Le Centre pierre et Marie Curie (Alger) manque de médicaments et de produits On achève bien les cancéreux El Watan, 8 septembre 2010 La prise en charge thérapeutique des malades cancéreux ne semble pas s'améliorer malgré tous les engagements des pouvoirs publics à régler définitivement le problème. L'approvisionnement de la pharmacie du CPMC en certains médicaments, en rupture de stock depuis des mois, s'avère insuffisant par rapport au nombre de malades nécessitant des traitements de longue durée. Dans les listes de patients – venus des différentes régions du pays – en attente de certaines drogues (traitement en prophylaxie pour éviter les récidives), certains d'entre eux attendent déjà depuis septembre 2009 et janvier 2010 soit une année après le diagnostic de la maladie. N'est-il pas trop tard pour ces patients ? De nouveaux malades sont déjà inscrits sur une liste d'attente pour des cures de chimiothérapie en attendant la radiothérapie. La pharmacienne de l'établissement, Mme Nebchi, se dit satisfaite des quantités disponibles actuellement. «Nous avons tous les produits nécessaires pour traiter tous les malades avec des stocks allant jusqu'à deux mois. Il est de même pour certains produits qui étaient effectivement en rupture par la faute du fournisseur, comme l'Herceptine pour le traitement de certaines formes du cancer du sein. Nous avons eu 2700 flacons, une quantité pour prendre en charge toutes les malades ainsi que les nouvelles patientes. Des garanties de livraison ont été également signifiées. Le problème est normalement résolu», nous a-t-elle déclaré en insistant à nous montrer les quantités de médicaments stockées au niveau de la pharmacie. Mme Nebchi a tenu à préciser que pour les autres localisations telles que le colon et le poumon, nous n'avons pas beaucoup de problèmes. «D'ailleurs, un nouveau médicament vient d'être introduit dans le traitement du cancer du poumon qui revient à 120 000 DA le flacon. La cure nécessite deux flacons. Mais tous ces traitements qui reviennent excessivement cher peuvent paraître inutiles si la radiothérapie n'est pas enclenchée juste après les cures de chimiothérapie», a-t-elle souligné en relevant que si certains médicaments ne sont pas disponibles, cela relève de la responsabilité des médecins qui ne font pas de prévisions. De l'avis des médecins, la situation s'est effectivement améliorée depuis la mi-août en termes de disponibilité de certains médicaments mais tout en étant inquiets au risque de se retrouver dans la même spirale. «Nous avons les produits pour traiter les patients jusqu'à mi-octobre prochain. Les prévisions des médecins n'ont pas été respectées et prises en compte. Nous allons vivre encore des ruptures et des pressions dans les mois à venir sachant que les nouveaux malades arrivent par grappes. A titre d'exemple, pour l'année 2011 nos avons demandé pour l'Herceptine 32 000 flacons. Pourtant, le ministre de la Santé a mis l'argent qu'il faut pour avoir tous les médicaments, il s'agit d'un problème de mauvaise gestion. Si les responsables ont respecté les prévisions que nous avons émises en 2008, on n'aurait jamais eu un tel dysfonctionnement», nous confie-t-on en signalant que si des mesures urgentes ne sont pas prises, les problèmes de prise en charge seront encore plus complexes. Dans le service de pédiatrie, les choses sont tout aussi dramatiques. «Nous manquons de plusieurs médicaments pour la chimiothérapie et les antidouleurs. Pas plus loin que dimanche dernier, je me suis moi-même déplacée à la pharmacie pour demander certaines drogues mais malheureusement indisponibles», signale un médecin rencontré au service de pédiatrie. Par ailleurs, les praticiens qui semblent être dépassés face un flux de malades qu'ils n'arrivent pas à satisfaire, soulève la question épineuse qui est le manque d'un personnel médical qualifié. «Il n'y a plus d'infirmiers dans le service. Ils sont tous partis. Ils ne veulent plus travailler dans ces conditions. Face au risque qu'ils encourent avec les produits toxiques de la chimiothérapie et la non-considération affichées à leur égard, ils ne travaillent plus. J'ai vraiment peur, lorsqu'une nouvelle malade se présente. Comment dois-je faire pour convaincre la seule infirmière qui s'occupe déjà de six malades de la prendre en charge. Nous vivons un vrai calvaire», nous confie une oncologue. C'est pourquoi, a-t-elle ajouté, les délais des rendez-vous sont étalés sur des mois, voire des années. «La situation est dramatique au sein de cet établissement. Il n'est plus possible de travailler dans des conditions pareilles. Nous sommes impuissants face à une telle catastrophe. J'ai l'impression de pratiquer la médecine de guerre», a-t-elle ajouté, la gorge nouée, avant d'être appelée par son chef de service pour un dossier d'une nouvelle malade. Tourmentés déjà par la maladie qui les ronge, les malades restent les premières victimes d'une telle situation. Certains que nous avons rencontrés dans les couloirs du CPMC n'ont plus que les prières pour se consoler. «J'attends le médicament de mon frère atteint du cancer du colon depuis neuf mois. Nous avons lu dans les journaux et entendu à la télévision que tous les médicaments sont disponibles. Je me suis présenté chez le médecin traitant qui me renvoie vers la pharmacie», nous a-t-il signalé. La responsable lui explique que le produit n'est pas encore enregistré donc il est importé sous ATU (attestation temporaire d'utilisation). Les commandes sont déjà faites, lui a-t-elle signifié. Djamila Kourta Des médecins témoignent : «On ne peut pas abandonner les malades» El Watan, 8 septembre 2010 Les principaux services de l'établissement du Centre Pierre et Marie Curie, en l'occurrence ceux de sénologie, oncologie, hématologie, radiothérapie, chirurgie, médecine nucléaire, radiologie, affichent complet. Les équipes médicales et paramédicales, à leur tête les chefs de service, ne ménagent aucun effort pour répondre à une demande croissante. Malgré toutes les difficultés qu'ils rencontrent dans l'exercice de leur profession, les médecins tentent tant bien que mal de soulager la douleur et les souffrances des centaines de patients. «Je suis le médecin traitant, je suis aussi la psychologue et parfois la sœur, la mère et la tante. Le cas des malades est tellement lourd avec une situation sociale très difficile font qu'on est affecté et proche du malade. Parfois, c'est nous-mêmes qui avons besoin d'un psychologue», nous confie un médecin oncologue, avant de préciser que certains de ses patients ont son numéro de téléphone. La plupart des médecins travaillent au-dessus des moyens qui leur sont fournis. «Le bureau du chef de service est toujours ouvert. Il ne refuse personne», a-t-elle ajouté. Malgré le manque de moyens et une rémunération insignifiante, les équipes sont dévouées à leur métier. L'exemple de cette infirmière en oncologie depuis 20 ans payée à 26 000 DA est édifiant. «Avec tous les risques de toxicité et les problèmes de santé qui nous guettent, on ne peut pas laisser les malades souffrir. Elle continue quand même de travailler, mais elle ne cache pas qu'elle continue à le faire par humanisme.» C'est pratiquement les propos de nombreux praticiens que nous avons rencontrés et qui souhaitent que la situation soit améliorée. «Rien ne nous retient ici. Au contraire, tout nous pousse à quitter et à partir. Rien n'est fait pour nous motiver et nous encourager. Mais on ne peut pas abandonner les malades», nous confie un infirmier.