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«Nous portons la souffrance de nos parents et la France doit reconnaître le génocide»
Mehdi Lallaoui, documentariste, au Midi Libre
Publié dans Le Midi Libre le 17 - 10 - 2009

Mehdi Lallaoui est né de parents algériens à Argenteuil (banlieue de Paris) et a débuté sa carrière de cinéaste, plus précisément de documentariste, avec un premier film sur le 17 Octobre 1961, ‘'Le silence du fleuve'' en 1990. Cinq ans plus tard, il réalise avec Bernard Langlois pour la chaîne franco-allemande ARTE, le premier film sur les massacres de Sétif, le 8 mai 1945. Lallaoui est, par ailleurs, président de l'association ‘'Au nom de la mémoire'' qui participe chaque année, le 17 octobre, avec de nombreuses autres organisations, au rassemblement sur le pont Saint-Michel.
Pourquoi ce titre ‘'Pour en finir avec la guerre'', alors que vous ne parlez que de la guerre dans votre film ?
C'est vrai, la guerre est finie depuis 1962, mais il n'y a pas eu de paroles, on en parle beaucoup, mais on en parle mal. Donc, pour en finir, pour dépasser cette guerre, pour pouvoir parler de l'après-guerre, il faut dire aussi ce qui s'est passé ici en France. Des millions de personnes en France sont concernées par ce qui était appelé les ‘'événements''. Les Pieds-noirs et les harkis, les immigrés, les deux millions d'appelés et les descendants de tous ces groupes mémoriels sont les différentes déclinaisons de cette histoire. Mon travail ‘'En finir avec la guerre'' est un appel à la fraternité pour construire d'autres rapports et exprimer sereinement quelque chose de douloureux pourtant
Comment expliquez-vous cette chape de plomb sur le 17 Octobre 1961 en France ?
C'est tellement énorme, tellement honteux! C'était, rappelons-nous, dix ans après les tortures de la Gestapo à Paris, la déportation des juifs ! Des policiers français en uniforme dans cette capitale ont commis des massacres de gens désarmés. La première victime était un enfant de quinze ans fusillé sur le pont de Neuilly. Ce n'est pas glorieux. C'est tellement honteux. Tout le monde sait ce qui s'est passé, qu'il y a eu des dizaines de morts. Les historiens ont fait leur travail ; nul ne peut ignorer cette tragédie, mais les gouvernements français successifs, de gauche comme de droite, ont fait la sourde oreille. Nous ne parlons pas de cela pour culpabiliser nos concitoyens mais parce que nous sommes nés ici. Nous sommes les enfants de ce pays et nous devons parler de toute l'histoire de France sans occultation. Nous ne revendiquons pas la repentance, l'autoflagellation, mais la justice et la reconnaissance par l'Etat français du crime du 17 Octobre
Vos œuvres dont «Le silence du fleuve» puis «En finir avec la guerre» sont-elles le travail d'un documentariste ou d'un enfant d'immigré ?
J'ai fait un travail de citoyen épris de vérité et de justice, d'abord. Nos parents étaient parmi les manifestants et c'est donc naturellement que je me suis intéressé à cette période. Cela dit, de nombreux écrivains et cinéastes français ont travaillé et travaillent sur le sujet. Ce n'est pas une question de nationalité mais de combat, je dis bien combat, pour la mémoire commune, la vérité. Ce n'est pas un travail que l'on fait par intellectualisme. Mon père a eu la vie sauve, grâce à un instituteur français qui l'avait caché dans le coffre de sa voiture pour lui faire traverser le pont de Neuilly. Nous sommes les enfants de ces manifestants et nous portons leur souffrance
Croyez-vous à la reconnaissance de ce crime commis par l'Etat français?
Oui, c'est le sens de notre combat. Chaque année, lors de notre rassemblement sur le pont Saint-Michel, nous revendiquons cette reconnaissance du crime du 17 Octobre. Le chemin sera long. Il a fallu attendre les années 70 pour évoquer les crimes du gouvernement de Vichy, pour qu'on découvre que la France était majoritairement pétainiste ! Ce n'était pas très glorieux. Au sortir de la guerre, il existait une mythologie de la France résistante, il a fallu du temps pour dire la vérité. Il est vrai que la majorité politique actuelle a été à l'origine de la loi de la loi du 23 février 2005 qui reconvoque l'esprit colonial en permettant d'indemniser les assassins de l'OAS et en demandant aux enseignants de faire l'apologie de la colonisation.
La situation des immigrés algériens, l'avenir de leurs enfants seraient différents par cette reconnaissance?
Pas seulement, pour les enfants d'algériens. Nous éprouvons cette souffrance parce que nous sommes des hommes et des femmes, nous portons comme nos parents cette souffrance de l'humiliation, de ces assassinats, de ces non-dits, de cette occultation. La reconnaissance, c'est pour nous réparer, pour nous alléger de ce poids. Parce que pour nous, longer la Seine, traverser des ponts, marcher sur les grands boulevards c'est insupportable. Nous voyons partout ces manifestants, leur sang et leur douleur.
Comment a été réalisé ‘'Le silence du fleuve» ?
En dehors des difficultés habituelles de financement, c'était très douloureux de faire parler les témoins. Certains pleuraient en se remémorant ce qu'ils avaient vécu. Mais il fallait le faire, car mon but était de témoigner, de faire une passerelle entre les générations. Pour passer aussi un message de fraternité, reconstruire la mémoire et de nouveaux rapports entre tous. En finir avec la guerre porte aussi cette déclinaison en trois portraits de ce concept de fraternité. Trois personnages portant des itinéraires et des engagements différents qui donnent à comprendre les mécanismes, les motivations et les circonstances qui font que l'on bascule d'un côté ou d'un autre. La première partie s'intitule ‘'Porteur d'espoir'' et s'articule autour de Jacques Charby, comédien, qui fut l'un des piliers du réseau Jeanson ‘'Les porteurs de valises''. Le deuxième film ‘'Les parfums de ma terre'' traite de l'histoire d'un Français d'Algérie, Jacky Malléa, qui a des oncles dans l'OAS, mais qui découvre 40 ans plus tard que sa mère était algérienne ! Le dernier volet ‘'Mémoires de guerre et de paix'' retrace l'itinéraire de plusieurs appelés qui ont fait la sale guerre et qui œuvrent aujourd'hui à travers une association à des actions de solidarité et de développement dans des villages d'Algérie qui ont subi les destructions de la guerre, d'il y a quarante ans. Je vous signale que ce film est diffusé par la chaîne de télévision France O à partir du 23 octobre.
Quels sont vos projets professionnels ? Allez-vous rester dans le même sujet ?
Oui, en quelque sorte. Je prépare un autre triptyque sur la guerre d'Algérie. Un premier volet les combattants de l'ALN, un deuxième sur les intellectuels pendant cette période et le troisième sur les harkis.
Mehdi Lallaoui est né de parents algériens à Argenteuil (banlieue de Paris) et a débuté sa carrière de cinéaste, plus précisément de documentariste, avec un premier film sur le 17 Octobre 1961, ‘'Le silence du fleuve'' en 1990. Cinq ans plus tard, il réalise avec Bernard Langlois pour la chaîne franco-allemande ARTE, le premier film sur les massacres de Sétif, le 8 mai 1945. Lallaoui est, par ailleurs, président de l'association ‘'Au nom de la mémoire'' qui participe chaque année, le 17 octobre, avec de nombreuses autres organisations, au rassemblement sur le pont Saint-Michel.
Pourquoi ce titre ‘'Pour en finir avec la guerre'', alors que vous ne parlez que de la guerre dans votre film ?
C'est vrai, la guerre est finie depuis 1962, mais il n'y a pas eu de paroles, on en parle beaucoup, mais on en parle mal. Donc, pour en finir, pour dépasser cette guerre, pour pouvoir parler de l'après-guerre, il faut dire aussi ce qui s'est passé ici en France. Des millions de personnes en France sont concernées par ce qui était appelé les ‘'événements''. Les Pieds-noirs et les harkis, les immigrés, les deux millions d'appelés et les descendants de tous ces groupes mémoriels sont les différentes déclinaisons de cette histoire. Mon travail ‘'En finir avec la guerre'' est un appel à la fraternité pour construire d'autres rapports et exprimer sereinement quelque chose de douloureux pourtant
Comment expliquez-vous cette chape de plomb sur le 17 Octobre 1961 en France ?
C'est tellement énorme, tellement honteux! C'était, rappelons-nous, dix ans après les tortures de la Gestapo à Paris, la déportation des juifs ! Des policiers français en uniforme dans cette capitale ont commis des massacres de gens désarmés. La première victime était un enfant de quinze ans fusillé sur le pont de Neuilly. Ce n'est pas glorieux. C'est tellement honteux. Tout le monde sait ce qui s'est passé, qu'il y a eu des dizaines de morts. Les historiens ont fait leur travail ; nul ne peut ignorer cette tragédie, mais les gouvernements français successifs, de gauche comme de droite, ont fait la sourde oreille. Nous ne parlons pas de cela pour culpabiliser nos concitoyens mais parce que nous sommes nés ici. Nous sommes les enfants de ce pays et nous devons parler de toute l'histoire de France sans occultation. Nous ne revendiquons pas la repentance, l'autoflagellation, mais la justice et la reconnaissance par l'Etat français du crime du 17 Octobre
Vos œuvres dont «Le silence du fleuve» puis «En finir avec la guerre» sont-elles le travail d'un documentariste ou d'un enfant d'immigré ?
J'ai fait un travail de citoyen épris de vérité et de justice, d'abord. Nos parents étaient parmi les manifestants et c'est donc naturellement que je me suis intéressé à cette période. Cela dit, de nombreux écrivains et cinéastes français ont travaillé et travaillent sur le sujet. Ce n'est pas une question de nationalité mais de combat, je dis bien combat, pour la mémoire commune, la vérité. Ce n'est pas un travail que l'on fait par intellectualisme. Mon père a eu la vie sauve, grâce à un instituteur français qui l'avait caché dans le coffre de sa voiture pour lui faire traverser le pont de Neuilly. Nous sommes les enfants de ces manifestants et nous portons leur souffrance
Croyez-vous à la reconnaissance de ce crime commis par l'Etat français?
Oui, c'est le sens de notre combat. Chaque année, lors de notre rassemblement sur le pont Saint-Michel, nous revendiquons cette reconnaissance du crime du 17 Octobre. Le chemin sera long. Il a fallu attendre les années 70 pour évoquer les crimes du gouvernement de Vichy, pour qu'on découvre que la France était majoritairement pétainiste ! Ce n'était pas très glorieux. Au sortir de la guerre, il existait une mythologie de la France résistante, il a fallu du temps pour dire la vérité. Il est vrai que la majorité politique actuelle a été à l'origine de la loi de la loi du 23 février 2005 qui reconvoque l'esprit colonial en permettant d'indemniser les assassins de l'OAS et en demandant aux enseignants de faire l'apologie de la colonisation.
La situation des immigrés algériens, l'avenir de leurs enfants seraient différents par cette reconnaissance?
Pas seulement, pour les enfants d'algériens. Nous éprouvons cette souffrance parce que nous sommes des hommes et des femmes, nous portons comme nos parents cette souffrance de l'humiliation, de ces assassinats, de ces non-dits, de cette occultation. La reconnaissance, c'est pour nous réparer, pour nous alléger de ce poids. Parce que pour nous, longer la Seine, traverser des ponts, marcher sur les grands boulevards c'est insupportable. Nous voyons partout ces manifestants, leur sang et leur douleur.
Comment a été réalisé ‘'Le silence du fleuve» ?
En dehors des difficultés habituelles de financement, c'était très douloureux de faire parler les témoins. Certains pleuraient en se remémorant ce qu'ils avaient vécu. Mais il fallait le faire, car mon but était de témoigner, de faire une passerelle entre les générations. Pour passer aussi un message de fraternité, reconstruire la mémoire et de nouveaux rapports entre tous. En finir avec la guerre porte aussi cette déclinaison en trois portraits de ce concept de fraternité. Trois personnages portant des itinéraires et des engagements différents qui donnent à comprendre les mécanismes, les motivations et les circonstances qui font que l'on bascule d'un côté ou d'un autre. La première partie s'intitule ‘'Porteur d'espoir'' et s'articule autour de Jacques Charby, comédien, qui fut l'un des piliers du réseau Jeanson ‘'Les porteurs de valises''. Le deuxième film ‘'Les parfums de ma terre'' traite de l'histoire d'un Français d'Algérie, Jacky Malléa, qui a des oncles dans l'OAS, mais qui découvre 40 ans plus tard que sa mère était algérienne ! Le dernier volet ‘'Mémoires de guerre et de paix'' retrace l'itinéraire de plusieurs appelés qui ont fait la sale guerre et qui œuvrent aujourd'hui à travers une association à des actions de solidarité et de développement dans des villages d'Algérie qui ont subi les destructions de la guerre, d'il y a quarante ans. Je vous signale que ce film est diffusé par la chaîne de télévision France O à partir du 23 octobre.
Quels sont vos projets professionnels ? Allez-vous rester dans le même sujet ?
Oui, en quelque sorte. Je prépare un autre triptyque sur la guerre d'Algérie. Un premier volet les combattants de l'ALN, un deuxième sur les intellectuels pendant cette période et le troisième sur les harkis.


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