universitaire «Dans les temps de crises politiques, on n'a que des opinions ; les vertus ne comptent pas» John Petit-Senn, poète suisse (1792-1870) «Je suis un citoyen de chaque année et non plus un sujet de tous les cinq ans, le temps d'une législature», telle fut la réponse sèche et tranchée d'un étudiant oranais au journaliste de Canal- Algérie qui l'interroge sur son opinion personnelle concernant la prochaine échéance électorale. A vrai dire, ce cri d'amertume et de révolte résume à lui seul l'ampleur de la consternation populaire en Algérie face à tout se qui se trame en haut lieu des sphères de l'Etat. La jeunesse, ce pilier de toute nation épanouie, dynamique et ouverte à tous les vents du progrès a malheureusement été dans notre pays déçue, avachie et recluse dans sa tour d'ivoire. L'on sent même ces dernières années une tendance juvénile dominante qui exprime le ras-le-bol général de toute la société sous ses différentes formes: (Harragas, désintérêt de la politique ainsi que des politiques, émeutes sporadiques et sans réelle portée, et fuite de ce qui reste d'élite). On est si l'on veut en donner une fidèle image, face à «un phénomène d'accumulations de ressentiments protéiformes». En effet, cette génération du facebook et du twitter aurait inconsciemment construit la bulle de son repli et s'est engagé à son corps défendant dans une logique particulièrement revancharde contre l'héritage des anciennes élites. Celles-ci n'ont, à posteriori, rien laissé de concret à cette nation à laquelle la jeunesse algérienne a si tant crue. Ironie du sort, comme effet immédiat, la fierté ainsi que l'orgueil national que cette jeunesse déprimée a ingurgités avec un infini dévouement et innocence dans les manuels scolaires de «l'école fondamentale» n'ont rien fait d'apaisant et de salvateur que de l'empêcher de voir clair et de distinguer nettement les enjeux cruciaux auxquels elle devrait faire face dans l'avenir. C'est en fait un brouillard d'ambiguïtés et de confusions qui s'est soudainement abattu sur le pays, l'histoire nationale a été falsifiée et des biographies imaginaires, pleines d'héroïsme et de prouesses sont érigées comme des effigies à la santé et à la mémoire des maîtres à bord du navire algérien. Dans cet inextricable imbroglio, le destin de la jeunesse a été tenu en laisse par des faiseurs de décisions et d'opinions tapis dans l'ombre. En conséquence, l'abstention, ce fléau qui, sous d'autres cieux et espaces, aurait pu enclencher tous les signaux d'alarme possibles (sondage d'opinion, campagne de sensibilisation de la part de la société civile ainsi que des médias et plus particulièrement des débats télévisés périodiques chaque année et en dehors des échéances électorales avec les spécialistes de tous bords), semble en Algérie n'intéresser plus aucune personne. Pire, l'on a assisté même de par le passé à des campagnes d'envergure d'appel au boycott et de critique au vitriol de tout scrutin. Ce qui, il faut l'admettre aujourd'hui, nuit gravement à la bonne marche de toute société soucieuse de son avenir. C'est malheureux, tout est devenu ordinaire en Algérie, «normal» comme diraient mes compatriotes sur un ton mi-figue mi-raisin. À défaut d'un canal de communication viable, impartial, et crédible, les jeunes algériens se sentent seuls, sans un sou vaillant dans la poche et le comble livrés à eux-mêmes dans un environnement qui leur est tout à fait hostile. Ce qui les pousse logiquement à se désintéresser de la chose politique qui ne leur apporte que davantage de tristesse et de déceptions. À quoi bon une assemblée nationale, sans réel ancrage sociologique sert-elle quand des députés, à de rares exceptions près, voraces et sans scrupules ne pensent au fond d'eux-mêmes qu'à remplir les poches et arrondir leurs bedaines au moment où des régions entières de l'Algérie profonde sont complètement ensevelies sous le blanc manteau de la neige? Les avatars des dernières années ont convaincu un nombre important de la population de l'inutilité de tout scrutin. C'est une amère réalité qui laisse plus d'un pantois, l'Algérie est au bout du gouffre et plus personne n'est à son chevet pour lui prodiguer les soins qu'elle mérite et l'assister dans ses malheurs. C'est pourquoi, les jeunes, rongés par leur quotidien morne, donnent libre cours à leurs colères et émotions dès que l'occasion se présente devant eux. L'expansivité plaintive s'est marié de la sorte avec l'impulsivité langagière sur fond de rancœurs non contenues, de haine refoulée et de volonté du changement radical de tout ce qui les entrave. Ils veulent assister à l'unisson comme dirait une autre étudiante présente sur le même plateau au «Al-Tashbib» (le rajeunissement) de toute cette classe de gérontes véreux et d'apparatchiks vicieux. Il est également un autre constat accablant et un phénomène étrange, les algériens de «cette génération de la perte et de l'errance» ne sauraient parler sereinement et en toute tranquillité d'esprit que devant les rares caméras de l'E.N.TV, qui miroitent une Algérie de paix et de fleurs autre que celle que l'on voit à l'œil nu, souffrante et apathique de tous les jours. L'image médiatique de la rue a savamment été traficotée en haut lieu et l'on ne voit hélas que les faces reluisantes d'un système en décadence. Sans doute, le vent de révolte et de désobéissance mélangé aux séquelles de la terreur des années 90, aurait apparemment gagné dans le sang et les gènes la jeunesse algérienne à telle enseigne que l'on n'arrive plus à savoir avec exactitude d'où venaient réellement les couacs et les blocages de l'Algérie actuelle. Autrement dit, les jeunes d'aujourd'hui sont pleins d'énergie et d'entrain, ils sont aussi inventifs que créatifs dans tous les domaines de la vie et attendent avec impatience que les autorités leur tendent une perche du sauvetage avant qu'il soit trop tard car les différents dispositifs mis en application jusqu'à présent afin d'absorber leur grogne comme l'A.N.S.E.J et le filet social se sont révélés sans réelle efficacité. De plus, ces jeunes-là sont dans l'incapacité de théoriser leurs problèmes et de verbaliser leurs douleurs d'une manière claire, convaincante et compréhensible en raison de la faillite de l'école et de la dégradation de la qualité des diplômes universitaires. Désormais et sans exagération aucune, il est à peine possible de faire la différence entre un illettré qui n'a plus fait d'études et un diplômé fraîchement sorti de l'université. Que l'on fasse la part belle des choses, l'Algérie risque sans une vraie remobilisation des énergies nationales autour de la compétence, le savoir-faire et le génie scientifique, une rébellion généralisée d'une autre nature que celle qu'ont connue ses voisins et qui, si des prédispositions urgentes ne seraient pas prises au moment opportun, pourrait porter de graves préjudices à son tissu social, combien déjà déchiqueté. L'émeute, ce produit de luxe «made in Algeria» est le dernier apanage des classes défavorisées de la société. Ses mécanismes subversifs sont fort assimilés et d'une manière inconsciente par ses embryons élémentaires. Pour l'anecdote, un jour en 2004, en discutant avec une personne âgée qui a rencontré quelques tracas administratifs avec la C.N.A.S d'Ihaddaden à Béjaia, j'ai été surpris de décrypter dans ses paroles des allusions explicites à l'usage de la force contre l'administration en faisant appel à quelques gamins perturbateurs dans la cité où il habite, la sagesse de l'octogénaire ne l'a nullement empêché de penser à la violence. Cela dit, la culture du dialogue n'est pas encore enracinée dans les esprits et l'administration algérienne est vue comme «un monstre-menteur», prêt à tous les marchandages et manipulations. La confiance, ce maillon nécessaire à toute relation sociale y fait cruellement défaut. Pour s'en convaincre, il ne suffit qu'à jeter un regard critique sur la suspicion et le doute qu'entretiennent les citoyens à l'approche d'un agent administratif, une simple explication de rejet d'un dossier ou de non-octroi d'une pension alimentaire pourrait facilement tourner à une dispute. Les citoyens ont pris le mauvais pli, à la suite des différentes transformations sociales et mutations sociologiques qu'a vécus le pays dans l'anarchie à la fin du siècle dernier, de s'arracher leurs droits au moyen de la surenchère verbale, de la violence physique et le recours aux interventions et à l'influence «les épaules» comme on dit pour s'arroger illégitimement de simples faux-avantages qui relèvent logiquement de leurs droits ! Par ailleurs, le spectre du chômage est vécu comme un lourd fardeau par la famille, les nouveaux titulaires de diplômes qui sortent sur le marché du travail en ressentent une honte difficilement contenue. Par hypocrisie sociale, le regard de la famille change dès qu'elle réalise que son enfant va être une charge supplémentaire pour son budget. Ainsi les études ne font-elles plus rêver comme autrefois, c'est le business qui prime comme nouveau mode de vie, l'économie informelle et du Bazar a trouvé ses lettres de noblesse dans une Algérie qui se délite à vue d'œil. En effet, de multiples facteurs participent à cet état de fait dramatique, l'école, la rue, les mosquées et même les universités, on dirait que tout se noie dans une situation de «dévolution chronométrée». C'est dire combien il est urgent de rattraper le temps perdu et d'ouvrir un créneau prometteur à «une technocratie gestionnaire» capable, si besoin est, d'insuffler une nouvelle synergie à un corps étatique, tenu par des gérontes aussi bien inexpérimentés que dépassés par le temps et qui, de surcroît, a du plomb dans les ailes. L'on pourrait dire que le désordre qui s'est taillé la part du lion dans les mentalités parmi la plèbe commence à toucher jusqu'au cœur des institutions de l'Etat (bureaucratie, lenteurs administratives, tribalisme, Benamisme…). Chemin faisant, parler des élections en Algérie, c'est en quelque sorte évoquer un autre chapitre de cette crise politique qui perdure et étouffe la population dans la mesure où le gros lot des citoyens est partagé entre participation timide et abstention radicale. L'enjeu crucial des législatives du mois de mai prochain n'est plus un jeu d'enfants ni moins encore un simple passage dans la vie de la patrie mais il est sans l'ombre d'un doute un test de citoyenneté fort en enseignements. En effet, l'odeur pestilentielle de la fraude a contaminé les esprits jusqu'au point où plus aucune personne ne croit vraiment à un quelconque jugement des urnes. L'effet psychologique, très décourageant à plus d'un titre qu'aurait imprimé dans le subconscient des masses la mascarade de la fraude électorale à grande échelle des législatives de 1997 n'a pu être effacé des esprits. Certes le bourrage des urnes, l'endoctrinement psychologique, le trafic des listes électorales sont autant de techniques mises à la mode avec un succès phénoménal durant ladite échéance mais il n'en demeure pas moins que les expériences des municipales de 90 et des législatives de la fin de 91 furent elle aussi des cas d'espèce fort éloquents en la matière. On ne saurait le reformuler autrement, c'est un jugement qui tombe tel un couperet, depuis pratiquement l'accession du pays à l'indépendance nationale, aucune élection digne de ce nom n'est vraiment menée dans l'honnêteté et la transparence. L'ouverture que s'est permise le régime au terme du «génocide social» commis à l'encontre des révoltés d'Octobre 88 ne fut en vrai qu'une énième parade de résurrection conduite par les caciques du F.L.N. Celui-ci a pris à l'époque et contre toute attente un recul tactique par rapport aux manœuvres politiciennes du régime en place mais s'est vu en revanche remodelé et infiltré de l'intérieur par les éléments de la police politique, toutes ses structures en sont en effet gravement contaminées. Tout au plus sa tendance réformatrice n'a-t-elle guère de moyens qui lui auraient permis de canaliser avec intelligence un islamisme embryonnaire mais fort actif dans la société. C'est à cette époque-là même que sont nés les concepts de la Hogra, de la Tchipa et de la marginalisation que l'on a exportés en grande quantité à nos voisins arabes, révoltés de nos jours. Néanmoins, les médias étatiques furent largement investis par les réformateurs, les débats télévisés et diffusés en direct ont semé en Algérie quelques bribes de citoyenneté alors que de l'autre côté de l'écran, l'Islamisme politique a sapé en profondeur par ses tentacules empoisonnés, la base de toute la société algérienne. De l'autre côté de la barrière de cette «zone interdite» du sérail, le F.F.S, l'unique parti d'opposition qui a su recapitaliser son potentiel populaire mis en veilleuse durant plus de trente ans de clandestinité aurait, en dépit de son vrai ancrage en Kabylie, son fief historique et partout ailleurs, été confronté à de véritables problème de redéploiement sur le terrain. Cependant, il a su se mettre avec tact en désaccord de principe avec le premier camp comme du second, en optant pour une voie médiane entre eux. D'où il découle une logique consensuelle des trois fronts qui furent censés guider le destin de l'Algérie post-88. En revanche, cette configuration simpliste cache en arrière-plan une réalité beaucoup plus compliquée qu'il n'y paraît car le spectre de la fraude est en lui-même tout un processus bien ficelé du début jusqu'à la fin et non plus comme l'avait décrit le régime un travestissement de dernière minute des vœux citoyens contenus dans les urnes. En fait, la brèche d'oxygène opérée dans le système social a angoissé toutes ses couches. Ainsi les mosquées sont-elles devenues des lieux de prêches enflammés contre les lois positives à l'ombre d'un Etat tout aussi défaillant qu'agonisant, l'espace public infesté par la vermine des discours haineux, visant plus particulièrement les anciennes élites occidentalisées ou prédisposées à y réintroduire les vertus civilisationnelles de l'Europe, et la société semble comme portée par un profond sentiment de spiritualisme. Pour cause, la mise sur orbite de la conscience citoyenne a été menée avec énormément du succès par les élus islamistes au niveau des différentes mairies. Raisons pour laquelle, ce grand formatage des esprits a été distillé par injections échelonnées et injonctions programmées aux citoyens. L'Etat en tant qu'unique protecteur des armoiries républicaines fut laminé sous les coups de boutoir d'un électoralisme biaisé et d'un militarisme dominant. L'islamisme acculé à se retrancher sous la férule d'un ordre politique hégémonique et méprisant, aurait inventé des stratégies d'auto-défense revanchardes à l'égard du régime. Celui-ci, encore faudrait-il le rappeler en ce papier, fut en premier lieu coupable aux yeux de l'opinion publique de la féroce répression des années 70 et 80 à l'encontre de la mouvance islamiste, des activistes berbéristes et des syndicalistes de gauche. C'est pourquoi, la course au leadership des institutions étatiques par aussi bien les têtes pensantes du F.I.S que par les potentats de la grande muette fut des des plus acharnée surtout lorsque ceux-ci ont essayé de se poser en tant que garants messianiques de la restructuration du champ politique en lieu et place d'un F.L.N en dégénérescence. En Algérie, l'armée a, de tout temps, été le fer de lance et la cheville ouvrière de toute la batterie institutionnelle sur laquelle s'appuie le régime et le Parti Unique n'est là que pour servir de façade dans l'arrière boutique qui lui est en parfaite connivence. L'on pourrait dire également par-là que la naissance de l'Islamisme radical et intégriste, bien que celui-ci existe déjà dans sa version la plus modérée au plus fort de la période coloniale, représenté essentiellement par l'association des Oulémas de Cheikh Ben Badis (1889-1940) et durant les deux premières décennies de l'indépendance nationale au sein des universités et des secteurs stratégiques tels que la justice et la presse, fut corollaire du durcissement de la position de la nomenclature après le coup de force orchestré contre le président Chadli en janvier 92. L'arrivée du feu Mohammed Boudiaf (1919-1992) aux affaires n'a rien résolu de cette haine viscérale du régime de tout ce qui a trait à l'Islamisme, l'état d'urgence a été décrétée et les centres de rétention, vestiges de la période coloniale, furent de nouveau réouverts au sud de l'Algérie au nom de la sauvegarde des intérêts suprêmes de la nation. Erreur fatale de l'un des vétérans de la guerre de libération nationale (1954-1962), aimé et adulé par toute une jeunesse qui aurait cru en la fin de son calvaire. C'est alors que l'Algérie, faute d'un véritable consensus national sur une issue de la crise, fut divisée en deux camps irrémédiablement irréconciliables, les éradicateurs et les réconciliateurs. En toile de fond, l'on voit bien que la fraude électorale a légalisé et légitimé le F.I.S d'un côté et délégalisé et délégitmé le régime de l'autre. Hélas, rien n'est acquis d'avance car l'usurpation de la volonté populaire dès l'indépendance par une pseudo-élite embourgeoisée, alliée stratégique de l'armée des frontières n'a malheureusement pu être dévoilée et dénoncée que par une autre déformation électorale, cette fois-ci islamisante et prolétarisée. Ce jeu d'influences et ces démonstrations de force de part et d'autre ont contraint les masses populaires à une sorte d'hypnose politique chronique. Nulle personne parmi l'intelligentsia ou les simples citoyens ne sait au juste d'où émanait la source réelle de l'autorité durant la décennie noire, euphémisme combien taillé sur mesure d'une guerre civile (1992-2000), très sanguinaire. Ceux qui quittent le pouvoir s'en lavent les mains et affirment être dans l'opposition bien que lorsqu'ils étaient dans l'engrenage du régime, ils ont cautionné des choix qui n'étaient pas forcément les leurs mais descendus directement de la boite noire du système et les ont soutenu mordicus bien des années plus tard devant l'opinion internationale. Le cas de l'ancien premier ministre Sid Ahmad Ghozali en est des plus tragi-comiques. Ayant prêté aide et soutien aux militaires pour entériner leurs oukases en 1992, il vient dernièrement de s'en disculper, défendant tout le contraire de ce qu'il a combattu ! Par ailleurs, il y a quelques années, le plus gros de la classe politique algérienne aurait cru que l'unique possibilité de la fraude consiste dans la participation des éléments de l'armée dans les opérations de vote, ce que les faits ont démenti de façon catégorique car l'impartialité de l'administration, les consignes de votes parachutés des hautes sphères de décision, le matraquage médiatique sont à n'en point douter de bien subtils moyens de tricherie électorale autrement plus performants. Il n'est nullement inutile de dire à cet effet que la dernière campagne d'envoi des S.M.S qui a été lancée par les autorités publiques est en quelque sorte un mécanisme de fraude électorale à ciel ouvert. On est semble-t-il en présence d'un véritable mythe de Sisyphe propre à la philosophie camuséenne dans le jeu de marelle à l'algérienne. Le régime algérien est très machiavélique car, en tentant superficiellement d'appeler les algériens au vote massif, il ne veut en vérité que les en dissuader. Sa stratégie est trop subtile pour être découverte et décortiquée. Elle est digne de cette fameuse fable de la tortue et de l'aigle. Tandis que celui-ci l'attrape, la tortue ne pense qu'aux parades de nature à leurrer l'épervier et se sauver de la mort. Pour ce faire, elle lui cite les lieux sur les lesquels elle compte réellement tomber comme synonyme à ses yeux de ses horreurs. L'aigle, un tantinet naïf et peu calculateur, finit en bout de course par la lâcher là où elle aurait choisi à dessein de s'y installer tout en croyant qu'il l'a tuée. Si l'on projette cette fable sur le scénario algérien, l'on devinerait facilement que la tortue, c'est le régime, et l'aigle, c'est immanquablement le peuple. Autrement dit, le pouvoir actuel table en catimini sur un large taux d'abstention afin d'étrangler à jamais les aspirations populaires, la restructuration de la société en un large front démocratique, politiquement dissident lui fait réellement peur. C'est pourquoi, d'une part, il essaie de démanteler et de parasiter les quelques partis structurés en les convaincant indirectement du choix du boycott ou d'abstention. D'autre part, il légalise d'autres constellations de petits partis-godillots qui l'aideront probablement à donner un alibi à ses choix le plus souvent suicidaires. En un mot, le pouvoir en Algérie tente de commettre un crime de lèse-politique. Ce qui le dérange par-dessus tout, c'est une société civile, capable de véhiculer une alternative constructive à la crise d'aujourd'hui. Cette histoire de l'abstention ne sert dans les faits que comme un épouvantail pour faire peur et un éventail pour dissiper ça et là les mouches médiatiques et les quelques faux-soupçons des chancelleries occidentales. Celles-ci notamment la France encouragent vivement via des projets géostratégiques (França-afrique, Françalgérie, processus de Barcelone..) une normalisation autoritaire du régime d'Alger même si le printemps arabe a pu déverrouiller les systèmes politiques hermétiquement fermés de l'intérieur. Cela nous ramène en droite ligne et à notre corps défendant de revenir sur cette hydre diabolique qu'est le colonialisme. Sans tomber dans le panneau du désespoir, l'Algérie est un modèle autoritaire très pathologique dépassant de loin la tyrannie damascoise. Elle est, en ce sens, beaucoup bien différente anthropologiquement, culturellement et sociologiquement de toutes les autres contrées arabes. Pour preuve, toutes ces techniques de tricherie et de fraude ne sont-elles pas d'ailleurs un copié-coller sinon une marque de fabrique de ces perversions colonialistes? N'était-ce pas le gouverneur Edmond Neaglen qui avait privé le P.P.A-M.T.L.D en 1948 de gagner des sièges à l'assemblée nationale de la IV république en procédant à un trucage vite entré dans l'histoire? En dernier ressort, l'on ne saurait que dire que le régime actuel est à la fois fort et bancal. Fort puisqu'il est soutenu par l'Occident non plus sur le plan idéologique ou sur la base d'une quelconque performance démocratique mais en raison de visées purement géostratégiques ( il est un pivot central entre les régimes des pays du Sahel et les nouvelles démocraties du printemps arabe, un réservoir d'hydrocarbures au niveau mondial et une pièce-maîtresse dans la nouvelle redistribution des rôles dans les relations internationales à l'échelle de la Méditerranée). Si l'Algérie bouge et prend la température du thermomètre arabe, l'avenir de la révolution du Jasmin serait inéluctablement menacée et la stabilité géostratégique tant souhaité par les partenaire européens du Nord gâchée. En un mot, les algériens sont victimes d'un triple facteur: économique: la rente pétrolière, social: le chômage et la culture de l'assistanat, politique: l'inconstance du pouvoir politique et ses manœuvres contre-nature (alliance avec l'islamisme et divorce avec la société civile) ainsi que faiblesse de l'opposition politique. En plus, le conjoncture internationale ne se prête plus à un changement immédiat en Algérie. C'est pourquoi, en l'état actuel des choses, des législatives avec un taux d'abstention considérable ne font qu'empirer la situation déjà combien gravissime et renforcer plus les dérives totalitaires de la nomenclature..