Nous avions préparé deux verres de sang Nedjma ouvrait ses yeux parmi les arbres. Un luth faisait mousser les plaines et les transformait en jardins Noirs comme du sang qui aurait absorber le soleil J'avais Nedjma sous le cœur frais fumais des bancs de chair précieuse -Nedjma depuis que nous rêvons bien des astres nous ont suivis… Je t'avais prévue immortelle ainsi que l'air et l'inconnu Et voilà que tu meurs et que je me perds et que tu ne peux me demander de pleurer… Où sont Nedjma les nuits sèches nous les portions sur notre dos pour abriter d'autres sommeils ; La fontaine où les saints galvanisaient les bendirs La mosquée pour penser la blanche lisse comme un chiffon de soie. La mer sifflée sur les visages grâce à des lunes suspendues dans l'eau telles des boules de peau de givre… C'était ce poème Nedjma qu'il fallait conserver. Nedjma je t'ai appris un diwan tout-puissant mais ma voix s'éboule je suis dans une musique déserte j'ai beau jeter ton cœur il me revient décomposé. Pourtant nous avions nom dans l'épopée nous avons parcouru le pays de complainte nous avons suivi les pleureuses quand elles riaient derrière le Nil… Maintenant Alger nous sépare une sirène nous a rendus sourds un treuil sournois déracine ta beauté. Peut-être Nedjma que le charme est passé mais ton eau gicle sous mes yeux déférents ; Et les mosquées croulaient sous les lances du soleil Comme si Constantine avait surgi du feu par de plus subtils incendies Nedjma mangeait des fruits malsains à l'ombre des broussailles Un poète désolait la ville suivi par un chien sournois Je suivis les murailles pour oublier les mosquées Nedjma fit un sourire trempa les fruits dans sa poitrine Le poète nous jetait des cailloux devant le chien et la noble ville… Et les émirs firent des présents aux peuples c'était la fin du Ramadhan Les matins s'élevaient du plus chaud des collines une pluie odorante ouvrait le ventre des cactus. Nedjma tenait mon coursier par la bride greffait des cristaux sur le sable Je dis Nedjma le sable est plein de nos empreintes gorgées d'or ; Les nomades nous guettent leurs cris crèvent nos mots ainsi que des bulles Nous ne verrons plus les palmiers poussés vers la grêle tendre des étoiles Nedjma les chameliers sont loin et la dernière étape est au Nord ; Nedjma tira sur la bride je sellai un dromadaire musclé comme un ancêtre. Lorsque je perdis l'andalouse je ne pus rien dire j'agonisais sous son souffle il me fallut le temps de la nommer Les palmiers pleuraient sur ma tête j'aurais pu oublier l'enfant pour le feuillage Mais Nedjma dormait restait immortelle et je pouvais toucher ses seins déconcertants… C'était à Bône au temps léger des jujubes Nedjma m'avait ouvert d'immenses palmeraies Nedjma dormait comme un navire l'amour saignait sous son cœur immobile. Nedjma ouvre tes yeux fameux le temps passe je mourrai dans sept et sept ans ne sois pas inhumaine ; Fouille les plus profonds bassins c'est là qu'elle coule quand ses yeux ferment les nuits comme des trappes. Coupez mes rêves tels des serpents ou bien portez-moi dans le sommeil de Nedjma je ne puis supporter cette solitude (Publié in « Mercure de France », 1er janvier 1948, Paris. Kateb Yacine à 18 ans.) Nous avions préparé deux verres de sang Nedjma ouvrait ses yeux parmi les arbres. Un luth faisait mousser les plaines et les transformait en jardins Noirs comme du sang qui aurait absorber le soleil J'avais Nedjma sous le cœur frais fumais des bancs de chair précieuse -Nedjma depuis que nous rêvons bien des astres nous ont suivis… Je t'avais prévue immortelle ainsi que l'air et l'inconnu Et voilà que tu meurs et que je me perds et que tu ne peux me demander de pleurer… Où sont Nedjma les nuits sèches nous les portions sur notre dos pour abriter d'autres sommeils ; La fontaine où les saints galvanisaient les bendirs La mosquée pour penser la blanche lisse comme un chiffon de soie. La mer sifflée sur les visages grâce à des lunes suspendues dans l'eau telles des boules de peau de givre… C'était ce poème Nedjma qu'il fallait conserver. Nedjma je t'ai appris un diwan tout-puissant mais ma voix s'éboule je suis dans une musique déserte j'ai beau jeter ton cœur il me revient décomposé. Pourtant nous avions nom dans l'épopée nous avons parcouru le pays de complainte nous avons suivi les pleureuses quand elles riaient derrière le Nil… Maintenant Alger nous sépare une sirène nous a rendus sourds un treuil sournois déracine ta beauté. Peut-être Nedjma que le charme est passé mais ton eau gicle sous mes yeux déférents ; Et les mosquées croulaient sous les lances du soleil Comme si Constantine avait surgi du feu par de plus subtils incendies Nedjma mangeait des fruits malsains à l'ombre des broussailles Un poète désolait la ville suivi par un chien sournois Je suivis les murailles pour oublier les mosquées Nedjma fit un sourire trempa les fruits dans sa poitrine Le poète nous jetait des cailloux devant le chien et la noble ville… Et les émirs firent des présents aux peuples c'était la fin du Ramadhan Les matins s'élevaient du plus chaud des collines une pluie odorante ouvrait le ventre des cactus. Nedjma tenait mon coursier par la bride greffait des cristaux sur le sable Je dis Nedjma le sable est plein de nos empreintes gorgées d'or ; Les nomades nous guettent leurs cris crèvent nos mots ainsi que des bulles Nous ne verrons plus les palmiers poussés vers la grêle tendre des étoiles Nedjma les chameliers sont loin et la dernière étape est au Nord ; Nedjma tira sur la bride je sellai un dromadaire musclé comme un ancêtre. Lorsque je perdis l'andalouse je ne pus rien dire j'agonisais sous son souffle il me fallut le temps de la nommer Les palmiers pleuraient sur ma tête j'aurais pu oublier l'enfant pour le feuillage Mais Nedjma dormait restait immortelle et je pouvais toucher ses seins déconcertants… C'était à Bône au temps léger des jujubes Nedjma m'avait ouvert d'immenses palmeraies Nedjma dormait comme un navire l'amour saignait sous son cœur immobile. Nedjma ouvre tes yeux fameux le temps passe je mourrai dans sept et sept ans ne sois pas inhumaine ; Fouille les plus profonds bassins c'est là qu'elle coule quand ses yeux ferment les nuits comme des trappes. Coupez mes rêves tels des serpents ou bien portez-moi dans le sommeil de Nedjma je ne puis supporter cette solitude (Publié in « Mercure de France », 1er janvier 1948, Paris. Kateb Yacine à 18 ans.)