In Le Reporter, n°55 du 1er au 14 octobre 2010 L'Algérien Ahmed Simozrag vit sous surveillance au Burkina depuis plus de seize ans. Il a été expulsé de France, le 31 août 1994, avec 19 autres personnes, notamment des Algériens et un Marocain. Le ministre français de l'Intérieur de l'époque, Charles Pasqua, les avait accusés d'être des terroristes ou d'avoir des connexions avec des organisations terroristes. Sur cette question, Ahmed Simozrag, avocat de son état, tape du poing sur la table: «Le ministre n'avait aucune preuve contre nous. S'il avait la moindre preuve, nous aurions été en prison. Il ne nous aurait pas expulsés. Mais il l'a fait, au mépris de la loi française et du droit international. Nous avons été expulsés par le gouvernement d'un pays qui se dit berceau des droits de l'Homme et respectueux des droits de l'Homme». Mais Me Ahmed Simozrag ne s'arrête pas là. Il déplore le silence des autorités burkinabè face à cette «injustice criarde». Complicité entre autorités françaises et burkinabè ? «Ce n'est pas exclu. Le fait d'être silencieux, passif, indifférent face à cette injustice inqualifiable et qui dure depuis seize ans, est une forme de complicité», tranche, catégorique, l'homme de droit. Et voici Ahmed Simozrag qui parle d'Al Qaida. Et il va droit au but: «Al Qaida est une réponse aux injustices qui sévissent dans le monde. Son action est une réaction à une situation et non une agression. C'est en quelque sorte une légitime défense». Mais cet homme, aujourd'hui âgé de 68 ans, plaide pour la libération des sept employés d'AREVA pris, récemment, dans les filets d'Al Qaida au Maghreb islamique (AQMI). «Si j'avais des contacts avec Al Qaida, je lui aurais demandé de libérer les otages». Et ce n'est pas tout… «Le Reporter»: Avec le recul, quel regard portez-vous sur votre expulsion de France ? Me Ahmed Simozrag: «Nous sommes victimes d'une injustice criarde, qui frappe aussi nos familles, nos enfants, nos épouses. Malheureusement, cette injustice perdure. Nous avons fait seize ans d'exil forcé. C'est une injustice criarde, inqualifiable. Ce qui me laisse perplexe et ébahi, c'est l'indifférence des organisations des droits de l'Homme. Mais aussi le fait que je sois expulsé par le gouvernement d'un pays qui se dit berceau des droits de l'Homme et respectueux des droits de l'Homme. Le regard que je porte sur ces événements est donc un regard de déception, un regard négatif sur un monde où les droits de l'Homme n'existent que superficiellement, par la parole et sur les papiers. Mais dans la pratique, ces droits n'existent pas; ils ne sont pas appliqués. Voulez-vous dire que jusqu'à présent, vous n'avez pas obtenu le soutien d'organisations de défense des droits humains ? Je n'ai pas obtenu leur soutien. Pendant les premiers mois après notre expulsion, il y a eu la réaction de quelques organisations de défense des droits humains. Mais après, notre cas est tombé dans l'oubli. L'oubli le plus absolu. Raison pour laquelle l'injustice dont nous sommes victimes dure depuis seize ans. Dites-nous, de façon concrète, pourquoi vous avez été expulsé Si je vous dis que je ne sais pas, vous n'allez peut-être pas me croire. Je ne sais pas pourquoi parce que je n'ai rien fait pour être expulsé. Il y avait des troubles en Algérie, une crise entre le Front islamique du salut (FIS) et le pouvoir algérien. Le FIS avait gagné les élections mais on l'a détrôné injustement. On lui a confisqué sa victoire. Les élections ont été annulées à la suite d'un coup d'Etat. J'étais, entre-temps, l'avocat du FIS. Est-ce pour cela que j'ai été expulsé ? Je ne sais pas. Je me pose toujours la question. Si c'est à cause de cela, ça ne peut pas se justifier, parce que être l'avocat d'un parti politique, d'un présumé délinquant ou d'un présumé criminel s'inscrit dans l'ordre normal de notre profession. Il ne faut jamais oublier la présomption d'innocence dont bénéficient les accusés. Et c'est le rôle d'un avocat de les défendre. Le ministre français de l'Intérieur, Charles Pasqua, vous avait pourtant accusés, à l'époque, de soutenir ou d'appartenir à des «organisations terroristes»… C'est Pasqua qui nous accuse, pas la Justice ! Entre Pasqua et la Justice, il y a une différence. L'accusation de Pasqua était une simple allégation. Il croyait que nous étions des terroristes parce que le FIS lui-même était considéré comme une organisation terroriste. Et si le FIS était une organisation terroriste, comment se fait-il que le peuple algérien l'ait élu et choisi pour lui confier la conduite des affaires du pays ? Pasqua a voulu faire croire que le peuple algérien a élu une organisation terroriste, puisque le FIS a gagné les élections. Mais il oublie que si le FIS a gagné le scrutin, c'est parce que le peuple algérien avait confiance à ce parti politique. Entre trois et quatre millions d'Algériens ont voté pour le FIS. Vous voyez le paradoxe ! Franchement, je ne vois pas où se trouve le terrorisme. Je ne comprends pas non plus pourquoi Pasqua tient absolument à afficher l'étiquette de «terroriste» sur d'honnêtes citoyens. Le ministre n'avait donc aucune preuve contre vous ? Il n'avait aucune preuve. C'est la raison pour laquelle il nous a expulsés. S'il avait la moindre preuve, nous aurions été en prison. Il ne nous aurait pas expulsés. C'est justement parce qu'il n'a pas trouvé de preuve et parce qu'il fait partie d'un camp un peu xénophobe, raciste et extrémiste, ou peut-être qu'il a obéi à des ordres venant d'Alger, qu'il nous a expulsés. Mais quelles que soient les raisons, c'est Pasqua qui nous a expulsés, au mépris de la loi française, du droit français et du droit international. Vous avez demandé qu'il y ait un procès afin que la lumière soit faite sur cette affaire. Pourquoi, selon vous, le procès n'a jamais eu lieu ? Il est difficile de faire reconnaître son tort à quelqu'un, a fortiori à des autorités, à un gouvernement, à des dirigeants. Nous avons demandé, à maintes reprises, que cette situation fasse l'objet d'une réparation. Mais nous n'avons pas été écoutés. Nous avons exprimé la demande depuis le début de cette affaire, mais notre cas a été totalement oublié. Il y a cependant certains d'entre nous dont la Justice a annulé l'arrêté d'expulsion pris par le gouvernement français à l'époque. Malgré cela, ils n'ont pas pu retourner en France parce qu'on leur a refusé le visa. C'est le comble de l'arbitraire et de l'injustice. C'est-à-dire qu'avec la raison d'Etat, il n'y a pas de justice qui compte. Rien ne compte. C'est la raison d'Etat qui se trouve au-dessus de toutes les lois. La preuve, c'est que nous avons deux frères dont les arrêtés d'expulsion ont été annulés mais on les empêche de retourner en France. Or, l'annulation de l'arrêté d'expulsion signifie qu'on doit les remettre dans la situation où ils étaient avant leur expulsion. Ils doivent donc retourner en France. Malheureusement, ils n'ont pas obtenu le visa. Peut-être que parmi les raisons, il y a le fait que l'Etat français ne veut pas se mettre dans une situation qui l'oblige à reconnaître ses torts et à indemniser les victimes. Avez-vous, dans le cadre de la résolution de cette affaire, demandé l'aide des autorités burkinabè ? Elles sont au courant de notre problème de A à Z. Elles n'ont même pas besoin d'être saisies. Nous ne cessons de leur parler de cette injustice que nous subissons depuis le 31 août 1994. Les autorités burkinabè sont coresponsables de notre situation. Elles savent que nous sommes au Burkina Faso. Elles savent que nous sommes sans famille, que nos enfants en France ont grandi sans nous et ont besoin de nous; elles savent que cette situation n'aurait pas dû perdurer. Nous leur avons expliqué nos préoccupations; nous leur avons écrit; des journaux, des radios et des télés ont parlé de notre cas. Et malgré cela, il n'y a eu aucune réaction des autorités burkinabè ? Aucune ! Pensez-vous à une complicité entre les autorités françaises et burkinabè ? Ce n'est pas exclu. Le fait d'être silencieux, passif, indifférent face à une injustice est une forme de complicité. On ne peut pas dire que le Burkina le souhaite, mais le fait de ne pas réagir traduit une espèce de complicité… involontaire, en quelque sorte. Pourtant, aujourd'hui, le président du Faso s'investit pour la résolution des crises dans certains pays africains et pour la libération de certains otages d'Al Qaida. Pourquoi ne saisissez-vous pas cette occasion pour lui demander de vous aider à résoudre le différend qui vous oppose à la France ? Vous avez raison ! D'autant plus que nous sommes dans un pays où le Président est connu comme un grand médiateur dans les pays de la sous-région, voire sur le plan international. Il est souhaitable pour nous d'obtenir la médiation ou l'intervention du président du Faso. De façon concrète, que voulez-vous qu'il fasse ? Nous souhaitons une intervention afin de nous permettre de retourner en France, dans nos familles. Et d'être indemnisés pour le préjudice que vous avez subi ? Je ne peux pas, pour le moment, parler d'indemnisation. Tout dépend de la situation dans laquelle nous allons retrouver nos familles. S'il n'y a pas de gros préjudices, nous n'aurons pas besoin d'indemnisation. Du moins, en ce qui me concerne. Moi, j'ai besoin de ma famille et de mes enfants. Mais si je suis confronté à une situation financière difficile, il est évident que quand on commet une erreur, une ineptie, on doit réparer. Envisagez-vous de poser plainte contre l'Etat français ? Absolument ! C'est la moindre des choses. Nous avons déjà posé plainte, mais elle a été bloquée à un certain niveau de la procédure. Mais cela ne signifie pas que d'autres plaintes ne soient pas possibles. C'est le moindre des droits auxquels nous devons prétendre, c'est-à-dire le droit de poser plainte contre l'injustice que nous subissons et l'auteur de cette injustice. Vous sentez-vous vraiment en sécurité au Burkina Faso ? Je ne pense pas que nous sommes totalement en sécurité. Même si le Burkina est un pays pacifique et paisible, en tout cas jusqu'à présent, il est difficile de dire que nous sommes vraiment en sécurité parce que la situation peut changer d'un moment à un autre, d'un jour à un autre. Il semble que vous êtes sous surveillance 24h/24… Je suis sous surveillance depuis mon arrivée, depuis seize ans. Vous n'êtes donc pas libre de vos mouvements… Pas du tout. Je suis, en quelque sorte, dans une situation de résidence surveillée ; c'est-à-dire un régime de semi liberté. Je ne peux pas me déplacer comme je veux, voyager comme je veux. Les gardes sont toujours devant ma porte. Vous l'avez certainement constaté. Depuis seize ans, vous n'avez donc jamais eu l'autorisation d'aller dans un autre pays ? Non ! Je n'ai pas la possibilité de quitter le Burkina. Je n'ai même pas de passeport. En 1995, un incident a opposé des expulsés à des militaires burkinabè; en 1996, un autre incident s'est produit pendant le sommet France-Afrique et des expulsés ont frôlé la mort; en 2006, l'un des expulsés a reçu une balle dans le dos… Pourquoi cette tension permanente ? Ce sont des événements dramatiques qui ont émaillé notre exil et que nous ne pouvons pas oublier. Pendant le sommet France-Afrique, des militaires nous ont enfermés et ont voulu garder les clés. L'incident s'est produit suite à cette privation de liberté. Le frère (l'un des expulsés, NDLR) a voulu garder les clés mais les agents de sécurité, eux, ont voulu partir avec les clés. Il y a eu une altercation et le frère a retiré l'arme du militaire parce qu'il craignait que ce dernier fasse usage de cette arme. L'agent de sécurité a alors voulu utiliser une grenade. Mais nous avons pu régler le problème grâce à Dieu et grâce à mon intervention. Je suis l'aîné et les petits frères m'écoutent. J'ai donc demandé que l'arme soit restituée; ce qui a été fait et l'incident a été clos. Il y a eu un fait semblable en 1995 lorsque certains expulsés ont voulu partir sans aviser les autorités. Mais nous avons réglé le problème à l'amiable. Concernant la balle que le frère a reçue, nous ne savons pas exactement comment les choses se sont passées. C'était pendant la mutinerie des gendarmes et des policiers en décembre 2006. Il s'agissait, peut-être d'une balle perdue. Personnellement, je ne vois pas la raison pour laquelle on nous tirerait dessus. Là aussi, la situation s'est réglée. Le frère s'est rétabli, malgré les séquelles qu'il porte toujours. Tout cela me rappelle un adage arabe selon lequel «toute épreuve qui n'est pas la mort est favorable». A partir du moment où l'un d'entre nous n'est pas mort, on considère que c'est une réussite, un succès. On peut oublier les incidents de parcours. Notre situation dure depuis seize ans et nous sommes heureux d'en sortir indemnes. Malgré vos seize ans d'«exil forcé», vous semblez vivre votre situation avec beaucoup de philosophie… Il le faut, même si la situation est difficile. Il faut de la philosophie et de la sagesse. De la patience surtout. C'est la patience qui m'a fait supporter et résister à d'autres choses que vous n'avez pas citées. Lesquelles ? Par exemple, la tentative de suicide de ma fille, des cas de hold up chez moi, à Paris, des querelles et des malentendus, soit entre nous expulsés, soit avec les autorités burkinabè, des problèmes que nous avons réglés grâce à notre patience. Vous parlez de problèmes avec les autorités. De quoi s'agit-il exactement ? On ne peut pas vivre pendant seize ans sans avoir de problèmes. Il s'agit notamment de problèmes en matière de logement, de transport, etc. Au début, nous avions voulu sortir, de temps en temps, aller par exemple sur des sites touristiques, mais nous n'avons pas toujours eu de réponses favorables de la part des autorités. Nous avons beaucoup de besoins qui n'ont pas été satisfaits. Vous étiez vingt au départ. Aujourd'hui, vous êtes six au Burkina. Où sont passés les autres ? Ils sont partis. Ils sont dispersés en Suisse, en Angleterre, en Hollande et même en France. Ont-ils pu obtenir le visa ? Ils ont obtenu des jugements en leur faveur et qui leur ont permis de réintégrer leurs familles en France. Parmi les six actuellement au Burkina, deux ont obtenu l'annulation de l'arrêté d'expulsion les concernant. Mais ils sont bloqués ici. A quoi cela est-il dû ? Dans un premier temps, deux qui étaient dans le même cas ont pu retourner en France. Mais récemment, deux autres ont obtenu l'annulation de l'arrêté d'expulsion, donc ayant bénéficié d'un jugement similaire, mais ils n'arrivent pas à obtenir le visa. Avez-vous un appel particulier à lancer à l'endroit des autorités burkinabè ? Je leur demande de s'occuper de notre situation pour nous permettre de retrouver nos familles, de mettre fin à cette situation d'exil qui dure depuis seize ans. Le Burkina est notre seconde patrie en quelque sorte, mais nous ne sommes pas venus au Burkina de notre plein gré. On nous a emmenés de force au Burkina Faso. Même si on vous met au paradis de force, je ne pense pas que vous accepteriez. Là où il n'y a pas de liberté, il n'y a pas de bonheur. Il est du devoir des autorités burkinabè d'intervenir en notre faveur pour que nous puissions regagner nos familles et qu'il soit mis fin à cette injustice qui n'est conforme ni au droit burkinabè, ni au droit international. Je suis au Burkina mais je ne suis pas Burkinabè. Je suis un étranger sans papiers au Burkina Faso, alors que je devrais être détenteur d'un passeport avec visa ! Du fond du cœur, qu'avez-vous envie de dire au Président français par rapport à cette situation ? J'ai envie de lui dire d'appliquer le droit. Qu'il fasse en sorte que la loi française soit appliquée. Récemment, cinq Français, un Togolais et un Malgache ont été pris en otages par Al Qaida au Maghreb islamique ? Quel commentaire cela vous inspire-t-il ? C'est malheureux d'apprendre que certains employés de la société AREVA ont été enlevés au Niger. C'est aussi malheureux d'apprendre la mort de Michel Germaneau. C'est très malheureux ! Quand on suit les événements, on ne comprend pas tout ce qui se passe. On ne comprend que certains aspects de la situation. Je n'ai pas compris pourquoi le gouvernement français a lancé un assaut pour libérer Michel Germaneau alors que les autres s'apprêtaient à le libérer. On peut dire que ce n'est pas Al Qaida qui a tué Michel Germaneau; ce sont les auteurs de l'assaut qui ont provoqué son assassinat. La sagesse prône le contraire, notamment le dialogue, la concertation, mais pas la force. La force ne peut pas régler tous les problèmes. Si j'avais des contacts avec Al Qaida, je leur aurais demandé de libérer les otages. C'est un souhait. Mais comme je ne connais pas encore le fond de leurs revendications, c'est juste un souhait que j'exprime. Je prie pour que Dieu facilite leur libération. Et je déconseille tout usage de la force parce que cela n'entraînera qu'une issue défavorable, des conséquences désastreuses pour la vie des otages. Vous aviez lancé un appel pour que la Burkinabè Philomène Kaboré et son époux italien, otages d'Al Qaida, soient libérés et, curieusement, quelques jours après, ils ont été libérés. Al Qaida a-t-il entendu votre appel ? La prière de l'innocent, de la victime, est toujours exhaussée. C'est peut-être dans ce sens qu'il faut considérer notre appel. Espérons que la même chose se produira pour les sept employés d'AREVA. Nous prions Dieu pour qu'il y ait une issue heureuse pour eux. Je lance un appel aux gens d'Al Qaida, afin qu'ils les libèrent parce que leur libération est beaucoup mieux que leur exécution. L'exécution entraîne le regret, mais la libération n'entraîne pas le regret. Faire du bien n'implique aucun regret. J'espère qu'ils vont me comprendre et les mettre en liberté afin qu'ils retrouvent leurs familles. C'est un peu la même situation que la nôtre. Même s'ils sont dans une situation plus grave, il n'est tout aussi pas bon pour un exilé d'être loin de sa famille. Les employés d'AREVA en otage sont des gens innocents, des experts et des travailleurs de la société. Ils ne sont pas des membres de commandos ou des malfaiteurs. Ils méritent d'être libérés. Cela contribuera à une bonne marche vers la paix. Comprenez-vous pourquoi Al Qaida agit ainsi ? Al Qaida est une réponse aux injustices qui sévissent dans le monde. C'est suite aux injustices constatées dans le monde que cette organisation a été créée. Elle est, en quelque sorte, nécessaire pour l'équilibre du monde. Je peux même dire que le terrorisme d'Etat ou des Etats engendre un terrorisme parallèle. Je ne peux pas stigmatiser les gens d'Al Qaida parce qu'ils sont suffisamment stigmatisés par les médias occidentaux, arabes, etc. Au contraire, je les vois comme des opprimés qui mènent une vie difficile. On ne peut pas injurier quelqu'un qui mène une vie difficile. Il faut toujours analyser et chercher à savoir pourquoi il mène cette vie difficile alors que d'autres personnes mènent une vie exubérante: des villas, des châteaux, des femmes, des salaires en milliards de francs, alors que lui, il vit une vie de misère dans les maquis, les montagnes, le désert. Mais lorsqu'il prend en otages des «citoyens innocents», son acte n'est-il pas plus grave que sa situation de misère ? Son action n'est pas toujours louable. Mais il faut l'analyser ou la regarder comme une réaction à une situation donnée, à une action plus grave. Ce n'est pas dire qu'ils sont autorisés à le faire. Mais il faut voir autrement le problème. Leur action est une conséquence, une réaction à une situation et non une agression. C'est en quelque sorte une légitime défense. Propos recueillis par Hervé D'AFRICK Source: Le Reporter (www.reporterbf.net) LEGENDES 1- Ahmed Simozrag: «Le terrorisme d'Etat ou des Etats engendre un terrorisme parallèle» (Ph. Hervé D'Africk) 2- «On peut dire que ce n'est pas Al Qaida qui a tué Michel Germaneau; ce sont les auteurs de l'assaut qui ont provoqué son assassinat» (Ph. Hervé D'Africk) 3- «Même si on vous met au paradis de force, je ne pense pas que vous accepteriez. Là où il n'y a pas de liberté, il n'y a pas de bonheur» (Ph. Hervé D'Africk) ACCROCHES 1- «Nous sommes victimes d'une injustice criarde, qui frappe aussi nos familles, nos enfants, nos épouses. Malheureusement, cette injustice perdure. Nous avons fait seize ans d'exil forcé. C'est une injustice criarde, inqualifiable. Ce qui me laisse perplexe et ébahi, c'est l'indifférence des organisations des droits de l'Homme. Mais aussi le fait que je sois expulsé par le gouvernement d'un pays qui se dit berceau des droits de l'Homme et respectueux des droits de l'Homme» 2- «Certes, l'action d'Al Qaida n'est pas toujours louable. Mais il faut l'analyser ou la regarder comme une réaction à une situation donnée, à une action plus grave. Ce n'est pas dire qu'il est autorisé à le faire. Mais il faut voir autrement le problème. Son action est une conséquence, une réaction à une situation et non une agression. C'est en quelque sorte une légitime défense» 3- La prière de l'innocent, de la victime, est toujours exhaussée. C'est peut-être dans ce sens qu'il faut considérer notre appel. Espérons que la même chose se produira pour les sept employés d'AREVA. Nous prions Dieu pour qu'il y ait une issue heureuse pour eux. Je lance un appel aux gens d'Al Qaida, afin qu'ils les libèrent parce que leur libération est beaucoup mieux que leur exécution. L'exécution entraîne le regret, mais la libération n'entraîne pas cela. Faire du bien n'implique aucun regret. J'espère qu'ils vont me comprendre et les mettre en liberté afin qu'ils retrouvent leurs familles. Les employés d'AREVA en otage sont des gens innocents, des experts et des travailleurs de cette société. Ils ne sont pas des membres de commandos ou des malfaiteurs. Ils méritent d'être libérés. 4- «Je demande aux autorités burkinabè de s'occuper de notre situation pour nous permettre de retrouver nos familles, de mettre fin à cette situation d'exil qui dure depuis seize ans. Le Burkina est notre seconde patrie en quelque sorte, mais nous ne sommes pas venus au Burkina de notre plein gré. On nous a emmenés de force au Burkina Faso. Même si on vous met au paradis de force, je ne pense pas que vous accepteriez. Là où il n'y a pas de liberté, il n'y a pas de bonheur. Il est du devoir des autorités burkinabè d'intervenir en notre faveur pour que nous puissions regagner nos familles et qu'il soit mis fin à cette injustice qui n'est conforme ni au droit burkinabè, ni au droit international. Je suis au Burkina mais je ne suis pas Burkinabè. Je suis un étranger sans papiers au Burkina Faso alors que je devrais être détenteur d'un passeport avec visa !»