Tout pouvoir politique illégitime qui refuse de se soumettre au verdict des urnes, en toute honnêteté et transparence, a besoin de harkis et baltadjia. Un harki est un individu qui trahit sa communauté pour louer ses services à un pouvoir illégitime. Il peut le faire par inconscience, conviction ou appât du gain. Il peut être militaire (simple troupier ou officier) ou bien civil – de préférence diplômé d'une grande école étrangère pour donner plus de crédibilité aux mensonges et autres entourloupes du pouvoir qu'il sert. Sid-Ahmed Ghozali, qui a lui-même reconnu, en fin de carrière, avoir été un harki du système, est le parfait exemple de cette dernière catégorie de harkis. Comme SAG, un harki du système peut être toute sa vie harki sans le savoir. Les harkis peuvent se constituer en parti politique et défendre en bloc les thèses du pouvoir illégitime, souvent afin de se venger ou se protéger d'un adversaire jugé plus dangereux pour eux que le pouvoir. On peut aussi devenir harki par un processus graduel, un lent enlisement, comme c'est le cas des officiers de la SM recrutés dans les années 70 sous Boumédiène, convaincus qu'ils allaient servir la patrie et la défendre contre les complots de l'impérialo-sionisme, et qui se sont retrouvés vingt ans plus tard en train de pourchasser et torturer des dizaines de milliers de militants et sympathisants du FIS, Algériens comme eux. On peut devenir harki à tout âge, quelque soient ses convictions politiques. Il suffit pour cela d'accepter de servir avec zèle – et non pas seulement pour gagner sa vie – un pouvoir illégitime. Après un certain temps passé au service de ce pouvoir et si on ne commet aucune faute – comme, par exemple, être soupçonné d'avoir de fréquentations douteuses, genre FFS ou FIS –, un harki devient partie intégrante du système. Il peut même devenir une tête pensante ou un décideur important au sein du système. Tout comme le pouvoir illégitime, le harki du système se sent toujours menacé, en particulier par la «populace», imprévisible et changeante, prête à ressortir ses griffes dès qu'elle trouve des meneurs suffisamment résolus. Car le pouvoir illégitime ne peut être que tyrannique et oppresseur. Refusant toute opposition, toute forme d'alternance ou renouvellement, tout contrôle indépendant de lui, il ne peut générer que la médiocrité, la corruption et la prédation. Si cette nomenclature, rapidement élaborée, est fidèle, nous devons hélas conclure que le nombre de harkis du système est aujourd'hui très élevé dans notre pays. Mais depuis qu'un vent de révolte s'est mis à souffler dans le Monde Arabe, le pouvoir algérien illégitime ne se sent pas suffisamment protégé par les centaines de milliers de harkis qu'il a patiemment et grâce à mille et un stratagème mis en place dans tous les secteurs d'activité et à tous les échelons. La «populace», toujours aussi volatile, risque aujourd'hui de se laisser tenter par l'aventure de la révolution et de suivre une jeunesse avide de changement dont les horizons sont bouchés. Ce maudit Internet avec ses forums et réseaux sociaux n'arrange pas les choses. Et cette Jazeera qui, à partir du minuscule émirat «moyenâgeux» du Qatar, veut donner des leçons en matière de révolution à la famille révolutionnaire algérienne inoxydable et increvable! Oui, le pouvoir illégitime et ses harkis ont peur. Ils doivent très rapidement trouver une parade, s'ils ne veulent pas être emportés par la vague comme Benali et Moubârak. La solution qu'ils ont trouvée pour le moment leur est venue de Moubârak, justement : les baltadjia. Bien sûr, le pharaon déchu et ses moukhâbarât n'avaient pas eu le temps de tirer tout le profit possible de cette nouvelle tactique contre-révolutionnaire. Le DRS algérien, maître en matière de manipulation et d'infiltration de l'ennemi, réussira là où le pouvoir égyptien avait échoué. Souvenez-vous donc de ces hommes montés sur des chevaux et dromadaires qui avaient surgi au milieu des manifestants du Caire pour les attaquer à coups de sabres. C'étaient les baltadjia. La «populace» qui attaque la «populace». Les 3râya qui éliminent d'autres 3râya. L'idée est géniale : il suffit de quelques centaines de milliers de dinars distribués à une centaine de jeunes paumés qui rongent leur frein dans un quartier populaire pour disperser une marche d'intellectuels idéalistes qui se prennent pour des révolutionnaires. Tout compte fait, en y réfléchissant bien, il se pourrait bien que ce soit le DRS algérien qui ait soufflé l'idée des baltadjia aux moukhâbarât de Moubârak. Au moment où la jeunesse des grandes villes algériennes s'était soulevée le 5 janvier dernier, les télévisions françaises, entre autres, avaient à plusieurs reprises montré des groupes de jeunes de Bab-El-Oued, armés de sabres, qui criaient « Dawla islâmiyya blâ mâ nvotiw ». Du pur DRS! Pour combien de temps encore le pouvoir illégitime d'Alger sera-t-il protégé par ses harkis et ses baltadjia? Quelques mois? Attention, Monsieur Ouyahia, la «populace» algérienne est imprévisible et à trop jouer avec le feu… Lectures: