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Les enfants de la rue
120.000 SDF ont été recensés
Publié dans Le Midi Libre le 19 - 07 - 2007

Alger, les SDF se contentent d'un bout de trottoir sous les arcades de la rue Zirout-Youcef ou de la rue Bab Azzoun, à quelques pas du commissariat et du siège de l'Assemblée populaire nationale. La prise en charge et la réinsertion sociale des personnes en détresse restent encore des vœux pieux
Alger, les SDF se contentent d'un bout de trottoir sous les arcades de la rue Zirout-Youcef ou de la rue Bab Azzoun, à quelques pas du commissariat et du siège de l'Assemblée populaire nationale. La prise en charge et la réinsertion sociale des personnes en détresse restent encore des vœux pieux
A la descente du bus, à l'arrêt du Bois des Cars, à Dely Ibrahim, une jeune fille (disons qu'elle s'appelle Rabéa) aborde une dame.
- Pouvez-vous m'indiquer l'adresse du Samu social ?
Intriguée, la dame lui demande pourquoi elle veut aller dans ce centre.
- Je viens de Médéa, avoue la jeune fille. Je me suis disputée avec ma mère et je me suis enfuie de la maison.
- Voyons ! dit la dame en la grondant gentiment. Ce n'est pas du tout une raison pour fuguer. Toutes les filles ont des scènes avec leur maman et puis tout finit par s'arranger. Moi-même je me suis disputée avec ma fille ce matin pour une histoire de rien du tout, avant qu'elle n'aille au lycée. Tout à l'heure, à son retour, la colère aura passé et on va se réconcilier. On va se faire un café, on prendra des gâteaux, elle va me raconter sa journée et tout rentrera dans l'ordre.
La rue comme refuge
La vie est comme ça, elle est faite de hauts et de bas. Parfois, on rit, une autre fois, on pleure. Les relations à l'intérieur d'une famille sont comme la météo. Tantôt, il y a des nuages, tantôt, il y a des éclaircies. Allons, allons ! Il ne faut pas s'en faire pour ça !
Quelle tirade ! La dame débite tout cela d'un trait. Parce que d'un côté, elle ne comprend pas qu'une telle chose puisse arriver à la suite d'une simple altercation, et d'un autre côté, elle veut ramener les choses à leur juste proportion et rassurer cette jeune fille frêle et innocente qui se tient devant elle, désemparée, le regard doux et perdu, comme une biche aux abois. Elle est habillée simplement. Un foulard discret cache ses mèches brunes. A part sa démarche hésitante, rien ne la distingue des adolescentes qui, au même moment, sortent du lycée technicum de Dely Brahim. Pour une fille qui vient de déserter le toit familial, elle n'a emporté avec elle ni valise, ni balluchon, ni sac de voyage. Tout ce qu'elle porte, c'est son sac et un cartable d'élève studieuse. Preuve que sa fugue n'était pas du tout préméditée.
- Vous ne connaissez pas ma mère ! finit-elle par dire dans un soupir.
- Oui, je ne la connais pas, et c'est une situation nouvelle pour moi. Elle est aussi méchante que ça ?
- Plus encore
- Tu es lycéenne ?
- Oui, dit Rabéa. Je suis en terminale. Je dois passer le bac dans deux mois. Et le problème, c'est que je ne trouve pas un coin pour réviser mes cours et préparer mon examen.
Un quotidien amer
Rabéa déballe tous ses problèmes, comme si elle éprouvait un soulagement à se confier à cette inconnue : elle a plusieurs frères et sœurs. Elle est l'aînée des filles et c'est sur elle que retombe tout le ménage : la vaisselle, le nettoyage, la cuisine. La lessive. Et ses deux frères (un plus âgé et un plus jeune) la battent pour un rien. Personne ne prend son parti à la maison. Dès qu'elle prend son cahier, c'est une pluie de coups qui s'abat sur elle.
- Et maintenant, lui demande la dame, que vas-tu faire ?
- Je vais dans le centre du Samu. On m'a dit qu'il recueille les gens en difficulté.
- Bon, dit la dame. Suis-moi ! Je crois bien qu'il se trouve dans cette direction, en prenant le chemin de la polyclinique. Mais en cours de route, la dame se ravise.
- Non. On va faire autre chose. Tu vas venir chez moi. Tu vas rester à la maison pendant quelques jours, le temps qu'on prenne langue avec ta mère et que tu puisses retourner chez toi.
- Oh non, pas ça ! crie Rabéa, effrayée. Mon père va me tuer.
- Tu as peur de ta mère ou de ton père. ?
- Ma mère ne fait que crier. Mais mon père me bat si violemment que j'en ai une peur bleue. C'est ma mère qui le monte contre moi. Dès qu'il rentre le soir, elle le monte comme un réveil. Tous les jours, depuis plus d'une semaine, c'est le même scénario. Non, je ne veux plus retourner à la maison.
- Tu vas quand même venir chez moi. Je vais te présenter à mon mari et mes enfants, à ma fille surtout. Tu vas voir, vous allez devenir copines. La nuit porte conseil. Demain, on saura quoi faire. Tu as une carte d'identité sur toi ?.
- Oui, dit Rabéa. Elle lui montre ses papiers, et son certificat de scolarité.
- Tout cela est en règle, reconnaît la dame. Allons-y !
Rabéa hésite.
- Votre mari ne dira rien ?
- Mais non, viens, ne crains rien.
Rabéa est mise à l'aise dans sa nouvelle famille. On lui fait une place dans la chambre de la fille de la maison. Au bout de trois jours, c'est elle-même qui demande à téléphoner à sa maman. Ses frères, son père, toute la famille est inquiète, se demandant où elle est passée. La dame et son mari l'accompagnent à la gare routière, où elle prend un bus en direction de Médéa.
La tyrannie des parents
L'exemple de Rabéa n'est pas un cas isolé. Ils sont des milliers comme elle, garçons ou filles, à se retrouver à la rue du jour au lendemain. Mais ce qui fait la spécificité de Rabéa, c'est qu'elle est issue d'une famille unie. Elle a des frères et sœurs. Ce qui cloche, c'est le comportement de la mère, sa méchanceté atavique, à la limite de l'hystérie, et la maniabilité maladive du père. Il suffit que la mère, pour un oui, pour un non, lui fasse un rapport alarmant (et c'est presque tous les jours le cas), pour qu'il la batte avec la plus extrême violence.
Quelques jours plus tard, la même dame reçoit la visite d'une femme cherchant du travail.
« Je suis hébergée, dit-elle, au centre du Samu social de Dely Brahim. On me permet de chercher du travail pour gagner ma vie. Vous n'avez pas besoin d'une femme de ménage ? ».
La dame l'oriente vers l'une de ses voisines qui justement est à la recherche d'une femme de ménage. Ainsi, en l'espace de quelques jours seulement, la dame en apprend beaucoup sur le Samu social de Dely Brahim, dont elle a souvent entendu parler, sans savoir exactement ce qu'on y fait, ni quelles sont ses missions. Elle comprend que chaque SDF est un cas à part. Il y a les enfants abandonnés, bébés x nés de parents inconnus ou pas. Toutes les mères célibataires qui ne peuvent pas assumer leur condition au vu de la pression exercée par la société, et qui ne sont pas toutes, loin s'en faut, des dévergondées. Les causes de leur difficultés sont aussi multiples que variées : inceste, fausses promesses de mariage, un flirt malheureux, quelques caresses échangées en catimini et qui finissent en drame, etc. Il y a tellement de cas. Et puis il y a les enfants du divorce, un père qui décède ou qui se remarie. Le courant ne passe pas entre eux et leur beau-père ou leur marâtre. Ils sont mis à la porte, sinon décident d'eux-mêmes de prendre la clé des champs. Dans les grandes villes, il y a la promiscuité des logements et la clochardisation de certains quartiers. Quand on habite à quatorze dans un modeste F2, il suffit d'une nouvelle naissance ou d'un invité de passage, ou d'une petite étincelle pour mettre le feu aux poudres des relations familiales, et bonjour les dégâts. Il y a des familles où l'on dort à tour de rôle, faute d'espace. D'aucuns, après avoir perdu leur travail, finissent pas s'endetter, vendent leur demeure et se retrouvent à la belle étoile avec leur smala. Et pour corser un peu plus le tableau, la décennie noire qu'a vécue le pays a provoqué un exode incroyable. De nombreux campagnards, habitant des hameaux isolés, ont été obligés de quitter leur domicile à la recherche d'un hypothétique havre de paix. Ils sont venus hélas, grossir les rangs de ceux qu'on appelle les SDF.
L'inexistance
de structures d'accueil
Qu'est-ce que le Samu
social ? Quel est sa mission ? Au mois de mai dernier a eu lieu un atelier de formation organisé par le ministère de la Solidarité, et animée par la directrice du Samu social international, Mme Marine Quenin. Les participants à cet atelier ont tous relevé le manque de coordination entre les différentes structures, l'absence de suivi, l'insuffisance de personnel qualifié, une formation inadaptée, l'inexistence de structures d'accueil. En un mot, ils en ont conclu qu'il est temps que le Samu social fasse sa mue. Marine Quenin a affirmé que le Samu doit avoir pour objectif de redonner le goût de la vie aux personnes en difficulté. Quant aux responsables algériens, tout en informant qu'il existe des projets de centres d'hébergement à Boumerdès et Ain Temouchent, ils ont déclaré que la chaîne d'intervention souffre de graves insuffisances. Pendant ce temps, surtout à Alger, les SDF se contentent d'un bout de trottoir. La prise en charge et la réinsertion sociale des personnes en détresse restent encore des vœux pieux. Les centres d'urgence de Hadjout (Tipasa) et de Nasséria (Boumerdès) parent au plus pressé, alors qu'un numéro vert 1527 est mis à la disposition du public. Mais par rapport à l'importance des besoins, on peut dire que c'est une goutte d'eau dans l'océan.
A la descente du bus, à l'arrêt du Bois des Cars, à Dely Ibrahim, une jeune fille (disons qu'elle s'appelle Rabéa) aborde une dame.
- Pouvez-vous m'indiquer l'adresse du Samu social ?
Intriguée, la dame lui demande pourquoi elle veut aller dans ce centre.
- Je viens de Médéa, avoue la jeune fille. Je me suis disputée avec ma mère et je me suis enfuie de la maison.
- Voyons ! dit la dame en la grondant gentiment. Ce n'est pas du tout une raison pour fuguer. Toutes les filles ont des scènes avec leur maman et puis tout finit par s'arranger. Moi-même je me suis disputée avec ma fille ce matin pour une histoire de rien du tout, avant qu'elle n'aille au lycée. Tout à l'heure, à son retour, la colère aura passé et on va se réconcilier. On va se faire un café, on prendra des gâteaux, elle va me raconter sa journée et tout rentrera dans l'ordre.
La rue comme refuge
La vie est comme ça, elle est faite de hauts et de bas. Parfois, on rit, une autre fois, on pleure. Les relations à l'intérieur d'une famille sont comme la météo. Tantôt, il y a des nuages, tantôt, il y a des éclaircies. Allons, allons ! Il ne faut pas s'en faire pour ça !
Quelle tirade ! La dame débite tout cela d'un trait. Parce que d'un côté, elle ne comprend pas qu'une telle chose puisse arriver à la suite d'une simple altercation, et d'un autre côté, elle veut ramener les choses à leur juste proportion et rassurer cette jeune fille frêle et innocente qui se tient devant elle, désemparée, le regard doux et perdu, comme une biche aux abois. Elle est habillée simplement. Un foulard discret cache ses mèches brunes. A part sa démarche hésitante, rien ne la distingue des adolescentes qui, au même moment, sortent du lycée technicum de Dely Brahim. Pour une fille qui vient de déserter le toit familial, elle n'a emporté avec elle ni valise, ni balluchon, ni sac de voyage. Tout ce qu'elle porte, c'est son sac et un cartable d'élève studieuse. Preuve que sa fugue n'était pas du tout préméditée.
- Vous ne connaissez pas ma mère ! finit-elle par dire dans un soupir.
- Oui, je ne la connais pas, et c'est une situation nouvelle pour moi. Elle est aussi méchante que ça ?
- Plus encore
- Tu es lycéenne ?
- Oui, dit Rabéa. Je suis en terminale. Je dois passer le bac dans deux mois. Et le problème, c'est que je ne trouve pas un coin pour réviser mes cours et préparer mon examen.
Un quotidien amer
Rabéa déballe tous ses problèmes, comme si elle éprouvait un soulagement à se confier à cette inconnue : elle a plusieurs frères et sœurs. Elle est l'aînée des filles et c'est sur elle que retombe tout le ménage : la vaisselle, le nettoyage, la cuisine. La lessive. Et ses deux frères (un plus âgé et un plus jeune) la battent pour un rien. Personne ne prend son parti à la maison. Dès qu'elle prend son cahier, c'est une pluie de coups qui s'abat sur elle.
- Et maintenant, lui demande la dame, que vas-tu faire ?
- Je vais dans le centre du Samu. On m'a dit qu'il recueille les gens en difficulté.
- Bon, dit la dame. Suis-moi ! Je crois bien qu'il se trouve dans cette direction, en prenant le chemin de la polyclinique. Mais en cours de route, la dame se ravise.
- Non. On va faire autre chose. Tu vas venir chez moi. Tu vas rester à la maison pendant quelques jours, le temps qu'on prenne langue avec ta mère et que tu puisses retourner chez toi.
- Oh non, pas ça ! crie Rabéa, effrayée. Mon père va me tuer.
- Tu as peur de ta mère ou de ton père. ?
- Ma mère ne fait que crier. Mais mon père me bat si violemment que j'en ai une peur bleue. C'est ma mère qui le monte contre moi. Dès qu'il rentre le soir, elle le monte comme un réveil. Tous les jours, depuis plus d'une semaine, c'est le même scénario. Non, je ne veux plus retourner à la maison.
- Tu vas quand même venir chez moi. Je vais te présenter à mon mari et mes enfants, à ma fille surtout. Tu vas voir, vous allez devenir copines. La nuit porte conseil. Demain, on saura quoi faire. Tu as une carte d'identité sur toi ?.
- Oui, dit Rabéa. Elle lui montre ses papiers, et son certificat de scolarité.
- Tout cela est en règle, reconnaît la dame. Allons-y !
Rabéa hésite.
- Votre mari ne dira rien ?
- Mais non, viens, ne crains rien.
Rabéa est mise à l'aise dans sa nouvelle famille. On lui fait une place dans la chambre de la fille de la maison. Au bout de trois jours, c'est elle-même qui demande à téléphoner à sa maman. Ses frères, son père, toute la famille est inquiète, se demandant où elle est passée. La dame et son mari l'accompagnent à la gare routière, où elle prend un bus en direction de Médéa.
La tyrannie des parents
L'exemple de Rabéa n'est pas un cas isolé. Ils sont des milliers comme elle, garçons ou filles, à se retrouver à la rue du jour au lendemain. Mais ce qui fait la spécificité de Rabéa, c'est qu'elle est issue d'une famille unie. Elle a des frères et sœurs. Ce qui cloche, c'est le comportement de la mère, sa méchanceté atavique, à la limite de l'hystérie, et la maniabilité maladive du père. Il suffit que la mère, pour un oui, pour un non, lui fasse un rapport alarmant (et c'est presque tous les jours le cas), pour qu'il la batte avec la plus extrême violence.
Quelques jours plus tard, la même dame reçoit la visite d'une femme cherchant du travail.
« Je suis hébergée, dit-elle, au centre du Samu social de Dely Brahim. On me permet de chercher du travail pour gagner ma vie. Vous n'avez pas besoin d'une femme de ménage ? ».
La dame l'oriente vers l'une de ses voisines qui justement est à la recherche d'une femme de ménage. Ainsi, en l'espace de quelques jours seulement, la dame en apprend beaucoup sur le Samu social de Dely Brahim, dont elle a souvent entendu parler, sans savoir exactement ce qu'on y fait, ni quelles sont ses missions. Elle comprend que chaque SDF est un cas à part. Il y a les enfants abandonnés, bébés x nés de parents inconnus ou pas. Toutes les mères célibataires qui ne peuvent pas assumer leur condition au vu de la pression exercée par la société, et qui ne sont pas toutes, loin s'en faut, des dévergondées. Les causes de leur difficultés sont aussi multiples que variées : inceste, fausses promesses de mariage, un flirt malheureux, quelques caresses échangées en catimini et qui finissent en drame, etc. Il y a tellement de cas. Et puis il y a les enfants du divorce, un père qui décède ou qui se remarie. Le courant ne passe pas entre eux et leur beau-père ou leur marâtre. Ils sont mis à la porte, sinon décident d'eux-mêmes de prendre la clé des champs. Dans les grandes villes, il y a la promiscuité des logements et la clochardisation de certains quartiers. Quand on habite à quatorze dans un modeste F2, il suffit d'une nouvelle naissance ou d'un invité de passage, ou d'une petite étincelle pour mettre le feu aux poudres des relations familiales, et bonjour les dégâts. Il y a des familles où l'on dort à tour de rôle, faute d'espace. D'aucuns, après avoir perdu leur travail, finissent pas s'endetter, vendent leur demeure et se retrouvent à la belle étoile avec leur smala. Et pour corser un peu plus le tableau, la décennie noire qu'a vécue le pays a provoqué un exode incroyable. De nombreux campagnards, habitant des hameaux isolés, ont été obligés de quitter leur domicile à la recherche d'un hypothétique havre de paix. Ils sont venus hélas, grossir les rangs de ceux qu'on appelle les SDF.
L'inexistance
de structures d'accueil
Qu'est-ce que le Samu
social ? Quel est sa mission ? Au mois de mai dernier a eu lieu un atelier de formation organisé par le ministère de la Solidarité, et animée par la directrice du Samu social international, Mme Marine Quenin. Les participants à cet atelier ont tous relevé le manque de coordination entre les différentes structures, l'absence de suivi, l'insuffisance de personnel qualifié, une formation inadaptée, l'inexistence de structures d'accueil. En un mot, ils en ont conclu qu'il est temps que le Samu social fasse sa mue. Marine Quenin a affirmé que le Samu doit avoir pour objectif de redonner le goût de la vie aux personnes en difficulté. Quant aux responsables algériens, tout en informant qu'il existe des projets de centres d'hébergement à Boumerdès et Ain Temouchent, ils ont déclaré que la chaîne d'intervention souffre de graves insuffisances. Pendant ce temps, surtout à Alger, les SDF se contentent d'un bout de trottoir. La prise en charge et la réinsertion sociale des personnes en détresse restent encore des vœux pieux. Les centres d'urgence de Hadjout (Tipasa) et de Nasséria (Boumerdès) parent au plus pressé, alors qu'un numéro vert 1527 est mis à la disposition du public. Mais par rapport à l'importance des besoins, on peut dire que c'est une goutte d'eau dans l'océan.


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