Actualité n Une belle et intéressante exposition de photographies de l'artiste Kays Djilali se tient au Centre culturel français d'Alger. Les photographies accrochées sur les cimaises de l'espace d'exposition ont pour thème générique «Harragas». Elles racontent en noir et blanc une tragédie humaine, celle des migrants subsahariens qui, en attendant la traversée miraculeuse, le passage de l'autre côté de la frontière, font halte en Algérie, pays de transit et fenêtre grande ouverte sur l'Europe, l'Occident. Ils attendent là, à espérer un jour pouvoir franchir la Méditerranée. En attendant, ils errent dans nos villes, fuient le regard des gens, ils se cachent. Les photographies que l'artiste nous fait partager saisissent avec sensibilité des migrants subsahariens dans des squats, dans la banlieue d'Alger, à Djanet ou à Tamanrasset. Les prises de vues qui sont réalisées avec art et qui attestent d'une qualité d'expression esthétique, laissent entrevoir le militantisme de l'artiste et aussi de l'indignation, car les sujets figurant sur les photographies sont des clandestins : ils rasent les murs, circulent dans l'ombre pour ne pas se faire remarquer, attirer l'attention. Ils sont là, mais comme s'ils n'existaient pas. Ils sont à la fois présents et absents. En somme, ils se cachent des autres, de nous, mais il semble aussi se cacher d'eux-mêmes, fuir leur propre regard. Ces clandestins, sans nom ni référence, apparaissent comme des silhouettes, floues, toujours se dérobant au moindre regard venant de l'extérieur. Ils sont anonymes. La thématique abordée et développée par Kays Djilali est inédite dans l'art de la photographie algérien. Alors que des artistes prennent un plaisir de villégiature en prenant des prises de vue des beaux paysages que recèle l'Algérie, prises de vue pareilles à des cartes postales à faire rêver, notre artiste, Kays Djilali, lui, a préféré toucher, évoquer en image la dure réalité des clandestins, que l'on nomme aussi Harragas, en organisant l'image photographique comme un espace de représentation de la réalité que nombre d'entre nous ignorent même si elle est là et que l'évidence se révèle indéniable. Même si les photographies de l'artiste s'inscrivent dans l'appréhension d'un réel préoccupant et d'actualité, elles illustrent néanmoins un travail de recherche créatif, et cela à travers le regard de l'artiste qui, abonde, attentif et pertinent, se déploie, çà et là, dans ce monde de l'image qui s'offre à nous avec éclat, passion et tumulte. Ces photographies libèrent, laissent échapper une suite d'impressions et de sensations. Par leur charge expressive, elles nous interpellent et nous incitent à nous interroger sur son contenu. Il est à souligner qu'une rencontre de deux jours, les 28 et 29 janvier, aura lieu au Centre culturel français et qui aura pour thème «Migration : autres regards». Ce rendez-vous se veut le prolongement de l'exposition.