Par Melchior Oberson, Tribune de Genève 24.02.2012 La police française avait procédé à l'arrestation du docteur algérien Mourad Dhina, ancien chercheur au CERN et domicilié à Genève depuis vingt ans, le 16 janvier dernier. Sa demande de mise en liberté provisoire vient d'être rejetée. Comité de soutien à Mourad Dhina Mourad Dhina, opposant historique du gouvernement algérien depuis le coup d'Etat militaire de 1992, pourrait passer les vingt prochaines années de sa vie dans une geôle de son pays natal. Comme le révélait la Tribune de Genève le 16 janvier dernier, la police française a en effet écroué le docteur en physique des particules alors qu'il se rendait à Paris, sur la base d'un mandat d'arrêt international lancé à son encontre en 2003. Il ne s'agissait pourtant pas de son premier voyage dans l'Hexagone, qui avait jusqu'alors ignoré l'ordre d'interpellation. Placé en détention extraditionnelle, le physicien s'est vu refuser une demande de libération provisoire qu'il avait formulée mi-février. La justice française statuera sur son cas le 21 mars prochain. Un fervent adversaire du gouvernement algérien Bien qu'il ait quitté l'Algérie depuis 1983, Mourad Dhina, âgé de 51 ans, aura lutté sans relâche contre les militaires à l'origine du coup d'Etat de 1992, qu'il considère comme responsables d'un «crime contre l'Algérie.» En réaction à ce putsch, il devint membre du Front Islamique du Salut (FIS), formation politique dissoute par l'armée après sa victoire aux législatives algériennes, où il assumera d'importantes responsabilités parallèlement à son travail de chercheur au CERN. Alors qu'il réside dans la commune française de Saint-Genis Pouilly, à quelques pas de la frontière suisse, il est traqué par la police qui, sous les ordres de Charles Pasqua, pourchasse les militants du FIS. Mourad Dhina se réfugie en Suisse, et plus précisément à Meyrin, en 1993. Il abandonne le mouvement onze ans plus tard et fonde Al-Rachad, un mouvement politique dont la principale revendication consiste en l'organisation d'élections libres en Algérie. «Faire taire un opposant» La justice algérienne reproche à Mourad Dhina ses liens présumés avec la frange armée du FIS pendant la guerre civile algérienne qui succéda immédiatement au coup d'Etat. Jugé par contumace en 1997, il a écopé de vingt ans de prison ferme. Mais la Suisse restera sourde aux demandes d'extradition de l'Algérie. «La Suisse a mené son enquête, mais n'a rien trouvé», précise à Libération Me Antoine Comte, son avocat. Il considère les assertions de la justice algérienne comme uniquement destinées à «faire taire un opposant.» Plusieurs associations des droits de l'homme lui ont emboîté le pas, et ont adressé une pétition au Premier ministre français François Fillon, dans laquelle elles dénoncent «une mise en détention à la demande du gouvernement algérien pour des motifs manifestement politiques.» (TDG)