former des chômeurs diplômés. Il y a à peine quelques jours, le ministère de la Santé annonçait le recrutement de 300 médecins dans les centres hospitaliers du pays. Pour ces derniers, le calvaire prenait fin mais combien d'ingénieurs, de médecins, de professeurs, d'avocats, de pharmaciens, d'architectes se sont convertis malgré eux en hittistes, au mieux trabendistes. Journées portes ouvertes On revient donc à l'université et au bac : dès aujourd'hui, commencent les inscriptions à l'université pour les nouveaux bacheliers. C'est pour eux le début d'une nouvelle ère. Pour eux, le bac est une étape décisive dans leur cursus. Le ministère de l'Enseignement supérieur organise des journées portes ouvertes sur l'université auxquelles participeront toutes les régions du pays et toutes les institutions dépendant de la tutelle. Il s'agit de faire connaître aux nouveaux bacheliers les filières et spécialités auxquelles ils peuvent prétendre en remplissant leurs fiches de vœux. Mais l'on sait tous que c'est la note obtenue au bac qui servira de critère. Plus elle est élevée et plus elle donne de possibilités. Les filières les plus prestigieuses iront aux notes les plus élevées : médecine, pharmacie, interprétariat, management, Ecole nationale d'administration… Dès le jour où il met les pieds dans un campus universitaire, l'étudiant sait qu'il y est pour préparer son avenir. Malheureusement, certains l'oublient en cours de route, et alors gare à la lassitude et à la déperdition. Pour mieux faire prendre conscience de la prégnance du monde du travail sur l'issue des études, l'université de Béjaïa a pris les devants en organisant en ce début de mois de juillet un forum sur «L'université et le monde productif», en présence des chefs d'entreprise, des enseignants, des chercheurs, des étudiants. L'université et l'entreprise C'est une opération de séduction et de marketing, mais aussi une occasion de laver le linge sale pour que l'université et l'entreprise cessent de se regarder en chiens de faïence. Pour reprendre les mots de Djoudi Merabet, recteur de l'université de Béjaïa : «Plus qu'un espace d'échange et de rencontres, ce forum vise à favoriser les mises en relations d'affaires et les projets de partenariat, et plus fondamentalement à créer des synergies et des ouvertures de perspectives pour tous». Synergie, partenariat, des mots qui sonnent bien. Mais comment parvenir à traduire en réalité ces concepts. Qui doit aller vers l'autre ? Qui doit faire le premier pas ? L'université ou l'entreprise ? Le patron de Cevital, Issad Rebrab, dont le complexe d'huile de table se trouve au port de Béjaïa, a déclaré qu'il a recruté l'essentiel de ses cadres sur les bancs mêmes de l'université. «Nous avons recruté des ingénieurs sur les bancs des universités. En six mois de perfectionnement, ils ont littéralement explosé. Désormais ce sont des cadres qui affichent des compétences qui n'ont rien à envier à leurs pairs des pays les plus développés.» Oui, mais combien sont-ils à le faire ? S'il est vrai que la majorité des entreprises, qu'elles soient publiques ou privées, sont dirigées par des cadres formés à l'Université algérienne, la réalité commande de dire que cela se fait presque au pif, après-coup et jamais en amont. Combien d'entreprises financent l'université et la formation des étudiants ? Combien d'entreprises en Algérie accordent des bourses ou des subventions ? Mais surtout, combien d'entreprises ont un laboratoire de recherche ? Existe-t-il des contrats de partenariat entre les universités et les entreprises ? L'indispensable passerelle Des questions, des questions, encore des questions, bien sûr, parce que, contrairement à ce qui se passe dans les pays développés, il existe peu de relations entre l'université et le monde du travail. Chacun travaille dans son coin, en vase clos. Il n'y a pas de passerelle, encore moins de synergie. Lorsque les entreprises font une offre d'emploi, elles exigent bien sûr des diplômes, mais surtout une ancienneté et une expérience de plusieurs années dans la spécialité ou la branche. Imaginez un jeune qui a fait de longues études, en moyenne quatre ou cinq ans après le bac (qu'il a peut-être passé deux ou trois fois) ; ajoutez-y les 18 mois du service national. A trente ans, il croit qu'il est au bout du tunnel, il épluche les petites annonces, et partout on lui demande une photo récente (oui, pourquoi ?) et une expérience de plusieurs années. Où est la synergie ? Maintenant, on pousse la gentillesse plus loin, puisqu'on exige d'avoir le permis de conduire, une voiture en bon état et de résider dans la localité. Quant à l'utilisation de son propre portable dans les contacts professionnels, c'est devenu une habitude entrée dans les mœurs. La faute à qui ? A l'université ou à l'entreprise ? Comme on est loin des recommandations adoptées aux forum de Béjaïa, dont les travaux ont été rehaussés par la présence d'experts nationaux et internationaux (British Petroleum, l'Ecole des hautes études commerciales de Paris-EHEC), et qui portent sur les contrats partenariaux, la réhabilitation de brevets, l'expertise, les aides à la création d'entreprise, la mise en place d'incubateurs… Tous les autres acteurs, à commencer par le Forum des chefs d'entreprises (FCE) ont tiré la sonnette d'alarme sur le sort réservé aux élites formées par l'Université algérienne. Rien que ces dernières années, plus de 100. 000 diplômés ont été obligés de s'expatrier pour trouver du travail. En France, au Canada, ou ailleurs. Une fuite des cerveaux qui ne s'explique que par l'étroitesse du marché du travail en Algérie et le peu de perspectives offertes aux diplômés nationaux. Malgré les différences de missions qui existent entre les universités et les entreprises, il y a tout de même des complémentarités entre elles. Si le rôle de l'université est de dispenser un savoir et de faire dans la recherche fondamentale, celui de l'entreprise est d'abord de faire des profits. Entre les visées commerciales d'abord et mission de service public, entreprises et universités devraient pourtant travailler la main dans la main. Une entreprise qui n'innove pas ne peut pas produire de valeur ajoutée. Elle doit passer des conventions de recherche en innovation avec les universités, tout en ayant ses propres laboratoires et ateliers de recherche dans lesquels seraient employés des diplômés. Lorsqu'il n'y aura plus de pétrole dans le sous-sol du pays, que l'or noir sera devenu une denrée rare, il apparaîtra l'importance de cette denrée encore plus précieuse, la matière grise, qui est le moteur du développement et du bien-être social. Les pays les plus avancés sont des pays où chaque année sont déposés des centaines de milliers de brevets et où sont publiées des milliers de thèses. Entre la recherche fondamentale, pratiquée à l'université (il en faut) et la recherche appliquée ou opérationnelle, dont a besoin l'université pour innover et mettre sur le marché des produits concurrentiels, il y a une place pour une collaboration étroite. Dans ce domaine comme dans d'autres, il suffit parfois de copier ce qui se fait ailleurs, et qui a fait ses preuves.