par M. Saâdoune, Le Quotidien d'Oran, 8 juin 2010 Cris, larmes, début d'émeute et d'incendie, hier, en début d'après-midi, dans le haut Hussein-Dey, à deux pas de la maison de la presse. Le climat était tendu depuis la matinée, la force publique étant présente pour faire appliquer une décision de justice ordonnant une expulsion. Dans le quartier, les jeunes étaient de «tout cœur» avec la famille Bouhadjar qui habite les lieux depuis les années soixante. Dans cette modeste villa, située dans le lieu-dit «Campagne Grebici», la famille s'est étendue et multipliée. L'application de la mesure d'expulsion est donc un drame pour plusieurs familles. Dans la maison, les femmes, debout sur le balcon, semblaient décidées à ne pas quitter leur maison pour la rue. Les jeunes de la famille avaient une détermination désespérée. Difficile, à défaut d'informations circonstanciées, de comprendre comment un propriétaire, surgi de nulle part, est venu réclamer un bien que la famille occupait «depuis toujours». Dans toute la zone, les gens ont acheté chez les Grebici et ont essayé de régulariser la situation par la suite. Beaucoup continuent à faire les démarches en vue de cette régularisation. Que s'est-il passé pour la famille Bouhadjar, nul ne le comprend, les versions sont multiples. Pour tous les membres de la famille, jeunes et moins jeunes, l'affaire est un vrai drame. La tension qui était dans l'air va exploser aux alentours de 14 heures quand les forces de l'ordre, présentes depuis la matinée, ont décidé de passer à l'action en compagnie d'un huissier de justice. Les femmes hurlent de désespoir et suscitent chez les voisins des réactions de sympathie. Des jeunes en colère Les jeunes du quartier échauffés par «l'injustice subie par une famille de modestes gens» passent à l'action en érigeant des barricades avec des pneus en flammes. Le climat tourne à l'aigre. Les forces anti-émeute chargent tandis que de la maison les cris se font plus stridents. Un pneu enflammé tombe au milieu d'un terrain, celui de «Grebici» situé en face de la maison et qui serait, lui aussi, objet d'un litige. Le feu prend, s'étend et menace sérieusement les habitations aux alentours. Les habitants des immeubles mitoyens de la maison de la presse s'alarment. Certains descendent dans la fournaise pour essayer avec des moyens dérisoires de stopper un feu qui menace de s'étendre aux arbres situés à quelques mètres des habitations. Plus personne ne songe au drame de la famille en instance d'expulsion et qui ne sait pas où elle passera la nuit. Le feu s'aggrave et une épaisse fumée contribue, l'espace de longues minutes, à couvrir le drame des Bouhadjar. L'angoisse des habitants qui s'affairaient contre le feu va durer longtemps avant que les pompiers n'interviennent. Dans la maison du drame, les femmes continuent de crier à la «hogra». Mais après une quasi-émeute et un début d'incendie, les forces de l'ordre décident d'en finir. La maison est envahie. Les habitants, en larmes, sont mis dehors. Les meubles suivent. L'expulsion est exécutée avec fermeté mais sans brutalité. Les expulsés restent sur les lieux. Les forces de l'ordre aussi. Dans un face-à-face tendu avec les jeunes du quartier qui disent à qui veut les entendre que le «nouvel habitant» ou «l'usurpateur» ne sera jamais le bienvenu dans le quartier.