L'AFFAIRE DES CONTRATS DGSN-ABM JUGEE HIER Oultache : “Tout le monde savait” Par : Nissa HAMMADI, Liberté, 20 octobre 2011 Quand la juge lui demande s'il savait avant de conclure ces marchés de gré à gré que son gendre était actionnaire dans la société ABM, il rétorque qu'il était seulement au courant qu'il travaillait dans cette société. Coup d'éclat hier durant l'audience consacrée à l'affaire DGSN-ABM. La défense de l'ex-chef de l'unité aérienne de la direction générale de la Sûreté nationale, Oultache Chouaïb, accusé de malversation et trafic d'influence au profit de la société Algerian Business Multimedia a demandé la récusation de la magistrate en charge de ce dossier pour soustraction de documents et de pièces de procédures. Cette demande, introduite lundi dernier, a été vraisemblablement rejetée puisque après une courte suspension de la séance, la présidente de l'audience annonce l'ouverture du procès. Aux côtés d'Oultache dans le box des accusés, cinq autres détenus, soit quatre responsables de la société Algerian Business Multimedia (ABM), leader de la distribution informatique en Algérie, ainsi que l'ex-directeur de l'administration générale de la DGSN. Au total, vingt-cinq personnes — certaines en liberté provisoire —, dont dix-neuf fonctionnaires de police, doivent répondre des chefs d'inculpation de passation de marchés publics en violation de la législation, dilapidation de deniers publics et trafic d'influence. Me Bouitaoune, avocat de Sator, gendre d'Oultache et actionnaire de la société ABM, revient sur le motif de la récusation de la magistrate. “Cela remonte à la troisième audience. La défense a réclamé pour une énième fois le rapport de l'inspection générale de la DGSN sur lequel est basée toute l'inculpation. Document d'ailleurs qu'elle avait déjà demandé quand l'affaire était en instruction. Il faut être clair, soit ce rapport il existe et on le remet aux avocats, soit il n'existe pas et on prend acte de cela. Car, pour l'instant, les faits reprochés à mon client ne reposent sur aucun élément juridique. Il est poursuivi parce qu'il est seulement le gendre d'Oultache.” Selon Me Bouitaoune, il est reproché aux accusés principalement la conclusion de deux marchés : l'un portant sur un peu plus de 10 000 onduleurs et l'autre sur les consommables. “Le juge d'instruction a été incapable de prouver que ces marchés sont irréguliers puisqu'ils ont été approuvés par la commission nationale des marchés et supervisés par le contrôleur du Trésor public qui a donné son approbation. Donc, il y a une contradiction entre les pièces du dossier et les poursuites.” De son côté, l'avocat de l'ex-chef de l'unité aérienne de la direction générale de la Sûreté nationale a indiqué, à l'ouverture du procès, que la soustraction des pièces de procédures est un délit qui rend les accusations caduques et de ce fait il a demandé l'annulation des poursuites judiciaires contre les accusés. “Zerhouni m'a dit : De quoi tu te mêles ?” Oultache a été le premier à être entendu par la juge. Coutume sombre, chemise blanche et sa légendaire moustache bien taillée, il commence d'emblée par dire : “Oui, j'ai beaucoup de choses à révéler. Ce sont les meilleurs éléments de la police qui sont accusés dans cette affaire. C'e sont eux qui ont fait face aux dinosaures de la DGSN.” Oultache revient ensuite longuement sur la genèse du projet de modernisation et d'informatisation des services de la police ainsi que sur les conditions de passation de marchés portant sur des équipements informatiques entre la direction générale de la Sûreté nationale et la société ABM. “Le DGSN était constamment mis au courant. Tous les soirs avant de rentrer chez lui, il passait prendre le café dans le bureau du DAG. Parfois, j'y étais. Bouteflika aussi était séduit par la présentation du projet de modernisation des moyens de communication, de transmissions et d'information de la police et a approuvé son contenu. Seul le ministre de l'intérieur de l'époque est entré dans une colère noire quand il a appris l'existence de ce projet de modernisation, car il voulait l'attribuer à des sociétés étrangères ; alors qu'on a nos compétences. Il m'a téléphoné pour me dire de quoi tu te mêles.” Oultache très serein poursuit : “le 30 janvier 2010, c'était la panique chez les dinosaures. C'était le jour de la généralisation de la transmission électronique de la DGSN. Cela a dérangé car il y a des directeurs centraux qui ont un niveau CAP. Je tiens à dire que ceux qui ont conduit le projet de modernisation des moyens d'information et de communication de la DGSN sont des patriotes. Ils ont fait faire à cette institution un saut de 30 ans.” Quand la juge lui demande s'il savait avant de conclure ces marchés de gré à gré que son gendre Sator était actionnaire dans la société ABM, il rétorque qu'il était seulement au courant qu'il travaillait dans cette société. “J'avais avec lui des relations protocolaires. Je le rencontrais furtivement quand il venait à la maison car je rentre généralement vers 23h.” À la question de la magistrate de savoir, s'il avait informé feu Ali Tounsi, que Sator était son genre, il répond : “Il était au courant. Je l'ai invité au mariage. Il y a des photos qui le prouvent.” Oultache jette un pavé dans la mare en soutenant qu'il avait lui-même demandé à ce que l'inspection générale de la DGSN ouvre une enquête sur la régularité ou non des marchés passés avec ABM. Il enfonce encore le clou en affirmant qu'il avait appris qu'il était poursuivi pour transactions douteuses que sur son lit d'hôpital où il était soigné pour les blessures par balle au ventre, à la suite de l'intervention, selon les témoins, de la garde rapprochée de l'ex-DGSN. Car il faut rappeler que Chouaïb Oultache est également accusé de l'assassinat le 25 février 2010 du feu Ali Tounsi. La date du procès de cette affaire n'a pas encore été fixée. Affaire à suivre. Nissa Hammadi