La FIFA, fédération internationale de football est la seconde association sportive au monde, après le CIO (comité international olympique), son slogan est « le bien-être des jeux pour le bien-être du monde », une responsabilité et un engagement qui ne dit hélas rien sur la véritable nature de cette fédération. Présidée par le suisse Joseph Blatter dont le salaire annuel, tenu secret avoisine les 4 millions de Dollars, dotée d'un directeur de marketing (Un brillant de chez Adidas, monsieur Thierry Weil), la FIFA avec un mode de fonctionnement calqué sur celui des multinationales qui la soutiennent affiche une santé financière presque insolente en ces temps, de paraît il, crise. La FIFA organise la Coupe du monde de football depuis 1930 et la Coupe des confédérations depuis 1992, mais ce n'est pas tout, elle organise aussi la Coupe du monde des moins de 20 ans (1977), la Coupe du monde des moins de 17 ans (1985), la Coupe du monde de futsal (1989), la Coupe du monde féminine (1991), la Coupe du monde des clubs (2000), la Coupe du monde féminine des moins de 19 ans (2002), la Coupe du monde interactive (2004), la Coupe du monde de beach soccer (2005) et la Coupe du monde féminine des moins de 17 ans (2008). En quelques années les tournois et les coupes du monde sont devenus un véritable événement, une sorte de poule aux œufs d'or pour tous les prédateurs de la planète, qui pour une fois ne se sentent ni salis ni attaqués par leurs activités liées à la pollution, la spéculation ou à l'armement ; dans un combat perdu d'avance, peu de gens s'aventurent à critiquer ce qu'est devenu le sport, et qui entre nous oserait s'attaquer à ces formidables valeurs « sportives » que sont l'honneur, la fraternité, la solidarité, la bonne santé, le rapprochement des peuples (on en a vu un exemple avec l'Algérie et l'Egypte) et même la lutte contre la violence ? Nous y reviendrons plus loin, mais il faut déjà savoir que beaucoup de sociologues, de philosophes et de professionnels étudiant de près le sport et les comportements qu'il génère le classent comme source de violence et d'aliénation planétaire. Revenons à la FIFA et à la coupe du monde 2010. Du foot-busines et des footballeurs-Stars. Pour avoir une petite idée de la démesure et de l'indécence des nouvelles idoles de la planète, il faut juste se rappeler qu'en en 1971, l'ancien défenseur français Marius Trésor gagnait, l'équivalent de 2500 euros par mois, l'attaquant Thierry Henry perçoit[1] aujourd'hui près de 1,5 millions d'euros mensuels ! En audience cumulée, il y aura cette année près de trente milliards de téléspectateurs prévus et environ 73 000 heures de retransmission dans 214 pays. A raison de 74 matchs, le Mondial est l'événement le plus médiatisé de la planète ! Entre droits de retransmission, contrats publicitaires, billetterie et partenariats, la FIFA amasse une véritable fortune, estimée cette année à près de 3 milliards de dollars, dont une partie est bien sûr versée aux joueurs sous forme de primes et aux clubs (les plus importants, comme le Real Madrid, Barcelone ou Chelsea). A rappeler qu'en plus des célébrissimes Coca Cola et McDonald's, tenez vos bien, la FIFA, compte parmi ses partenaires Budweiser, une marque de bière ! Vous l'avez compris pour votre bien être, celui de vos artères et de votre forme, la FIFA vous conseille et vous encourage à consommer du BigBurger bourré de ketchup et de mayonnaise que vous pourrez soit accompagner de Coca Cola, soit de bière si votre équipe a par exemple perdu le match ! Sans vouloir rentrer dans les détails techniques, il faut aussi savoir que les partenaires sont classés en trois catégories, les FIFA partners, qui détiennent des droits sur tous les événements organisés par la FIFA (Adidas, Coca-Cola, Emirates, Hyundai – Kia Motors, Sony et Visa), les FIFA World Cup sponsors qui détiennent, quant à eux, des droits sur la Coupe du monde et la Coupe des confédérations qui, elle aussi, a lieu tous les quatre ans (Budweiser, Castrol, Continental, McDonald's, MTN et Satyam) et enfin, les National supporters qui sont les entreprises qui se trouvent dans le pays organisateur du Mondial et de la Coupe des confédérations, et qui ne détiennent que des droits locaux. Si vous visitez le site de la FIFA, vous serez frappés par la prolifération des paris en ligne qui lui sont directement liés, le phénomène a pris une telle ampleur que beaucoup de traders ont préféré quitter les bourses pour s'attaquer à ce nouveau marché. Les jeux du hasard, encore une valeur liée à l'esprit sportif revisité par la FIFA et les usuriers de la planète qui ne ratent aucune occasion pour dépouiller les plus fragiles. La FIFA et la liberté de la presse. Un aspect encore peu connu de la FIFA et qui, cette année a été clairement dénoncé par certains journalistes, il ne s'agit pas seulement des droits de transmission de moins en moins accessibles aux chaînes de télévision des pays pauvres, mais des clauses que la FIFA a imposé aux journalistes accrédités, comme par exemple l'interdiction de distribuer leurs produits à moins de 800 mètres des stades, l'interdiction de citer les noms des hôtels où logent les joueurs, mais la plus choquante, la plus invraisemblable et la plus floue est celle qui exige que les reportages ne portent pas préjudice à la FIFA. En d'autres termes, les journalistes qui ne veulent pas perdre leur accréditation doivent savoir que s'ils veulent continuer à couvrir la coupe du monde, ils ne doivent surtout pas critiquer la FIFA. Malgré toutes les protestations de l'association mondiale des journaux et de l'agence de presse africaine afin d'obtenir des engagements écrits de la FIFA de pas retirer les accréditations sans entretien, la Fédération refuse tout dialogue et toute concession. Avec tous les profits que la FIFA génère pour elle et pour ses partenaires, une question s'impose ? Qu'est ce que l'Afrique du sud aura gagné ? Dans son discours du 31 Mai, le président de la FIFA, J. Blatter a encore une fois parlé de la responsabilité sociale du football et des ressources qui permettront à cette dernière d'apporter sa contribution au développent social, toujours, par le football (ceux qui connaissent Adidas, par exemple savent déjà combien il est difficile d'y croire). . En 2006, le slogan de la FIFA fût « A time to make friends », que d'autres ont réécrit « A time to make money », surtout lorsqu'on sait par exemple que la maison close Artemis créée pour l'occasion en 2005 sur 3 000 m2se trouve tout près du Stade olympique de Berlin (Une autre notion de l'amitié que la FIFA n'a pas remarqué). Revenons à l'Afrique du sud qui a du investir près de 3,24 Milliards d'euros (La Coupe du monde accueillie par la France en 1998 avait coûté environ 1,6 milliards d'euros) dans les infrastructures liées bien sûr exclusivement à la coupe du monde et devant répondre aux exigences draconiennes de la FIFA. Des stades surdimensionnés ont été construits ou réhabilités, des autoroutes ont été élargies, le pays s'est doté d'un nouvel aéroport à Durban et un train luxueux et rapide desservant les quartiers chics de Johannesbourg, le Gautrain. Le coût total des neuf stades, par exemple, était estimé à 120 millions d'euros mais a coûté en définitive UN milliard d'euros, soit presque dix fois plus ! Mais peut être que tous ces travaux ont quand même généré des emplois, non ? Environ 100000 emplois ont en effet été créés[2], mais vont disparaître dans moins de cinq ans, nous revenons en détail sur les conditions de travail des ouvriers et des ouvrières qui vivent les affres du nouvel apartheid dit socio-économique. Dans un pays où les 20 % des ménages les plus riches (Blancs en majorité, avec une nouvelle classe ultra minoritaire de Noirs apparue après l'apartheid) s'accaparent des 62% des revenus, où près de la moitié vit avec moins de 1,50 euros par jour, où le taux d'inflation est de 29%, et où le taux de chômage dépasse les 40% si l'on compte ceux qui ont cessé de chercher du travail, les consortiums de la construction ont multiplié par 5 leur gains tout en se permettant de payer les ouvriers noirs bien sûr, 309 euros par mois, et ce, après plusieurs mouvements de grèves. Selon « the United Nations Statistics Division », le minimum vital en Afrique du sud est estimé à 468,5 Euros mensules. Vous me direz que là, la FIFA n' y est pour rien, pourtant la plupart des investisseurs doivent passer par un cahier de charges et répondre aux exigences de la fédération qui n'hésite pas à mettre la barre très haut en matière gazon et d'infrastructures aux allures de palaces, ne pourrait elle pas peser de son poids pour exiger un minimum de droits pour les normes de travail ? Où se cache donc le développement social par le foot ? Pour embellir la ville, savez vos que tous les marchands ambulants ont été chassés par la force, privés ainsi de leur unique source de revenu et que les quartiers pauvres ont été rasés dans toutes le villes organisatrices et remplacés par des passages commerciaux flamboyants pour touristes, comme au Cap, où vingt mille personnes ont été déplacées de force, ainsi que le souligne un rapport de l'ONU présenté en mars dernier à l'Assemblée générale des Nations unies[3] Les pauvres en Afrique du sud habitent des huttes (shack dwellers), ils attendent des habitations décentes depuis 1994, date de la promulgation de l'article 26 de la constitution qui stipule bien sûr que chacun a droit à un logement. Grâce à la coupe du monde ils auront de nouveaux abris et très loin du centre ville. Le pire, c'est que d'après David Garcia (Le Monde Diplomatique) et selon toute vraisemblance, le gouvernement fera des coupes drastiques dans les comptes publics pour amortir les dépenses, dont la rentabilité à court terme sera dérisoire. L'argent économisé, qui correspond au budget affecté à la construction de logements pendant dix ans, aurait notamment permis de loger 250 000 personnes à Johannesbourg, par exemple où les bidonvilles et les sans-abri sont légion. Je me permets d'ouvrir une parenthèse et de faire remarquer que l'expulsion des pauvres de tous les centres urbains est devenu une politique mondiale dans les pays dits émergents et dont on veut faire des devantures pour les touristes et autres investisseurs sans foi ni loi. Sous prétexte d'embellissement, des millions de pauvres dans le monde sont chassés le plus loin possible des villes-centres d'affaires. Ce à quoi nous assistons à la rue de Roumanie à Constantine ou à Johannesbourg relève de la même idéologie ! Et la FIFA apparaît alors encore une fois comme un relais, un pilier et un soutien inconditionnel à toutes les politiques de vassalisation par cette mondialisation sauvage et inhumaine. N'oublions le volet sécuritaire dans l'organisation de cette coupe du monde et sans lequel dame FIFA ne se déplace pas et ne conçoit pas de progrès social, en effet dans un pays qui compte une moyenne de 20 000 meurtres par an, le gouvernement sud-africain a claqué pour l'occasion 150 millions d'euros pour garantir l'ordre public pendant la manifestation sportive. Plus de 40 000 policiers ont été spécialement recrutés et formés – notamment par la gendarmerie française. Environ 200 000 gardiens de la paix sont mobilisés pour faire face à la criminalité ainsi qu'au hooliganisme (un sujet dont on évite de parler), ils auront à leur disposition des équipements antiémeutes, des fusils d'assaut, des hélicoptères, des véhicules blindés, des caméras de surveillance plantés dans tout le pays, un système de protection aux frontières, et même des sous-marins et des avions de chasse (1). Sans oublier les 420 000 agents de sécurité privés présents sur tout le territoire et bien sûr une cinquantaine de tribunaux spéciaux. Quelle ambiance festive ! L'OSEO, l'œuvre suisse d'entraide ouvrière vient de dresser dans son dossier de presse, un rapport accablant intitulé « hor$jeu-Un carton jaune pour J. Blatter » et qui résume la situation : « Des quartiers pauvres ont été rasés ; les ouvriers ont construit les stades pour des salaires de misère ; des vendeurs de rue ont été chassés des rues et privés de leur source de revenu. Bref, la majorité de la population sud-africaine est restée hors jeu. » Comme à chaque fois qu'un pays décroche l'organisation de la coupe du monde, on veut nous faire croire à l'aubaine et au miracle d'une relance économique que cet événement devrait provoquer, certains vont même jusqu'à affirmer que les victoires au foot agissent comme des euphorisants et des stimulateurs de la consommation. On sait par exemple qu'en 1998 il n'y eut aucun boom de la consommation en France, et qu'en réalité les préparatifs et les rénovations de stades et des routes coûtent beaucoup plus chers aux pays organisateurs que ce que rapporteraient les retombées hypothétiques d'une coupe du monde (tourisme, billetteries,….) Dans le meilleur des cas la coupe du monde est une diversion inespérée pour des politiques en échec des gouvernemants incapables d'offrir une autre idée de la solidarité nationale (Napoléon, ne disait il pas, que c'est par des promesses et des festivités que l'on gouverne un peuple !), servant soit à réhabiliter des pays ou des gouvernements noyés par des scandales de tout genre, soit à conquérir de nouveaux territoires transformés pour l'occasion en véritables vitrines, comme c'est le cas pour l'Afrique du sud, soit, osons le dire, dans des sociétés où les masses sont de plus en plus exploitées, de plus en plus sous payées, de plus en plus manipulées et sous informées, le foot, à travers ses spectacles et les frénésies qu'il généré et qu'il jugule en même temps n'est que le nouvel opium des peuples. Le foot et les propagandes d'Etat : le Sport est assurément politique. Le foot est loin de servir le budget des Etats, bien au contraire, il contribue activement à dilapider les fonds publics au grand jour, à tort et à travers, avec la complicité et le silence de tous, dans nos dictatures bien sûr mais aussi sous des régimes dits les démocratiques. Certes ailleurs, personne n'oserait subventionner des billets d'avion pour aller supporter l'équipe nationale, comme c'est le cas chez nous où le budget de l'Etat ne nous concerne pas (c'est une affaire de famille) mais attention le discours des dernières années dans les pays occidentaux est très inquiétant, le patriotisme par le foot est définitivement installé dans les « mœurs » politiques. Pourquoi les gouvernements, toute tendance confondue se sentent ils de plus en plus obligés de participer et de se fondre carrément dans ce spectacle du foot, au point de la presque mystification ? On a entendu des ministres suggérer, voir affirmer que c'est un devoir que de supporter l'équipe nationale, parler de grand bonheur, de communion et même de fête nationale. Tout cela n'est pas gratuit, rassurez vous. Il faut se rappeler que les plus grands clubs du monde appartiennent à de grosses sociétés ou des hommes d'affaires fortunés (je n'oserai pas parler de mafieux), ce qui n'empêche pas les gouvernements de continuer d'injecter des centaines millions d'Euros dans la marmite. En France par exemple, grâce à un article glissé dans une loi sur le tourisme passée inapercçue, votée en juillet 2009, les stades ont été déclarés d'intérêt général. L'Etat et les collectivités locales peuvent ainsi soutenir, avec de l'argent public, la construction de stades privés. L'Olympique lyonnais, coté en Bourse (Qui l'eût cru ?) Va s'offrir un stade à 500 millions d'euros. Grâce à la nouvelle loi, 40% de la somme, soit 200 millions d'euros, pourront être financés par des collectivités locales. Entre temps on occupe les masses avec la Burka et la qualification ou pas des bleus. Souvenez vous des slogans français de 1998 : « On a gagné » ou « Qui ne saute pas n'est pas Français », et qui se sont exportés chez nous avec d'autres variantes qui sont reprises jusque dans les fêtes de mariage : N'est ce pas là tous les symptômes d'une euphorie collective dans laquelle les masses, pour une fois dans leur vie, ne se sentent plus perdantes et où la victoire d'une équipe dont les joueurs sont tout sauf des citoyens ordinaires, est vécue comme la leur. A force de vibrer tous en choeur, « On a Gagné ! On a Gagné ! » On ne peut que le ressentir profondément et y croire pleinement, et plus le nombre est important, plus l'effet est appréciable. C'est par ce type d'identification que l'on comprend un peu les extases de ceux qui n'ont rien face à des joueurs qui étalent avec insolence richesse et opulence. La propagande des Etats et des gouvernements en faveur d'un foot inspirateur de rêves d'euphories et surtout d'illusions n'est pas fortuite, elle prends pleinement son sens lorsqu'on connaît les défaites cuisantes de toutes les politiques face aux véritables défis des sociétés, à savoir l'éducation, la santé, la justice et la paix. Chez nous plus qu'ailleurs, aurions nous des valeurs communes et des bonheurs à partager avec ceux qui nous piétinent, nous expulsent, nous asservissent, nous torturent et s'approprient nos richesses et nos espoirs ? Est-ce par le foot que nous allons nous réconcilier avec notre gouvernement, nos ministres et notre entv ? Toutes les méthodes sont bonnes pour contrôler émotionnellement, idéologiquement et pourquoi pas sentimentalement les masses et les peuples[4] et le sport est devenu, comme je l'ai dis au début, l'Opium des peuples. Les stades sont les arènes des temps modernes, même si depuis, le statut et les conditions de vie des gladiateurs ont beaucoup évolué. Je conclurai, si vous le permettez par cette phrase de Youcef Benderbale, porte parole du CBSB, Comité de Bienfaisance et de Secours aux Palestiniens et l'un des passagers du Marmara, la fameuse flottille : «Aujourd'hui, notre plus grand risque est que la coupe du monde de football nous détourne de la pression que nous devons maintenir pour exiger la levée du blocus de Gaza et des sanctions contre Israël » Zineb Azouz, Le 15 Juin 2010. ------------------------------------------------------------------------ [1] « Pourquoi le foot business va dans le mur », Alternatives économiques, juin 2010. [2] Lire Footafric. Coupe du monde, capitalisme et néocolonialisme, de Ronan David, Fabien Lebrun et Patrick Vassort, L'Echappée, Montreuil, 2010. [3] Report of the Special Rapporteur on adequate housing as a component of the right to an adequate standard of living, and on the right to non-discrimination in this context, Raquel Rolnik, Assemblée générale des Nations unies, New York, 18 décembre 2009 [4] Les travaux de Fabien Ollier, philosophe et directeur de la revue Quel sport !, sont particulièrement enrichissants, il y développe le concept d'aliénation planétaire et d'intégrisme footbalistique