Oussama Nadjib, Maghreb Emergent, 08 Novembre 2010 Une crise de liquidités provoque la colère des détenteurs des comptes CCP. Devant des agences postales des scènes ordinaires d'énervement et d'incompréhension. Les titulaires des comptes CCP seraient les victimes collatérales d'un drainage des liquidités vers l'informel où tout se règle en cash A sept heures du matin, le bureau de poste n'est pas ouvert et la file d'attente est déjà longue. Retraités, fonctionnaires en avaient l'habitude mais depuis ces derniers jours, cela tourne à l'exaspération. Pas d'argent, dans les postes. « Pas de cartes de retrait, pas de chèques et maintenant plus de billets… C'est le dernier stade avant le retour au troc » plaisante un jeune étudiant en… économie. C'est lui qui a posé la question : « Pourquoi les fonctionnaires, enseignants, médecins… n'ont-ils pas des comptes dans une banque, ça se passe mieux là-bas et elles ouvrent des comptes contre une attestation de travail… ». La réponse lui a été donnée par plusieurs « chaineurs » : dans la fonction publique, le compte CCP est obligatoire. La réponse est manifestement fausse. On a cherché et trouvé des fonctionnaires dans des administrations centrales qui ont des comptes bancaires – et ils en sont contents ces derniers temps- et ne disposent pas de Comptes CCP. La combinaison d'une idée reçue et d'une routine A priori, aucun texte règlementaire ne contraint un fonctionnaire à avoir un compte courant postal. « Il prendra le risque très mineur de ne recevoir son salaire que dix jours plus tard que ces collègues CCP… Mais il peut s'habituer vite à prendre sa paye le 10 du mois au lieu du 1er » explique un fonctionnaire, cadre moyen, qui dispose d'un compte bancaire. Il existe douze millions de comptes courants postaux, selon les dernières données disponibles. L'écrasante majorité des fonctionnaires en activité ou à la retraite dispose d'un CCP. La plupart sont convaincus qu'ils n'ont pas d'autres choix. Le nombre des titulaires a en effet grossi car durant les décennies précédentes, les banques n'ouvraient pas facilement des comptes. Mais ce sont surtout les administrations, par commodité, qui l'ont imposé comme un passage obligé à leurs employés. Le gonflement des comptes CCP est donc le résultat de la combinaison réussie entre une idée reçue et une routine. La tradition ou le conservatisme veut en effet que les administrations et organismes publics versent les salaires dans les CCP, comptes dépendant du Trésor, financier de l'Etat et donc en général détenteur des comptes de ces administrations et organismes publics. A cette donnée lourde, s'ajoute l'effet des flux tendus durant les conjonctures saisonnières (fêtes, ramadhan…) qui rendent la crise de liquidité récurrente au niveau de la Poste. Un spécialiste estime qu'il est possible de « désengorger » la Poste si les administrations cessent de fonctionner à « l'habitude » et indiquent à leurs employés qu'ils sont libres d'avoir des comptes CCP ou des comptes bancaires. Sur le « court terme », c'est le seul moyen, estime-t-il en relevant cependant que les banques ne disposent pas d'un réseau aussi dense de guichets que le CCP. Sur le fond, on estime, que le problème réside dans l'expansion faramineuse en une décennie de la masse monétaire nécessaire aux transactions dans l'économie. La pression est aggravée par la part importante de l'économie informelle où les transactions en cash sont la règle. « Les salariés qui connaissent actuellement les mêmes exaspérations du temps du socialisme où il allait « faire la chaine » sont les victimes collatérales de ce drainage des liquidités vers le secteur informel ». C'est une « singularité algérienne », note-t-il.