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LETTRE AUX NECROCRATES DES DEUX RIVES
Publié dans Le Quotidien d'Algérie le 14 - 10 - 2011

Aussi longtemps que nous cacherons les vérités, comme des lettres d'amour, que nous donnerons tout le temps raison à nos fautes et à nos erreurs et toujours tort à la sagesse et la raison, nous n'aurons aucune prise sur notre destin et aucune chance de connaitre le bonheur.
B2-Namous est une ancienne base militaire secrète de l'armée française située dans le Sahara et qui a été utilisée du temps de l'occupation coloniale (1830-1962), mais également du temps de la République algérienne; jusqu'en 1978. B2-Namous est la dernière base militaire, connue, à avoir été utilisée par la France après l'indépendance (ou presque) de l'Algérie. La présence de cette base a été publiquement divulguée en 1997, soit vingt ans après la fin du premier bail renouvelable accordé à la France par les membres « éclairés » de la délégation algérienne, ayant signés les « honteux » Accords d'Evian le 19 Mars 1962, et leurs clauses secrètes.
La France, ayant alors dû abandonner les essais nucléaires aériens (gerboises verte-rouge-blanche et bleue après avoir pollué Reggane), pour les remplacer par des essais souterrains, « moins polluants », mais non moins meurtrier, a opté pour des essais souterrains. Les tirs sahariens étaient réalisés en galeries, celles-ci étant creusées horizontalement dans le Tan Afella sur le site d'In Ekker, et non pas dans les Alpes, aux Pyrénées ou alors au Massif Central en territoire français, mais en territoire algérien. Ce type de galeries de tirs était creusé de manière à se terminer en colimaçon. Cette forme de tunnel d'une part fragilisa fortement le sol à cet endroit, et d'autre part freina en ce point l'expulsion des gaz, des poussières et des laves produits par la vitrification du sol. Selon les calculs des ingénieurs, en raison de ces deux facteurs, la galerie devait en ce point s'effondrer et se colmater. Elle était de plus refermée par un bouchon de béton. Ces mesures étaient réputées permettre le meilleur confinement possible de la radioactivité, ce qui avait justifié qu'on ait invité de nombreux officiels dont deux ministres, celui de la Défense, Pierre Messmer et celle du Ministre de la recherche scientifique, Gaston Palewski, à assister au tir (tous deux morts de cancer).
Le polygone d'essai de B2-Namous couvrant une superficie de 100×60 kms, fut alors le second plus vaste centre d'expérimentation d'armes chimiques au monde après celui de l'Union Soviétique et, est mis en activité dans le cadre du contrat de « bail » préalablement établi par les Accords d'Evian de 1962. La délégation algérienne accepte la réouverture de B2-Namous à condition que les autorités d'Alger bénéficient d'une couverture civile pour ne pas avoir à traiter avec l'armée française, concrètement le site d'essai doit être officiellement géré par une entreprise civile, c'est la compagnie « écran » industrielle Sodéteg, qui a obtenu ce contrat.
L'accident de Béryl (du nom de code de l'essai) est un accident nucléaire qui s'est produit lorsque la France réalisait son second essai nucléaire souterrain, le 1er mai 1962 pour mettre au point sa bombe atomique. Le site choisi pour le test était In Ekker, à environ 150 km au nord de Tamanrasset. La montagne Taourirt Tan Afella, l'un des massifs granitiques du Hoggar, après avoir fait l'objet de sondages géotechniques faussement présentés comme étant une prospection minière d'or et d'uranium, est retenue comme site de tir. Le site est aménagé à partir de 1961, aérodrome construit au nord-est d'In M'guel et base vie entre le village targui de In M'guel et le puits de In-Ekker dont le bordj était alors contrôlé et occupé par les gendarmes. Une base dite DAM Oasis 1 puis Oasis 2 est alors construite de manière à ne pas être visible de la route. Lors de ce deuxième essai souterrain, le bouchon s'était pulvérisé, La bombe ne dégagea par 20 kilotonnes de TNT mais 50. Les portes blindées cédèrent, laissant s'échapper un nuage radioactif de gaz et de particules hors de la galerie de tir. Une fraction de la radioactivité a été expulsée avec les gaz, laves et scories projetées. Les laves se sont solidifiées sur le carreau de la galerie, mais les aérosols et produits gazeux ont formé un nuage qui a culminé à près de 2600 m d'altitude, à l'origine d'une radioactivité détectable jusqu'à quelques centaines de kilomètres.
Officiellement, la base servait « hypocritement » de champ d'expérimentation à la défense passive dans le sens de l'élaboration de nouveaux matériels de protection face à une agression chimique. La réactivation de B2-Namous intervient dans les contextes particuliers de la course aux armements inhérente à la guerre froide, et celui de la guerre du Viêt Nam au cours de laquelle les services de renseignement américains font part à leur alliés français de leurs recherches dans ce domaine et également de l'avancée de leur ennemi commun soviétique. En 1972, le gouvernement français fait adopter une loi interdisant tous travaux sur les armes bactériologiques, à partir de cette date les travaux de B2-Namous ne portent donc officiellement plus que sur de l'armement chimique. Répondant à la question d'Hervé Brusini « Alors pourquoi l'Algérie indépendante acceptait-elle des expérimentations sur son sol ? », l'ex-Ministre déclara :
« Mais B2-Namous c'est au Sahara, et au Sahara, comme on le sait, il n'y a pas beaucoup d'habitants et les expérimentations de la France à B2-Namous ne gênaient pas du tout l'Algérie, au contraire, je dirai au contraire parce que ça apportait autour de B2-Namous une certaine activité qui a disparu complètement quand nous avons fermé le centre. »
Ceci veut implicitement dire qu'après le fiasco de « Béryl », il ne restait aucune activité dans ce secteur en raison de sa forte irradiation, et que pour remédier à cette tare criminelle, les Déserteurs de l'Armée Françaises, leurs alliés et leurs ralliés, (qui ne peuvent aujourd'hui prétendre ignorer les crimes coloniaux français de Reggane, Oued Namous et In M'guel), ont délibérément internés des milliers de citoyens algériens dans ces zones irradiées.
L'autre chose que le Messmer « clou » de la république des droits de l'homme avait omise, alors qu'ayant reconnu qu'au Sahara, il n'y avait pas beaucoup d'habitants. Pas beaucoup, ce qui insinue qu'il y en avait tout de même un petit nombre. Messmer, n'a jamais dit qu'est-il advenu de ce petit nombre qui existait ? Que sont-ils devenus, et ce n'est pas tout ce que la France « civilisatrice » continue d'occulter, et les équivalents donc de dose qui auraient été reçus par des populations nomades présentes au moment de la retombée, et qui auraient ensuite séjourné au même endroit. Ces populations nomades du Kel Torha, les plus exposées auraient ainsi pu recevoir des équivalents de dose cumulée allant jusqu'à 2,5 mSv, si ce n'est plus, (de l'ordre de grandeur d'une année de radioactivité naturelle). Le nombre d'Algériens ayant péris et/ou contaminés reste inconnu à ce jour.
À Merkoutek, ce village martyr, le plus proche du point zéro, aujourd'hui des bébés viennent au monde avec des malformations congénitales dues à l'irradiation des parents et de l'environnement. Quant à la contamination éventuelle de la chaîne alimentaire suite à des ré envols et/ou concentration locales de radionucléides, celle-ci ne semble intéresser personne, et de n'avoir fait l'objet d'aucune étude.
Témoignage de Pierre MESSMER, du 5 décembre 1995 :
« J'ai été présent à In M'guel en Algérie entre le 16 avril et le 14 mai 1962 pour assister à des essais nucléaires. J'étais accompagné de M. Gaston PALEWSKI, lui même ministre de la recherche. Un incident est survenu à l'occasion d'un tir souterrain entraînant une fuite de gaz et des poussières radioactives. Immédiatement, les personnels exposés ont été ramenés à la base vie et le soir, l'ensemble des personnes présentes sur le site, y compris les deux ministres, ont été soumis aux mesures habituelles de décontamination. Je précise à cet égard que l'ensemble des opérations de tirs nucléaires de cette époque sont toujours classifiés secret-défense.
L'ancien ministre du général De Gaulle déclarera un peu plus tard devant les caméras de la TSR en livrant d'autres précisions sur cette journée du 1er mai 1962:
Nous étions en face d'une pollution extrêmement grave et le vent a tourné d'un seul coup dans notre direction ». Messmer poursuit en admettant qu'il y a eut « beaucoup de problèmes d'organisation » et « une certaine panique ». Un témoignage qui recoupe précisément ceux des autres personnes présentes ce jour-là à In M'guel, dont Jacques MULLER, mais aussi, Gaston PALEWSKI. L'ancien ministre de la recherche décédé quelques années plus tard d'une leucémie, a toujours soutenu que le mal qui le terrassait, était la conséquence directe de cet accident nucléaire.
Le témoignage de Jacques MULLER (qui avait 25 ans à l'époque des faits) :
On nous avait conviés à venir assister à cet essai. Ça va être joli, nous avait-on expliqué. Nous étions en short et en chemise. Mais lorsque l'explosion s'est produite, une énorme flamme horizontale s'est échappée de la montagne face au PC de commandement. Alors là, je peux vous dire que l'exode de 1940 à côté, c'était rien. C'était la panique totale, le sauve qui peut général.
Restent les internés des camps de la honte et de la haute trahison, le destin à voulu qu'ils soient des témoins d'une ignoble et criminelle histoire d'un crime contre l'humanité, à la charge d'un quarteron de nécrocrates :
- La France d'hier et ses bombes,
- Ceux qui ont autorisé et permis ces essais après « l'indépendance »,
- Les auteurs de notre déportation massive et sauvage de février 1992,
- Les responsables de notre exclusion de la « Farce » de réconciliation nationale.
* Défenseur « non monnayable » des droits de l'homme
Porte parole du Comité des Internés des Camps de la Honte.
Lectures: 6


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