Rentrée sociale : La stratégie du pouvoir… El Watan, 2 septembre 2011 Cartables pour les écoliers , opération spectaculaire de relogement à Alger, des locaux commerciaux pour les vendeurs informels , recrutement massif des chômeurs du Sud… Le gouvernement a passé l'été à préparer un plan pour contrer toute contestation à la veille de la rentrée sociale , El Watan Week-end décortique la stratégie du pouvoir. «Agitée et bouillonnante», la rentrée sociale 2012 annonce un bras de fer houleux entre le pouvoir et la société civile. Si celle-ci s'apprête à passer à l'offensive, le gouvernement quant à lui réserve des réponses à tout. Ainsi une stratégie a été mise en place par le pouvoir pour parer à d'éventuelles manifestations ou mouvements de colère. «Les consignes sont claires, chaque département ministériel doit impérativement débloquer les dossiers en suspens. Les directives du Président ainsi que celles du Premier ministre insistent sur le fait de procéder immédiatement à des négociations avec les partenaires sociaux, procéder à la distribution des logements finis, pousser les entreprises à créer de l'emploi, combattre la bureaucratie sous toutes ses formes et réserver le meilleur accueil aux citoyens. Pour cela, les walis sont mis à contribution pour une prise en charge accrue des besoins des citoyens», révèle une source du palais du gouvernement. Au ministère de l'Intérieur, on se prépare aussi à faire face aux mouvements de protestation. «Le gouvernement entamera bientôt une série d'annonces pour une meilleure prise en charge des besoins des familles, notamment celles ayant des enfants scolarisés. Le gouvernement est conscient de la rentrée difficile pour nombre de chefs de famille. Une enveloppe budgétaire a été prévue à cet effet, tout cela pour dire qu'aucun sit-in, manifestation ou mouvement de colère – comme vous avez l'habitude de les qualifier – ne seront pas tolérés et les forces du maintien de l'ordre ont reçu des instructions claires, interdire tout rassemblement, en respectant les lois de la République. Je pense qu'il est temps de privilégier le dialogue et les négociations au lieu de sortir dans la rue, je le réitère toutes les voies du dialoguesont ouvertes», nous a annoncé une source proche du cabinet du ministre de l'Intérieur. Et des mesures, le gouvernement en réserve à satiété, à en croire nos sources, à commencer par le logement. Alger, hermétique durant une semaine Alger connaîtra à partir de demain sa plus grosse opération de logement depuis l'indépendance, quelque 3000 familles algéroises habitant des logements de fortune ou précaires, et celles des chalets du séisme de 2003 seront relogées dans des cités nouvellement construites, éparpillées dans la banlieue d'Alger. Pour ce faire, Alger sera quadrillée par un important dispositif sécuritaire qui s'ajoutera à celui déjà mis en place. «Les cités connaîtront durant les quatre prochains jours cette opération de relogement, un déploiement des forces du maintien de l'ordre et les issues seront fermées. Les entrée et les sorties dans ces cités seront contrôlées afin de parer à d'éventuels mouvements de protestation des familles non bénéficiaires et des intrus. Les précédentes opérations ont été riches en enseignements, nous ne pouvons plus renouveler ces expériences», nous explique une source à la DGSN. Allusion aux troubles qu'ont connus certaines localités du pays avant le Ramadhan. Notamment celle d'Alger, à l'image de Diar El Kef, Diar El Mahçoul, Diar Echemss, Baraki, Les Palmiers de Bachdjerrah… Les autres wilayas suivront dans les prochains jours ; Constantine et Oran seront les prochaines. Marchés informels, en attendant la régularisation Concernant la problématique des marchés anarchiques installés un peu partout dans le pays, notamment ceux des grandes villes, à leur tête Alger, les autorités locales ont été instruites pour procéder immédiatement à la distribution des 100 locaux promis par le président Bouteflika pour chaque commune. La création de marchés de proximité réglementés sera également, selon nos sources, «la priorité tracée par le gouvernement pour réglementer ces marchés anarchiques et permettre une meilleure réorganisation de l'espace public et le retour au calme. Car depuis janvier dernier, nous avons observé que ces étals sont devenus une source de nuisances et de troubles jusqu'à enclencher des émeutes». Les autorités locales sont tenues de trouver, en l'espace d'un mois, des assiettes foncières pour installer ces nouveaux marchés et procéder au recensement des vendeurs informels pour leur régularisation, des mesures fiscales – exonération d'impôt – ont été aussi prises à leur profit. «Cela permettra de créer de l'emploi pour le fonctionnement de ces marchés», assure notre source des services du Premier ministre. L'huile et le sucre…à table Les mesures prises au lendemain des émeutes de janvier dernier, lors du Conseil des ministres, seront reconduites. Les exonérations d'impôts et autres encouragements fiscaux aux profits des producteurs et surtout des importateurs ont été consolidées dans la loi de finances complémentaires 2011. Ainsi, les pouvoirs considèrent ces deux produits de première nécessité comme étant la source n°1 des mouvements de contestation, même si sur le terrain, rien ne l'a prouvé. Les conclusions du rapport de l'enquête parlementaire diligentée en avril dernier n'ont pas été rendues publiques «à la demande du gouvernement», affirme une source. Pour d'autres, le rapport pondu par la commission d'enquête parlementaire n'est qu'un règlement de comptes, les visées renseignent sur le profil de certains députés affairistes à la solde du pouvoir, selon des députés issus de l'Alliance présidentielle elle-même. Métro…faut qu'il roule Amar Tou, ministre des Transports, devrait impérativement faire marcher le métro à la date annoncée, soit le 31 octobre prochain. La raison, faire oublier aux Algérois leur désarroi quotidien, la capitale manque cruellement de moyens de transport et le secteur connaît une anarchie en plus du dispositif sécuritaire qui étouffe la vie des habitants et des voyageurs. Le lancement du métro d'Alger après trente ans de travaux constitue une chance inespérée au pouvoir pour redorer son blason. L'ENTV et les autres médias publics ou privés proches du pouvoir seront mis à contribution pour amplifier l'événement. Ainsi le lancement sera inscrit dans les injazat (réalisations) du président Bouteflika. Des billets à volonté Le ministre des PTIC semble avoir trouvé la solution pour endiguer la crise de liquidités qui perdure depuis des mois. Il a annoncé la création prochaine d'une banque postale qui permettrait, selon lui, de recycler l'argent des épargnants dans le circuit courant, ainsi les citoyens seront à la fois les principaux pourvoyeurs de liquidités et les premiers bénéficiaires. Selon le gouverneur de la Banque d'Algérie, les ménages épargnent plus que les gros comptes. Un déséquilibre qui s'ajoute aux nombreuses anomalies constatées dans le système financier algérien. Le gouvernement avait aussi annoncé qu'un système interbancaire reliant la poste allait être mis en place. Il permettrait d'assurer l'argent dans toutes les agences à travers le pays. Certaines banques et agences postales continuent toujours de refuser l'octroi de somme dépassant les 50 000 DA pour les banques et 20 000 pour les bureaux de poste. Autre solution envisagée et médiatisée ces derniers temps, la généralisation du paiement par carte et le paiement électronique. Une campagne médiatique sera incessamment lancée, selon nos sources, pour promouvoir les bienfaits du paiement par carte. En attendant, les TPE (terminaux de paiements électroniques) n'ont pas encore vu le jour dans les agences de Sonelgaz et de l'Algérienne des eaux, ni d'ailleurs dans les grandes surfaces. Vite, vite distribuez les cartables ! Pour la deuxième année consécutive, la rentrée scolaire coïncide avec la fin de Ramadhan et l'Aïd El Fitr, un mois de forte consommation où le budget des ménages est lessivé. En plus de l'enveloppe supplémentaire octroyée par les pouvoirs publics pour parer aux dépenses des familles démunies, selon plusieurs sources, les autorités ont demandé aux entreprises publiques et privées de procéder immédiatement «à la distribution de cartables et autres fournitures scolaires aux employés dans le cadre des œuvres sociales», atteste une source à la wilaya d'Alger. Certaines grandes entreprises, à l'image des opérateurs de téléphonie mobile, et les grands industriels, tel Cevital, ont été priées de contribuer à «l'effort et à la solidarité nationale» pour une rentrée scolaire confortable. Certains grands commerçants ont été aussi sollicités pour participer à l'opération cartable et fournitures pour chaque écolier, dont le nombre a atteint les 8 millions cette année. «Le maire m'a demandé de participer à la campagne de solidarité au profit des familles démunies pour l'achat de fournitures, tabliers et cartables, ce que j'ai accepté sur-le-champ et j'ai même sollicité d'autres amis pour ce faire», confie un gros commerçant de Sétif. Même le ministère des Affaires religieuses a été mis à contribution pour réussir l'opération et «calmer ainsi les esprits», «les associations à caractère social et religieux en plus des zaouïas seront de la partie pour venir en aide aux familles nécessiteuses. Nous avons commencé le recensement avant Ramadhan. La même liste des familles qui ont bénéficié du couffin de Ramadhan sera reconduite. Maintenant l'opération est entre les mains de la société civile», révèle une source proche du ministère des Affaires religieuses et des Wakf.Le ministère de l'Education nationale et celui de la Solidarité nationale travailleront ensemble pour distribuer les dons et autres allocations prévus par la loi de finances 2011 Des emplois… à gogo Tout pour endiguer la crise qui se profile, les chômeurs du Sud, à en croire nos sources, devraient attendre leur tour devant les bureaux de main-d'œuvre au lieu d'observer des sit-in devant les sièges des daïras et des wilayas de Laghouat et de Ouargla. C'est ce qu'a indiqué en tout cas notre source au Palais du gouvernement. «Le gouvernement a ordonné aux différentes entreprises du Sud, notamment dans les régions pétrolières, de recruter pas moins de 22 000 chômeurs locaux dans le cadre des différentes formules de soutien à l'emploi de jeunes décidées par le président Bouteflika lors du Conseil des ministres du mois de février.» Pour les autres wilayas, l'Ansej demeurera la Mecque des chômeurs après le succès atteint le premier semestre de 2011. Les pouvoirs publics ont donc décidé des rallonges budgétaires au profit des différentes antennes de l'Ansej à travers le territoire national. Oran vient de bénéficier d'une enveloppe supplémentaire de 27 milliards de dinars. Education La rentrée sociale 2011-2012 s'annonce chaude, si l'on se réfère aux appels aux mouvements de protestation, lancé par les différents syndicats du secteur de l'Education. Et c'est la Coordination nationale des intendants du secteur de l'éducation nationale affiliée à l'UGTA qui ouvrira le bal avec une grève nationale reconductible pendant les trois premières semaines de l'année scolaire, à savoir, les 5,6,7,12,13,14 et 19,20,21 septembre. Les grévistes réitéreront les points constituant la plateforme mise en place le 21 février dernier. Les intendants ne s'arrêteront pas à cette action, puisqu'ils prévoient également de tenir un rassemblement devant les différentes directions de l'éducation à travers le pays, le 11 du moins courant, et ce, pour dénoncer, entre autres, l'écart entre les salaires des travailleurs de l'éducation, par rapport aux autres secteurs. Le dossier des services sociaux figure également sur la liste des doléances de la coordination. De son côté, le Syndicat national des travailleurs de l'éducation (SNTE) indique, dans un communiqué, que les représentants des 31 wilayas ont convenu, lors de la dernière réunion du 23 juillet, d'observer un débrayage le 11 septembre à partir de 9h devant le ministère de l'Education. Le SNTE tient à rappeler ses principales revendications qui tournent autour de la révision du statut particulier avec une classification de ce corps à la catégorie 10 et la révision de la gestion des œuvres sociales. Zouheir Aït Mouhoub , Lamia Tagzout