KHARTOUM, Soudan — Omar el-Béchir exclut de comparaître un jour devant la Cour pénale internationale (CPI), dont le procureur a requis le 14 juillet dernier l'inculpation du président soudanais pour génocide et crimes de guerre dans le conflit du Darfour, selon un entretien publié jeudi. Le chef de l'Etat, qui réagit pour la première fois, explique au quotidien indépendant de Khartoum « Al-Ayyam » que ses avocats vont contester devant le Conseil de sécurité des Nations unies et la Cour internationale de justice (CIJ) la légalité de l'inculpation et les éléments sur lesquels elle se fonde. Le procureur de la CPI Luis Moreno-Ocampo a aussi demandé au tribunal basé à La Haye d'émettre un mandat d'arrêt à l'encontre d'Omar el-Béchir, mais il peut s'écouler des semaines avant que la cour ne rende sa décision. L'ONU estime que le conflit au Darfour, dans l'ouest du Soudan, a fait jusqu'à 300.000 morts et 2,7 millions de déplacés depuis que des groupes noirs s'estimant victimes de discrimination de la part du gouvernement à majorité arabe ont pris les armes pour se faire entendre. Le Soudan affirme ne pas relever de la juridiction de la CPI dans la mesure où Khartoum n'est pas signataire du statut de Rome, le traité de création de la Cour en 1998. L'an dernier, il a ainsi refusé de livrer deux Soudanais inculpés de crimes contre l'humanité. C'est la première fois qu'un chef de l'Etat en exercice pourrait être inculpé par la CPI. « Le gouvernement (soudanais) ne traitera jamais avec la Cour. Il ne la reconnaît pas et ne se présentera pas devant elle », assure Omar el-Béchir dans le journal. « Personne ne sait d'où (le procureur) tire » ses éléments à charge, « alors nous avons recours à des experts juridiques pour contester la légitimité et la légalité » de la demande d'inculpation, poursuit-il. Il exclut de dépêcher des avocats soudanais à La Haye mais déclare ne pas s'opposer pas à ce que le dossier soit pris en main par des instances régionales. La Ligue arabe et l'Union africaine ont déjà demandé au Conseil de sécurité de l'ONU, seul habilité à prendre une telle mesure, de geler l'affaire pendant 12 mois. Le président soudanais qualifie par ailleurs de « partiale » et « illégale » la résolution de 2005 du Conseil de sécurité de l'ONU autorisant la CPI à se charger de la crise du Darfour. En tant que membre de l'ONU, le Soudan, dit-il, ne traitera qu'avec la CIJ, organe onusien également basé à La Haye. Pour lui, tout cela relève d'un « complot historique » visant « à diviser le Soudan en petits Etats, en une nouvelle Yougoslavie ». Omar el-Béchir dirige le régime islamiste de Khartoum depuis son arrivée au pouvoir par un putsch en 1989.