Sit-in, grève de la faim, discussions vaines avec le ministère… Un an après la tentative de suicide collectif des chômeurs de Ouargla, la situation s'est aggravée dans le Sud. Le comité le plus tenace et le mieux organisé du pays compte se rendre à la Présidence à la rentrée et prépare son action en université d'été. «Une coalition des chômeurs maghrébins et méditerranéens est en gestation». «Ca nous fait plaisir de voir les gens sortir, dormir devant la daïra et la wilaya. On ne va plus se taire !» «Nous voulons que nos décideurs mettent en place de nouvelles politiques de la formation professionnelle et de l'emploi.» Parole de chômeur. Dans le Sud, on a la tête dure. Il y a un an, le 27 juillet, une dizaine de chômeurs tentent un suicide collectif à Ouargla pour réclamer un travail. Depuis, rien n'a changé. Alors que les mouvements sociaux se sont multipliés au Nord, puis progressivement éteints, le Comité national de défense des droits des chômeurs, né à Ouargla, tient toujours tête à Tayeb Louh. Hier encore, l'Agence nationale de l'emploi de la ville a été prise d'assaut par les chômeurs et les travailleurs empêchés de rejoindre leur poste. La nomination d'un nouveau directeur régional n'a rien changé. Après sept ans de lutte contre le système de recrutement instauré par les autorités, qui les exclut de facto des listes des heureux embauchés de l'Agence nationale de l'emploi, les chômeurs du Sud s'adaptent au fur et à mesure à la donne du terrain. La rencontre avec Tayeb Louh, le ministre du Travail, le 23 juin dernier, a marqué un tournant historique. Mais les jeunes chômeurs estiment que le dialogue était biaisé et que le ministre n'a pas bougé d'un iota de la ligne de conduite qu'il s'est imposée depuis l'avènement du mouvement des chômeurs : pousser la situation au pourrissement et instaurer la banalisation des actions de contestation d'un comité qu'il estime illégitime. «Le ministère du Travail a fermé la porte à tout changement radical, la mafia de l'emploi a le bras long», entend-on au comité. C'est désormais au palais d'El Mouradia que les chômeurs comptent poursuivre leur action. Ils espèrent y organiser un grand rassemblement à la rentrée sociale pour s'adresser directement au chef de l'Etat qu'ils pensent induit en erreur par ses ministres et les démembrements des instances de l'emploi. «On a demandé au directeur de l'ANEM de nous montrer les 1800 postes que nous aurions refusés de rallier, selon les rapports adressés à la Présidence», précise un militant. Université d'été Malgré trois suicides et deux incarcérations durant les trois derniers mois, les chômeurs se retrouveront par ailleurs en université d'été du 19 au 28 juillet à Tichy où ils recevront de la part d'experts bénévoles des connaissances en droit, en communication, en syndicalisme, en histoire des mouvements sociaux en Algérie ou sur la place de la femme dans le monde du travail. Des contacts sont établis avec des comités tunisiens, marocains, espagnols et italiens pour la création d'une organisation maghrébine et méditerranéenne de défense des droits des chômeurs. D'ici à la rentrée sociale, les principales actions du CNDC se focaliseront sur l'accompagnement et la sensibilisation des chômeurs, afin d'encourager le militantisme plutôt que le suicide, élaborer un avant-projet de réglementation de l'emploi dans les zones pétrolières du Sud et préparer un impressionnant sit-in devant la résidence en automne. Plus que jamais, les chômeurs réclament un travail digne pour tous, l'équité dans la sélection de l'ANEM, une allocation chômage à hauteur de 50% du SNMG jusqu'à la date d'embauche et surtout la reconnaissance du CNDC en tant que partenaire social représentant la base pour l'amélioration de l'arsenal juridique régissant l'emploi. «Pour absorber la colère des chômeurs, les autorités auraient pu adopter une stratégie plus raisonnable, constate un chômeur. C'est leur silence et leur indifférence qui font que nos rangs grossissent chaque jour…»