«Nous sommes morts depuis longtemps» NPM: un gréviste de la faim évacué par le SAMU. Il leur reste 9 jours pour boucler un mois de grève de la faim. Les enseignants contractuels grévistes commencent à franchir le seuil fatidique de ce que le corps peut tolérer comme abstinence à l'alimentation. Ils s'approchent tout simplement du danger de mort sous le regard indifférent des autorités. L'état de santé des 55 enseignants grévistes de la faim depuis, déjà 21 jours, se détériore de plus en plus. Le cas de Farida de Tipaza est grave. Son petit corps chétif, à la limite du squelettique, ne peut plus lui permettre de se tenir debout. « Tiens-toi bien, les agents de la Protection civile vont arriver d'un instant à l'autre », lui souffle, tout bas, sa collègue qui lui essuie le visage et essaye, tant bien que mal, de lui faire ingurgiter quelques gorgées d'eau pour qu'elle se maintienne consciente. De l'autre côté, Hannane de Blida, une autre collègue, moins faible qu'elle, lui tient la main et se met à pleurer discrètement. Elle a un malaise au niveau des abdos et au niveau de la poitrine. Le médecin (bénévole) ne vient que vers la fin de l'après-midi. Faibles et pâles, les 18 enseignantes qui occupent cette pièce sont toutes inquiètes pour l'état de santé de leur collègue. Les mains sur la joue et elles se regardent. Il était 10h30 quand les agents de la Protection civile sont arrivés et ont évacué Farida vers l'hôpital de Zmirli. Deux de ses collègues l'ont accompagnée. De l'autre côté se trouve plus d'une vingtaine d'enseignants. Eux aussi ne sont pas épargnés par la faiblesse. Nous nous sommes approchés de Walid de Guelma, enseignant de l'informatique que le désespoir a brisé, à l'instar de tous ses collègues grévistes. « Nous sommes morts depuis longtemps », ne cesse de répliquer Walid qui enseigne depuis 5 longues années, «sinon comment vivre avec un salaire de 7 300 DA / mois et pouvoir répondre aux besoins de nos enfants », se demande-t-il, « alors que nous subissons les mêmes obligations que les enseignants confirmés », enchaîne-t-il. « Nous n'avons aucun avenir », nous déclare une enseignante de Béjaïa, ajoutant « à 40 ans et après une dizaine d'années d'exercice, on ne peut plus penser à un autre métier. Le plus jeune parmi nous a 30 ans». Nos interlocuteurs sont revenus sur le système d'intégration puisque le ministère annonce 2597 postes vacants pour le secondaire. « Nous ne demandons que notre intégration », réclament-ils. Une autre enseignante s'est demandée « comment un enseignant peut être remplacé par son élève après 5 ans d'exercice ? ». « Pas de justice sociale sinon on ne se serait pas retrouvé ici en train de mourir à petit feu ». En 2006, il y a eu une instruction ministérielle et une décision interministérielle qui confirment l'intégration des enseignants contractuels mais malheureusement ce n'est qu'une minorité qui était concernée. S'agissant de la bonification accordée par le ministère de l'Education nationale aux enseignants ayant postulé au concours national de recrutement et ayant exercé aussi bien à titre de suppléant (remplaçant) qu'à titre de contractuel (occupant un poste vacant), Mme Ghouzlane secrétaire générale du SNAPAP, qui observe elle aussi par solidarité une grève de la faim, indique que « cette mesure est prévue par la loi et n'est pas nouvelle et propre à Benbouzid ».Toutefois, le SNAPAP dénonce l'incrédibilité du concours de recrutement qui s'est déroulé, rappelons-le, le 29 juillet dernier, puisque ledit concours s'est réduit en simple présentation de CV des enseignants y ayant postulé. « Les enseignants affiliés au SNAPAP et ayant participé à ce concours ont affirmé le non -déroulement de l'examen et ils ont simplement présenté leur CV », nous a expliqué Mme Ghouzlane, précisant que 50% des contractuels n'ont pas le droit à ce concours puisqu'ils sont soient ingénieurs, soient licenciés en droit, en sociologie, en psychologie…. En guise d'anecdote, elle rappelle qu'un jeune couple s'est présenté le jour du concours en tenue nuptiale car ce jourlà coïncidait avec le jour de leur mariage. Parallèlement à cela, ajoute-t-elle, la tutelle commence à bouger en promettant de régler les salaires non payés des enseignants avant le mois de septembre, l'une des principales revendications des grévistes de la faim. Une promesse à laquelle ces derniers ne croient pas trop. Selon Mme Ghouzlane, « Il est impossible de régler la situation de 30 000 enseignants, dont la moyenne d'exercice est de 3 ans, avant le mois de carême ». Par ailleurs, le SNAPAP et les enseignants contractuels en particulier, déplorent le fait que Benbouzid ferme toutes les portes du dialogue. « Devant le manque d'héroïsme pour l'ouverture du dialogue, la légitimité de notre cause se justifie de plus en plus », déclarent-ils en soulignant l'échec de la politique de Benbouzid dans le secteur de l'Education, ô combien sensible.