De passage dans ce village aux mille facettes, je ne m'attendais pas à rencontrer un ami de longue date, l'écrivain et journaliste, M. Youcef Merahi, qui, de surcroît est originaire de cette localité. Une aubaine pour moi, car je ne pouvais trouver mieux pour nous le décrire. Oui, en effet, commencera-t-il par dire, j'ai passé ma prime enfance dans ce village communément dénommé Issiakhen U Meddour. J'ai toujours tenté de comprendre l'étymologie de ce toponyme, mais peine perdue, car aucun document ne l'explique. Néamoions, Issiakhen viendrait du fait que ce village est niché sur une espèce de plateau qu'encerclent deux oueds, le Sebaou et L'Aït Aïssi d'où les crues historiques de l'époque, notamment celles de 1974 et les érosions qui s'ensuivent. «U» signifiant l'appartenance «Meddour» est de la même famille de sens que «dder», vivre en français. Mon village est collé à la voie à grande vitesse, la RN 24, ou le contraire, comme si Issiakhen U Meddour fait du stop au développement, le comble dans tout cela, c'est que mon village est à un empan de la zone industrielle de Oued Aïssi qui ne lui profite guère, sinon par les quelques emplois générés pendant l'âge d'or du complexe électroménager (Eniem). Du reste, les jeunes villageois s'entassent quotidiennement sur deux mamelons surplombant cette «autoroute».Oisiveté oblige, ils n'ont que le loisir de compter et de recompter, sans cesse et sans possession statistique, le flot de voitures qui vont vers la haute Kabylie, Larbaa Nath Irathen et Ain El Hammam notamment, ou ceux qui se dirigent vers Azazga et ses environs. Ces jeunes, que l'on ne peut appeler «hististes» font le pied de cigogne face au temps qui ronge leur jeunesse, dérange leur projection, perturbe leur rêve et falsifie l'harmonie du village, Issiakhen Umeddour. Le café des ‘‘Imansouren'' ne les retient pas plus que celui situé sur la route d'à coté, qui a rogné sur la pudeur légendaire de tout villageois, qui déverse sur un chemin défoncé, les tapages des joueurs de dominos. A une encablure de cet estaminet obscur, comme le cimetière du village laisse perler son silence de l'éternité. Il y a pourtant de sacrés bons joueurs de dominos qui reposent en cette terre du repos perpétuel. De mon temps, l'école primaire était à près de trois kilomètres de marche, maintenant une école a été construite aux lendemains de l'Indépendance au milieu du village, elle porte le nom du chahid «Amar Merahi». Nos enfants aujourd'hui s'en portent mieux, ils ont le savoir à portée de cerveau et beaucoup d'entre eux ont pu faire des études universitaires, à Tizi-Ouzou ou dans les autres contrées du territoire national. A part cette école, il n'y a aucune autre structure publique. Pour une simple injection, il faut faire sept kilomètres pour se payer une paire de chaussures, il faut encore aller vers le «billadj», c'est comme ça nos ancêtres appelaient Tizi-Ouzou. Pour le collège, le lycée, ou tout simplement pour avoir l'impression de la ville, de l'urbanité, Tizi-Ouzou demeure toujours ce lieu privilégié des errances, Ne dit-on pas que soixante-six communes, donc près de mille quatre cent village, déversent dans la ville de Tizi-Ouzou. Je ne peux pas citer cette route défoncée, déglinguée, percée de partout, qui s'embourbe l'hiver et donne des sirocos l'été, grande artère, sic ! qui ne provient et ne va nulle part. De la première maison du village, ou le béton fait désormais sa loi et où l'architecture est protégée par des pneus suspendus sur les façades principales, à la dernière semble mourir des milliers et des milliers de pas qui la pénètrent en chaque saison. L'électricité éclaire les maisons, le gaz fait définitivement concurrence au bois. Les cheminées ne fument plus, le coq ne chante plus au matin, la localité d'Issiakhen Umeddour est projetée au vingt-et-unième siècle sans avoir les moyens de son ambition. Que manquerait-il donc à ce village ? Peut-être une âme. K. Z. De passage dans ce village aux mille facettes, je ne m'attendais pas à rencontrer un ami de longue date, l'écrivain et journaliste, M. Youcef Merahi, qui, de surcroît est originaire de cette localité. Une aubaine pour moi, car je ne pouvais trouver mieux pour nous le décrire. Oui, en effet, commencera-t-il par dire, j'ai passé ma prime enfance dans ce village communément dénommé Issiakhen U Meddour. J'ai toujours tenté de comprendre l'étymologie de ce toponyme, mais peine perdue, car aucun document ne l'explique. Néamoions, Issiakhen viendrait du fait que ce village est niché sur une espèce de plateau qu'encerclent deux oueds, le Sebaou et L'Aït Aïssi d'où les crues historiques de l'époque, notamment celles de 1974 et les érosions qui s'ensuivent. «U» signifiant l'appartenance «Meddour» est de la même famille de sens que «dder», vivre en français. Mon village est collé à la voie à grande vitesse, la RN 24, ou le contraire, comme si Issiakhen U Meddour fait du stop au développement, le comble dans tout cela, c'est que mon village est à un empan de la zone industrielle de Oued Aïssi qui ne lui profite guère, sinon par les quelques emplois générés pendant l'âge d'or du complexe électroménager (Eniem). Du reste, les jeunes villageois s'entassent quotidiennement sur deux mamelons surplombant cette «autoroute».Oisiveté oblige, ils n'ont que le loisir de compter et de recompter, sans cesse et sans possession statistique, le flot de voitures qui vont vers la haute Kabylie, Larbaa Nath Irathen et Ain El Hammam notamment, ou ceux qui se dirigent vers Azazga et ses environs. Ces jeunes, que l'on ne peut appeler «hististes» font le pied de cigogne face au temps qui ronge leur jeunesse, dérange leur projection, perturbe leur rêve et falsifie l'harmonie du village, Issiakhen Umeddour. Le café des ‘‘Imansouren'' ne les retient pas plus que celui situé sur la route d'à coté, qui a rogné sur la pudeur légendaire de tout villageois, qui déverse sur un chemin défoncé, les tapages des joueurs de dominos. A une encablure de cet estaminet obscur, comme le cimetière du village laisse perler son silence de l'éternité. Il y a pourtant de sacrés bons joueurs de dominos qui reposent en cette terre du repos perpétuel. De mon temps, l'école primaire était à près de trois kilomètres de marche, maintenant une école a été construite aux lendemains de l'Indépendance au milieu du village, elle porte le nom du chahid «Amar Merahi». Nos enfants aujourd'hui s'en portent mieux, ils ont le savoir à portée de cerveau et beaucoup d'entre eux ont pu faire des études universitaires, à Tizi-Ouzou ou dans les autres contrées du territoire national. A part cette école, il n'y a aucune autre structure publique. Pour une simple injection, il faut faire sept kilomètres pour se payer une paire de chaussures, il faut encore aller vers le «billadj», c'est comme ça nos ancêtres appelaient Tizi-Ouzou. Pour le collège, le lycée, ou tout simplement pour avoir l'impression de la ville, de l'urbanité, Tizi-Ouzou demeure toujours ce lieu privilégié des errances, Ne dit-on pas que soixante-six communes, donc près de mille quatre cent village, déversent dans la ville de Tizi-Ouzou. Je ne peux pas citer cette route défoncée, déglinguée, percée de partout, qui s'embourbe l'hiver et donne des sirocos l'été, grande artère, sic ! qui ne provient et ne va nulle part. De la première maison du village, ou le béton fait désormais sa loi et où l'architecture est protégée par des pneus suspendus sur les façades principales, à la dernière semble mourir des milliers et des milliers de pas qui la pénètrent en chaque saison. L'électricité éclaire les maisons, le gaz fait définitivement concurrence au bois. Les cheminées ne fument plus, le coq ne chante plus au matin, la localité d'Issiakhen Umeddour est projetée au vingt-et-unième siècle sans avoir les moyens de son ambition. Que manquerait-il donc à ce village ? Peut-être une âme. K. Z.